Tribune libre de Bruno Bourgeon

Le Groenland, l'uranium, et les terres rares

  • Publié le 13 mai 2021 à 18:50
  • Actualisé le 13 mai 2021 à 18:51

Réunionnais, un peu de fraîcheur. Cela se passe à Kuannersuit, ou Kvanefjeld, au nord-est du village de Narsaq. C'est à la pointe sud-ouest du Groenland, non loin des sites des premiers colons vikings. Le Groenland, c'est 56000 habitants, 0.02 habitant/km2 sur 2.800.000 km2. Majoritairement des Inuits. Imaginez 50 habitants à La Réunion pour vous donner une idée de cette immensité désertique et glacée. Narsaq ? 1581 habitants (Photo d'illustration AFP)

Sur ce site, un immense projet minier, 17 minéraux stratégiques, pour construire téléphones portables, bagnoles électriques, écrans d’ordinateurs, télés, toutes joyeusetés incarnant le " modernisme ". Les terres rares et l’uranium ici présents rendent fous les partisans de l’extractivisme, manière industrielle d’exploiter tout ce que la Terre peut nous offrir. Le sous-sol regorge de terres rares, d’uranium, de pétrole, de gaz, de zinc, de plomb, de molybdène, d’or, de diamants, de charbon. Or la glace recouvre 80% de l’île, mais le changement climatique la fait fondre vitesse grand V, et ouvre des perspectives, en aiguisant les canines des mineurs, notamment des Chinois.

Trois gisements autour de Kuannersuit contiendraient 270 000 t d’uranium, et 11 millions de t d’oxydes de terres rares (1). Le projet s’établit sur la base d’arguments mille fois entendus : 2000 emplois au lancement, 800 emplois en vitesse de croisière. Et d’alpaguer le chaland à coups d’arguments touristiques : routes, hôtels flambant neufs, et de minimiser l’impact environnemental (2). Sauf que la mine ferait augmenter de 45% les émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble du Groenland. Kuannersuit devient le sparadrap du capitaine Haddock : personne ne peut s’en défaire.

Les élections législatives du 6 avril dernier arrivent : d’un côté les socialos locaux affaiblis par la question minière. De l’autre, Inuit Ataqatigiit (" Communauté Inuit "), écologiste de gauche, dont la ligne met l’accent sur la pêche, le tourisme et les mines : pas très vertueux, tout ça. Mais Mute Engede, 34 ans, sa nouvelle chef, a grandi à Narsaq, où son parti fait 70% des voix. Cette région de l’île regroupe l’essentiel des terres agricoles et d’élevage.

Mariane Paviasen, créatrice en 2013 d’un groupe de femmes " Non à l’uranium ", a rejoint le parti de Mute. Toute nouvelle élue, elle voit clair, et loin : " ce fut l’élection la plus importante qu’on ait jamais eue au Groenland. On veut nous faire croire qu’il faut exploiter ces terres rares pour permettre la transition écologique et rendre l’Europe plus " verte ", mais ça ne peut pas être une bonne méthode que de détruire un pays pour en rendre un autre plus propre. "

Ne voilà-t-il pas une belle leçon universelle ?

Bruno Bourgeon, porte-parole d’AID
 

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1 Commentaires
mékoué
mékoué
2 ans

Docteur votre Cri tombe sous le sens, vous avez mille fois raisons d'attirer ainsi l'attention sur l'auto destruction de la planète. Destruction hélas engendrée par son pire ennemie : l'homme. La minorité sincère qui s'égosille face à ces méfaits sera-t-elle un jour entendue' Il y a peine à croire, surtout quand de l'autre côté la grande majorité des humains se batte pour s'acheter les moindres et nouvelles futilités, peccadilles, gadgets et idioties à obsolescence programmée. Il n'y a qu'à constater ce parc immense des "Autolib" (voiture électrique) Parisiens, abandonné et désormais livré à la casse. Cet aspect des choses, en dit long sur la véritable appréhension du lendemain par l'homme. ("Après moi le déluge", semble être la philosophie actuelle)L'extraction du lithium dans le Pays producteurs représente un vrai désastre écologique:Votre phrase : "mais ça ne peut pas être une bonne méthode que de détruire un pays pour en rendre un autre plus propre. " Croyez-vous qu'elle sera un jour entendue ' Car s'il y a des producteurs, il y a surtout une immensité "d'acheteurs de l'inutile..." '''