Tribune libre de Reynold Michel

L'après législatives, un temps pour avancer ensemble

  • Publié le 10 juillet 2022 à 09:22
  • Actualisé le 10 juillet 2022 à 09:23

Les législatives des 12 et 19 juin 2022 confirment l'importance de l'abstention : 70 % en moyenne dans les Outre-mer et 52 % dans l'Hexagone. Une abstention toujours en progression depuis plusieurs décennies : à la présidentielle comme aux municipales en passant par les législatives.

Pour revivifier la démocratie, des réponses doivent être apportées durant cette législature. Par ailleurs, ces législatives ne donnent pas au président, réélu le 24 avril 2022, la majorité absolue de 289 pour gouverner selon son programme, malgré son appel au "sursaut républicain", dans l’entre-deux-tours des législatives, le mardi 14 juin. "Nous sommes à l'heure des choix et les grands choix ne se font jamais par l'abstention. J'en appelle donc à votre bon sens et au sursaut républicain", a-t-il déclaré sur le tarmac de l'aéroport d'Orly d’où il allait s'envoler pour la Roumanie et la Moldavie, estimant que "dimanche aucune voix ne doit manquer à la République". Loin d’être entendu, une abstention massive et des reports de voix inédits dans les situations de duel avec un candidat RN… au second tour ont eu raison du " front républicain".

- Une situation inédite sous la Ve République -

La nouvelle Assemblée nationale est désormais composée de quatre groupes de députés : la majorité présidentielle, Ensemble, avec 245 élus, la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES) avec 133 députés, le Rassemblement national (RN) compte 89 élus, Les Républicains (LR) en ont 61. On compte également parmi les élus : 20 divers gauche, 10 régionalistes, 10 divers droite, 4 divers centre, 4 UDI, 1 droite souverainiste. Les deux principaux groupes sont composites : Ensemble (LREM, 162 députés, le MoDem, 45, Horizon, 27) et la NUPES (La France insoumise (LFI) a 79 élus), EELV 25, le PS 25 et le PCF 12 (qui va, sans doute avoir du mal à constituer un groupe parlementaire – 15 élus). Ce sont avec ces diverses forces politiques que le président de la République, Emmanuel Macron, doit gouverner. Après avoir exhorté en vain les Français à " donner une majorité solide " au pays au nom de "l'intérêt supérieur de la Nation" (voir ci dessus), le chef de l’État en appelle, après avoir reçu à l’Élysée dix chefs de parti, au dialogue, à l’écoute, au respect et au compromis, tout en enjoignant aux forces de l’opposition de clarifier leur position. Certes, les forces de l’opposition doivent clarifier davantage leurs démarches, mais le chef de l’Etat ne peut pas se contenter d’affirmer sans scrupule qu’il a été élu "sur le fondement d’un projet clair " et que le peuple français lui a donné "une légitimité claire", alors qu’il sait pertinemment que près de 42 % d’électeurs ont voté pour lui par rejet de l’autre candidat (France info, 24/04/2022). N’ayant ni majorité absolue, ni projet clair, le président Macron doit composer avec les forces en présence dans l’Assemblée nationale pour avancer sur un certain nombre de reformes qu’il souhaite mettre en œuvre.

- Un Parlement qui délibère et qui est entendu -

Cette situation inconfortable pour la majorité présidentielle – sans majorité absolue et en tenaille entre deux fronts anti-Macron – "constitue", selon la Première ministre, Elisabeth Borne, "un risque pour notre pays au vu des défis que nous avons à affronter tant sur le plan national qu'à l'échelle internationale" (Déclaration, depuis Matignon, à l’issue des élections législatives, le dimanche 19 juin). Et pourquoi pas une chance pour introduire davantage de pluralisme en rééquilibrant les pouvoirs entre l’exécutif et le législatif ; pour rendre au Parlement l’exercice de ses véritables fonctions législatives et de contrôle et pour délibérer, légiférer en donnant la possibilité à toutes les sensibilités politiques de s’exprimer ? Le président Macron semble avoir compris qu’il ne pourra plus désormais décider de tout tout seul, comme durant les cinq premières années de son premier mandat présidentiel ; qu’il devra faire des compromis avec les autres forces politiques s’il veut avec son équipe ministérielle faire avancer le pays. Nous devons "collectivement apprendre à gouverner et légiférer différemment" à base de "compromis" et de "dialogue", a-t-il déclaré à la télévision le mercredi 22 juin (Le Monde, 24/06/2022). Lors de la déclaration de politique générale devant l’Assemblée, le mercredi 6 juillet, la Première ministre a réaffirmé cette "recherche accrue de compromis" de la part du gouvernement. "Je veux que l'on redonne du sens et de la vertu au mot compromis; depuis trop longtemps oublié", a lancé la cheffe du gouvernement, appelant les forces d’opposition à "entrer dans l'ère des forces qui bâtissent ensemble", sans rien leur concéder pour autant, - du moins pour l’instant. Nous verrons bientôt, lors de la présentation de la loi sur le pouvoir d’achat, si le gouvernement d’Elisabeth Borne est capable de bâtir "les bons compromis " avec les forces d’opposition dans "l’intérêt supérieur de la nation". Car, selon le dicton, "C’est au pied du mur qu’on voit le maçon". Et comment elle sera à l’écoute et au dialogue, lorsque tel ou tel groupe de l’opposition demandera : une dose de proportionnelle aux législatives ; la modification de l’article 2 de la Constitution en y intégrant les langues régionales; une politique écologique et sociale ambitieuse ; l’abandon de la réforme des retraites, etc. ?

- Un temps pour tout : un temps pour contester, un temps pour construire -

"Bâtir des compromis" est possible, si la volonté politique est présente de part et d’autre. Pour l’heure, cette volonté politique ne semble pas être au rendez-vous, d’un côté comme de l’autre. Le gouvernement, malgré un langage qui fait appel au dialogue et au compromis, semble camper sur ses anciennes positions. Et puis, en écoutant les réactions des membres éminent-e-s de l’opposition dans sa diversité, nous avons la malheureuse impression d’être toujours en campagne électorale. Il y a pourtant un temps pour tout, nous dit l’auteur de l’Ecclésiaste (Bible). Et ce, d’autant plus que l’inflation représente un danger évident et immédiat pour de nombreux pays, dont la France (+5,8 % en juin sur un an). Cette flambée des prix des produits de base et la hausse des taux d’intérêt au niveau mondial – pour lutter contre l’inflation – vont forcément réduire notre espace budgétaire. Notre dette publique s’établit, à la fin du premier trimestre 2022, à 114, 5 % du PIB, selon l’INSEE. C’est dans cet environnement de croissance faible et d’inflation élevée que nous devons – gouvernement, forces d’opposition, forces vives de la nation, citoyen-ne-s – avancer ensemble dans les réformes nécessaires. Il faudra de la volonté politique de la part des uns et des autres pour mettre ensemble le pays sur la voie d’une transition écologique et sociale qui ne laisse pas les plus pauvres et les plus fragiles sur le bord du chemin. Bon courage et bon combat à nos députés.

guest
0 Commentaires