Tribune libre de Frédéric Vienne

Bâtir et conforter un nouveau modèle agricole

  • Publié le 17 avril 2020 à 09:23
  • Actualisé le 17 avril 2020 à 09:30

Alors que le Covid-19 sévit sur le territoire national et que notre île doit observer une période de confinement depuis plusieurs semaines, nous devons d'ores et déjà tirer plusieurs leçons de cette crise. C'est dans ce sens, lors de son allocution télévisée ce 14 avril, que le président de la République, Emmanuel Macron, a rappelé la nécessité sinon l'obligation de " rebâtir l'indépendance agricole française en Europe et dans le monde ". Dès le début de ce mandat, aux commandes d'une Chambre d'agriculture dynamique, notre équipe a mis en pratique les bases d'un nouveau modèle agricole tendant vers plus de résilience et d'indépendance malgré les obstacles. Un projet structuré autour de plusieurs axes de travail au premier rang desquels l'amélioration vitale de la compétitivité de nos entreprises agricoles, actuellement en grande difficulté, la diversification et l'optimisation des productions visant une meilleure autonomie alimentaire ainsi que le lancement de projets structurants permettant notamment aux productrices et producteurs de jouir de toute la plus-value de leur exploitation et de bénéficier d'un total soutien. (Photo DR)

Ce virage que nous voulons avec et pour nos exploitations doit permettre, d’une part, de répondre aux attentes fortes des consommateurs dans un environnement hautement concurrentiel et, dans le même sens, d’ouvrir et de faire progresser des circuits de commercialisation structurés autour de la vente directe. Une voie qui a fait ses preuves en cette période de confinement mais qu'il faut renforcer et conforter. Cette " indépendance ", à laquelle l’Etat doit aussi concourir avec force, s’articule autour de plusieurs principes : la garantie d’une meilleure sécurité alimentaire au regard de l’évolution démographique, une valorisation des productions locales et des circuits-courts associée à des importations enfin raisonnées et une nouvelle forme d’organisation de la filière export associée à des produits transformés d'excellence réunionnaise.

Cet objectif, attendu de longue date, doit aussi permettre de renouer le lien fort entre nos consommateurs et nos agriculteurs, dont l’ouverture des exploitations au grand public va faciliter une meilleure compréhension des exploitations pour les générations actuelles et futures. Pour cela, il devient urgent de conforter ces objectifs par des innovations, de la recherche, des projets et des alternatives aussi bien en matière de productions végétales et animales qu'en terme de ventes. Le tout, en y intégrant une dimension aussi bien agro-écologique qu'agri-touristique.

Lors de cette crise, les dispositifs d’écoulement ont fleuri aux quatre coins de l’île avec le retour des marchés de producteurs, des drives, des livraisons et portages à domicile ou encore des micro-marchés. Des modalités qui ont permis d’écouler près de 2.000 tonnes de fruits et de légumes chaque semaine et que nous allons prolonger avec l’ouverture, dès cette année, de notre premier magasin de producteur affilié au réseau " Bienvenue à la Ferme ". Une structure réfléchie pour le consommateur et le producteur qui sera assorti d’une offre spécifique en formations. La moisson de médailles d’Or décrochée encore cette année au Concours Général Agricole constitue à ce titre la meilleure preuve de cette excellence qu’il nous faut aussi valoriser dans notre île.

Nous sommes prêts à relever ce défi et nous devons encore progresser et nous renforcer pour satisfaire cette attente. Structurée autour de la culture pivot de la canne à sucre, qui a permis la production de dizaines de milliers de litres de solution hydro-alcoolique, notre modèle doit aussi se projeter dans un avenir durable. Je parle ici d’une autonomie alimentaire vertueuse. Une autonomie qui atteindra difficilement les 100% au regard de la raréfaction du foncier disponible et d'une main d'oeuvre problématique mais qui peut s’améliorer avec l’augmentation des surfaces de production sur des filières de relance telles que l’oignon, l’ail, la carotte, la pomme de terre ou encore nos plantes aromatiques et médicinales, nos farines sans gluten, nos racines, nos montées en gamme et une meilleure autonomie en semences. Cet objectif, il faudra l’atteindre dans un contexte où les importations massives noient le marché avec des coûts de production déloyaux. C’est ce que préconise notamment le projet Agripéï 2030 porté par notre Chambre à l’initiative du Département.

Nous avons par le passé assisté à des stratégies qui n’étaient pas toujours adaptées à l’image de l’orientation cannière de l’Antenne 4 de la zone Ouest qu’il nous faut maintenant réorienter vers le maraîchage. Nous ne pouvons effectivement plus accepter de constater et de subir les graves difficultés de nos agriculteurs dont plusieurs milliers doivent jongler avec des soldes négatifs avec des crises qu’elles soient climatique, sociale ou organisationnelle. Une chance, une opportunité nous sont données pour participer au développement de nos filières de productions à travers plusieurs Domaines d’activités stratégiques sur les 16 que compte notre Contrat d’Objectifs et de Performance qui nous guidera jusqu'en 2025. Il s’agit présentement de la formation, de l’installation en agriculture, du conseil mais aussi de l’innovation associée à la recherche et au développement sans oublier la nécessaire protection de notre foncier et le développement tant attendu de la vente directe. Ces objectifs ne se feront pas sans une analyse fine de la viabilité économique de ces évolutions. Ces projets, nous les réaliserons en concertation avec l’ensemble des partenaires mais aussi les premiers acteurs de la richesse d’une île résolument agricole, nos producteurs, pour un avenir davantage sécurisé, à travers une production à laquelle s’identifieront pleinement les Réunionnaises et Réunionnais.

Frédéric Vienne, Président de la Chambre d’agriculture de La Réunion

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1 Commentaires
Pierre Aillaud
Pierre Aillaud
4 ans

Que pensez-vous d'un prix minimum garantie aux producteurs? Si le prix descend en dessous de ce prix minimum, l'état compense la perte pour les producteurs. Sans nourriture, on meurt donc personnellement ça ne me choque pas de garantir un revenu aux gens qui produisent notre alimentation. S'ils ne parviennent pas à vivre de leur activité, ils arrêtent. S'ils arrêtent, moins de nourriture est produite. Si moins de nourriture est produite, il n'y a plus à manger. S'il n'y a plus à manger on meurt. CQFD