Courrier des lecteurs de Bruno Bourgeon

Se débarrasser du plastique, est-ce possible ?

  • Publié le 24 août 2020 à 09:55
  • Actualisé le 24 août 2020 à 09:59

Le plastique est présent dans 95% des estomacs des tortues marines de Kélonia, chiffre que m'a avancé son directeur il y a deux ans. Récemment encore, une tortue est morte d'intoxication au plastique. Il est tellement facile de se moquer de Maud Fontenoy, égérie sarkozyste, écolo en cheffe de la droite, lorsqu'elle profère qu'il suffit de gestes citoyens pour lutter contre la prolifération du plastique. En vérité, toute la gent politique pense de même. Itou : la suppression des sacs plastiques ne sert à rien. Voici pourquoi.

Dans Science du 22/07/20 (1), une étude est limpide : en 2040, nous aurons triplé ce que nous balançons comme plastiques : x 2.8 sur terre, x 2.6 dans les océans. Ce qui fera passer les détritus plastiques océaniques annuels de 9.5 à 24.7 millions de tonnes.

Un sursaut politique est-il possible ? L’histoire de l’industrie nous dit que non. Tout commence avec Léo Baekeland, Belge émigré aux States, qui inventa la bakélite en 1906. Vieux souvenir de mes cours de chimie de Seconde. S’ensuivent les polymères, le polystyrène, le PVC, le polyéthylène, le polypropylène, le PTFE ou Téflon, les polyesters, le polyméthylmétacrylate que l’on retrouve dans les membranes de dialyse (plexiglas), les polyamides (idem en dialyse), encore appelé nylon, intimement mêlé à l’entreprise DuPont : vous savez, DDT et autres pesticides.

Donc le nylon, découvert par Julian Hill en 1935 (2) : 400 millions de t en 2019, dont 100 millions de t produites ces dix dernières années (3). Exponentielle irrésistible. Car les plus puissants industriels, partout sur la planète, sont au cœur de la décision politique.

Du coup, les mermaid’s tears (les larmes de sirène), désignant si poétiquement les granules de plastique microscopiques multicolores, se mélangent au sable des plages, s’insèrent dans les viscères des animaux marins, dont certains font partie de notre chaîne alimentaire. Il y en a des trilliards. Avec des séquelles en santé humaine. Même l’albatros de Midway, au centre du Pacifique Nord, à 5000 km du continent le plus proche, donc loin de notre douce Humanité, souffre et meurt de ces déchets : le septième continent. Voir le film, le chef-d’œuvre, de Chris Jordan, " Albatross " : http://aid97400.re/spip.php?article400, qu’AID possède en VOST libre de droits. 1000 Réunionnais l’ont visionné, dont 700 collégiens ou lycéens. Nou lé fier.

Conséquence : se battre pour limiter la casse est dénué de sens. Des générations d’écologistes convaincus, d’ONG volontaires, d’associations militantes, auront passé des milliers d’heures à arracher des mesurettes qui n’auront fait que faciliter l’acceptation sociale et planétaire de la production de plastique, dont l’Homme s’est bien passé pendant deux millions d’années.

Une seule voie n’est pas une impasse : prohiber la production ubiquitaire du plastique. Voilà matière à se mobiliser. Une fois de plus. Une fois encore.

Bruno Bourgeon, porte-parole d’AID

D’après Charlie-Hebdo n°1463

(1)  : science.sciencemag.org/content/early/2020/07/22science.aba9475
(2)  : sciencephoto.com/media/549814/view/discovery-of-nylon-1941-re-enacment
(3) : plasticseurope.org/fr/newsroom/press-releases/archive-cp-2018/lindustrie-des-matieres-plastiques-une-industrie-performante-et-contestee

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