Malgré les améliorations (actualisé)

Une réputation en demi-teinte pour les transports en commun

  • Publié le 9 août 2022 à 12:04

A La Réunion, l'usage des transports en commun peine à s'installer dans les moeurs. Même s'il est indéniable que les différents réseaux de transports collectifs se développent au fur et à mesure des années, les Réunionnais continuent de privilégier leur véhicule individuel. Retards dans les trajets en raison des embouteillages, nombre insuffisant de bus, actes d'incivilité, l'image des transports en commun est en demi-teinte (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

"Un moyen de déplacement pour les plus précaires", c'est parfois ce à quoi sont relégués les transports en commun à La Réunion dans l'imaginaire collectif. Il est vrai que si depuis plusieurs années, des moyens ont été déployés, en particulier pour améliorer l'affluence des bus et des cars sur l'île, La Réunion accuse toujours un retard de développement par rapport à la métropole dans ce domaine.

- Un mode de transport plébiscité par les jeunes et les moins aisés -

La dernière étude dédiée à la fréquentation des transports en communs à La Réunion remonte à 2016. Pilotée par le SMTR (Syndicat mixte des transports de La Réunion), elle démontrait qu'à cette époque, les 11-17 ans utilisaient en moyenne les transports collectifs 0,81 fois par jour, et les 18-24 ans 0.39 fois par jour. Au-delà de cet âge, la proportion descendait à 0.11 fois par jour. Cette étude dévoilait également que les chômeurs fréquentaient en moyenne plus de trois fois plus (0.17 fois par jour) les transports collectifs que les personnes qui travaillent à temps plein (0.05 fois par jour). En métropole, 16% des personnes qui travaillent déclarent utiliser quotidiennement les transports en communs, selon une étude de l'Insee menée en 2021.

Parmi les habitants des zones littorales qui utilisent ce mode de transport, 70% d'entre eux déclaraient le faire, faute d'un autre moyen de déplacement. 58% des déplacements en transports en commun étaient réalisés pour se rendre à l’école ou sur un lieu d’études, 9% seulement l'étaient pour se rendre au travail. Au total, seulement 7% des déplacements étaient réalisés en transports en commun en 2016 à La Réunion.

Omar Issop, directeur général du SMTR, explique que les données globales n'ont pas été actualisées depuis ce dernier rapport. Selon lui, une révision à mi-parcours sera réalisée en 2023, et complétée par un questionnaire en mobilisant la perception des Réunionnais sur leurs réseaux de transports publics en particulier et la mobilité en général. Une autre enquête devrait porter sur le sentiment de sécurité, menée conjointement avec la DEAL (Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement).

Il affirme qu'aujourd'hui, il existe toujours une grande marge de progression pour les transports en communs réunionnais. "On s'en rend compte en comparant les ratios connus de la profession en termes d’offre. Par exemple, le ratio de kilomètrage par habitant est de 28 à La Réunion, contre 32 au national. En termes d'usage, le nombre de voyages par habitant annuel est de 34,9 Réunion, contre une fourchette comprise entre 100 et 182 au national, en fonction des fortes disparités territoriales" détaille-t-il.

Le taux d’usage de 7% des transports en commun dans l’île, qui se répartit entre 5% sur les réseaux réguliers et 2% pour les services de transports scolaires, est resté stable, selon lui. "La fréquentation des transports en communs réguliers a tendance à stagner, il y a donc une marge de progression importante. Celle-ci passe nécessairement par une redéfinition voire un réaménagement de l’offre de transports" explique-t-il.

- Un manque d'attractivité et d'efficacité -

"Ils ne sont jamais à l'heure", "ils ne sont pas assez rapides", "ils ne circulent pas assez tard", voici les principales réponses qui sont apportées lorsque la question est posée à des personnes dans la rue. L'étude du SMTR révélait que plus de la moitié (51%) des Réunionnais percevaient l'offre comme insuffisante. Les qualificatifs les plus fréquemment utilisés étaient "bondés, pas fiables et contraignants"

Julien Tenenbaum, longtemps ingénieur spécialisé en transports publics pour l'opérateur Transdev à La Réunion, a créé l'interface Flowly en 2018. Flowly permet de récupérer les données des usagers des transports en commun, grâce à des capteurs installés dans les transports. Les données récoltées servent à savoir quand les passagers ont embarqué et quand ils ont débarqué. L'analyse de informations permettent aux sociétés de transports d'améliorer ou de redimensionner leur offre.

Selon lui, les transports en communs manquent cruellement d'attractivité à La Réunion. Les résultats de l'étude de la SMTR, et la manière dont ils sont perçus par les habitants, ne l'étonnent pas. "Il y a deux facteurs qui expliquent que pourquoi les gens qui le peuvent ne prennent pas les transports en communs. Le premier, c'est le facteur de temps : en moyenne, un trajet en transport en commun pour relier une ville à l'autre va mettre deux fois plus de temps qu'en voiture. Il n'y a pas de voix réservées pour les bus ou les cars. Lorsque quelqu'un, bloqué dans les embouteillages dans sa voiture, voit un bus ou un car qui est également bloqué à côté de lui, ça ne va pas lui donner envie d'emprunter ce mode de transport", explique-t-il

"Le second facteur qui explique la défiance de la population, c'est le manque de bus et de cars. Certes, il y a eu un effort de fait de la part de la Région et des intercommunalités, mais ça reste insuffisant. Très souvent, les bus et les cars sont obligés de refuser des passagers car il n'y a plus de place. Il y a également le souci des horaires, les derniers bus passant généralement aux alentours de 20h. Il y a aussi beaucoup de villes qui ne sont pas ou très mal desservies. Tous ces facteurs dissuadent des gens qui, comme moi, aimeraient bien délaisser leur voiture pour prendre les transports collectifs pour des raisons écologiques et par rapport à la hausse du prix des carburants" ajoute-il

Selon lui, ce sont tous ces facteurs qui expliquent les stéréotypes liés aux transports collectifs à La Réunion. "La conséquence, c'est qu'en dehors des jeunes qui ne sont pas en âge d'avoir le permis, il n'y a effectivement que les gens qui n'ont pas les moyens d'acheter une voiture qui emploient ce mode de transport, donc oui, plutôt, des gens appartenant à une classe sociale peu aisée. C'est dommage, car si le réseau était mieux développé, on serait beaucoup plus nombreux à l'emprunter, et plus aucun stéréotype n'aurait lieu d'exister" estime Julien Tenenbaum.

Des facteurs que n'ignore pas Omar Issop, mais qui méritent toutefois d'être relativisés selon lui. "Dans le rétroviseur, le chemin parcouru est plutôt flatteur en termes d’évolution du matériel roulant, des conditions de travail, d’offre de transport, si l’on compare avec les années 1980, première décennie d’application de la Loti (Loi d’orientation des transports intérieurs), à ce début du 21ème siècle. Toutefois, les conditions de circulation ne sont plus les mêmes et cela se ressent sur les performances commerciales des lignes de transport concernées".

- Une image qui évolue -

Julien Tenenbaum reste confiant pour l'avenir des transports collectifs à La Réunion. Il tient à appuyer sur certains exemples qui fonctionnent à La Réunion, comme le réseau TSCP (Transport commun en site propre) à Saint-Denis et ses lignes de bus Citalis. "La Cinor est l'une des intercommunalités qui accorde le budget le plus important à ses réseaux transports, les bus passent régulièrement, un téléphérique a été construit récemment et un réseau de tramway verra le jour en 2023. Le résultat, c'est que les transports en commun sont énormément empruntés à Saint-Denis et ses alentours, et il n'y a absolument aucun stéréotype sur le type de fréquentation. Tout n'est en réalité qu'une question de politique publique dans ce domaine" assure-t-il.

Omar Issop affirme de son côté que la perception des transports en commun qui ne seraient "réservés qu’aux seuls inactifs" est en train de s’éroder depuis environ une quinzaine d’années. "La bonne progression des réseaux locaux, modernes, plus confortables, dotés de climatisation, de Wi-Fi, de systèmes d’informations voyageurs en temps réel et statiques, et de facilitation des paiements et des transactions, a attiré d’autres clientèles. Il y a parmi elles des agents de maîtrise, des cadres et des professions libérales. A titre d’exemple, sur les réseaux Car jaune et Citalis, nous retrouvons respectivement 37% et 34% d’actifs occupés, 22% et 18.5% de demandeurs d’emploi et 40% et 46,2% d’inactifs" détaille-t-il.

Patrice Boulevard, conseiller régional et président du SMTR, affirme que l'objectif à terme est d'améliorer l’offre de mobilité sur le territoire réunionnais, afin qu'ils soient utilisés comme en métropole de manière régulière, y compris pour se rendre au travail. "Nous travaillons à améliorer l’offre de mobilité sur notre territoire car, les Réunionnaises et les Réunionnais sont captifs d’un système privilégiant le tout automobile, particulièrement dans le cadre des déplacements domicile-travail. Les projets que nous portons contribuent à offrir des alternatives de déplacements. A terme, j’en suis convaincu, les transports en commun seront aussi attractifs que la voiture" dit-il.

Selon lui, certains exemples témoignent de la volonté politique d'améliorer l'efficacité et l'attractivité des transports en commun, comme "les couloirs réservés aux transports en commun sur la RN2, TCSP Néo Sud St-Louis/St-Pierre, la reprise des études du projet régional de TCSP, le téléphérique dans le nord ou encore la gratuité du Réuni’Pass pour les étudiants et demandeurs d’emploi" détaille-t-il. "Il s‘agît maintenant de se mettre à la tâche et de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour offrir à la population réunionnaise des services de transports de qualité.", conclut-il.

Un besoin qui est aujourd'hui plus que jamais d'actualité, renforcé par la nécessité de réduire les émissions de CO2 et de trouver des alternatives à la voiture en raison de l'augmentation constante des prix du carburant.

tr/www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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6 Commentaires
mia, depuis son mobile
mia, depuis son mobile
1 an

Combien de fois je n'ai pas pu monter dans le car , plein, plus de place Madame le prochain dans une heure et demi!Et tous ces embouteillages avec une personne par voiture , la pollution etc ' le tram train abandonné pour raisons politiques ' le lobby des voitururiers' Qui se soucie de la population et de son bien être '

Chingou
Chingou
1 an

Le jour j'ai une voiture je ne prends plus jamais le bus. 15 minutes pour faire aller de mon travail à domicile en voiture, 1 Heure 10 en Bus alors qu'il passe sur les voies bus. Parfois il n'y en a pas donc ça passe à 2 Heures il a tellement de chose à dire tellement le réseau est minable. Je déteste les transports publics il a aucune évolution là-dedans en plus. En plus écologie les seul que ça interesse ce sont les riches les gens vont juste voir qui les avantages plus et la voiture est largement mieux 1000 fois mieux surtout à la Réunion.

clo
clo
1 an

un exemple :lorsque vous arrivez à Gillot ,depuis mada ,vous n'avez pas le temps de monter dans le z'eclair qui part sous votre nez ,à moitié vide ! vous n'avez plus qu'à attendre le suivant , 2 h plus tard ,et supporter les commentaires diffusés par le car ,assez agaçants !!!!

Jerome
Jerome
1 an

Un constat simple. Pour un trajet saint Denis saline les bains, pour 4 personnes cela me coûte moins cher en essence qu'en ticket pour prendre le car juane et le bus kar ouest pour arriver à destination. Il faut stopper les aides pour le carburant et rendre les transports en commun gratuits.

Tram Train
Tram Train
1 an

Le tram Train était un excellent projet. Qui a supprimé le Tram Train et collectionne les affaires judiciaires '

Délaissé
Délaissé
1 an

Habitant St Paul et ayant travaillé sur st Denis dès fois j'ai pris le Bus l'incivilité des gens est inacceptableLes jeunes par exemple avec seulement leur regard vous font peur et fuir (attention pas tous les jeunes) et croyez moi que vous êtes content quand vous arrivez à votre destination