Tribune libre de José Macarty

Hommage à Brigitte Croisier : "merci kafrine !"

  • Publié le 15 décembre 2020 à 09:50
  • Actualisé le 15 décembre 2020 à 10:01

Brigitte disparue, il nous faut dire à la manière de Borgès le déshonneur des flamboyants qui n'ont pas su la retenir un peu plus longtemps (photo d'illustration ipr / www.ipreunion.com)

Le temps qu’elle puisse prendre dans ses bras l’enfant de sa fille Muriel. Au-delà de la cruauté des choses et du samsara, ce cycle de la mort et de la renaissance, il nous restera de Brigitte le témoignage essentiel d’une quête inlassable de la vérité. Sur cette terre réunionnaise qu’elle a adoptée, elle a commencé ses premières recherches à Témoignage Chrétien de La Réunion où on parlait alors de la rencontre du communisme populaire et du christianisme populaire.

Brigitte se laissait questionnée par l’audace de la pensée du poète et militant Alain Lorraine qui rêvait du rendez-vous entre la culture et l’agriculture, entre l’histoire et la géographie. Lettrée et érudite, Brigitte savait abandonner ses livres pour aller recueillir la parole des femmes du peuple, celles de l’Ilet à Cordes ou de Bé Cabot, des tisaneuses ou encore des artisanes. Ses portraits, dans le journal de TCR ou dans Témoignages, reflétaient comme dans un miroir la complexité de l’âme réunionnaise et la richesse du génie populaire de notre peuple. Ainsi, petit à petit, Brigitte a appris de la culture réunionnaise et de sa dialectique du métissage qui fait dépasser les contradictions pour une unité vivante et plurielle.

Bien sûr, les chemins de Brigitte ne pouvaient pas ne pas croiser ceux de Paul Vergès. Le livre d’entretien " D’une livre au monde " est, je crois, une véritable coproduction en ce sens que les qualités intellectuelles de Brigitte, l’acuité de son raisonnement, sa perspicacité ont permis au fondateur du PCR de préciser et d’enrichir sa pensée et sa doctrine.
"Je est un autre", aimait dire Brigitte. Effectivement, au fil de ses rencontres, elle est devenue cette autre, de moins en moins occidentale dans ses modes de pensée, de plus en plus africaine et orientale et donc réunionnaise dans ses choix et ses solidarités. Cette transformation se donne à voir dans son ouvrage autobiographique " Ailleurs est ici " dont le titre à lui seul traduit son cheminement à travers la revendication des rencontres improbables et de leur potentiel de richesses.

A l’exemple de Brigitte, il nous faut poursuivre cette quête inlassable de la vérité, actualiser la pensée réunionnaise soumise à la rudesse du temps, imaginer de nouvelles audaces, se donner de nouvelles ambitions. Un dernier mot sur les qualités d’écrivaine de Brigitte. Son écriture a toujours été pour moi comme une bénédiction. Elle se tient à distance de l’emphase mais ignore en
même temps la sécheresse de la pierre. Elle a de la délicatesse, de la précision et de l’élégance. Son écriture est fluide, légère presque liquide. Le célèbre poète chinois Wang Wei écrivait dans ses " Saisons bleues " : " L’eau qui court a comme une pensée ". On peut en dire autant de l’écriture de Brigitte.

Merci kafrine !

www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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