
Lorsqu’on rencontre Philippe Barcaville 21 ans fondateur du site Otaku 974, rien ne le distingue à priori des autres jeunes de son âge, mais il suffit d’entamer la conversation pour comprendre que c’est un de ces grands passionnés : " j’ai été converti par ma sœur et depuis je suis féru de shonen (mangas masculin), jeux vidéo, animes. Je suis séduit par le graphisme, les personnages stylés, et j’affectionne particulièrement les scènes de combats qui s’apparentent à de vrais ballets aériens où le surnaturel est omniprésent. " Il explique que cet univers bien que virtuel et fantasmagorique est plus attrayant que la réalité sociale et économique actuelle, un moyen de s’évader et de vivre des aventures héroïques par procuration.
Le phénomène est certes générationnel mais son développement est largement favorisé par une technologisation de plus en plus forte du quotidien. C’est principalement par ce biais que l’otakisme tend à se démocratiser sur l’île. Philippe Barcaville n’a pas hésité à surfer sur cette vague en créant son propre site : " il existe depuis fin 2011 et la communauté Otaku 974 compte 1400 membres. Internet, les réseaux sociaux nous permettent d’échanger, de nous rencontrer et aussi d’être mis en lumière. " Une cybertisation des relations humaines qui pose la question d’un risque de désociabilisation et de sédentarité chez ces adeptes. Le terme otaku n’a pas mauvaise presse en occident, mais au pays du soleil levant, il n’en n’est pas de même. Il désigne souvent des individus repliés sur eux-mêmes et ne vivant que pour une passion : poupée, culte d’une idole, ordinateur, jeux vidéo… Poussé à l’extrême on parle " hikikomori " des fanatiques qui restent cloîtrés chez eux, littéralement emmurés.
Difficile de mesurer ce risque ici à La Reunion, même s’il n’est pas à exclure, chaque otaku exerce sa passion comme il l’entend et décidera donc seul des limites qu’il s’imposera. Le jeune Philippe Barcaville pense qu’il peut y avoir certains comportements déviants, même si la rupture sociale et l’enfermement touchent selon lui très peu d’otaku, ils seraient des cas isolés. Pour ce qui est de l’image que cela peut véhiculer, il reconnaît se sentir parfois marginalisé : " je ne crois pas que la société réunionnaise nous stigmatise, mais il peut y avoir une incompréhension, certains ne trouvent pas ça très constructif et les parents peuvent avoir peur de la place que peut prendre cette passion. "
Une passion qui prend du temps, de la place et qui discrètement prend de l’ampleur, le phénomène " otaku " peut-il s’inscrire dans la durée ici à La Réunion, où s’essouffler doucement ?
Otakisme, simple effet de mode ?
Même s’il relève du simple phénomène de mode dans notre société, il n’est pas à négliger et pour le moment celui-ci gagne du terrain. Gilles, alias Tokai 29 ans, animateur bénévole de l’émission " konichiwa " sur les ondes d’une radio local et également membre fondateur de l’association cosplay.re (organisatrice d’événements autour de l’univers manga, musique asiatique et jeux vidéo) se souvient de ces débuts de chroniqueurs à la radio : " c’était en 2000 et nos auditeurs étaient un noyau d’habitués qui à l’époque, nous contactait par téléphone. " Depuis l’animateur a assisté à une petite révolution : " Il faut savoir qu’on départ on était deux à faire tourner l’émission, aujourd’hui il y a 10 chroniqueurs, et bien que je n’ai pas de chiffres officiels, je sais que mon audimat est en nette augmentation simplement par la fréquentation de notre page officielle, j’ai de plus en plus de retours positifs, des commentaires, des dédicaces qui nous viennent principalement d’adolescents. "
Les nouveaux outils d’information et de communication sont la pierre angulaire sur laquelle repose l’expansion du phénomène otaku. De plus en plus de jeunes communautés virtuelles voient le jour sur le net, des êtres intra-connectés qui entretiennent des liens ténus et se réinventent une vie sociale sur la toile. Des rencontres et de petites manifestations telles que des tournois de jeux vidéo sont organisées à leurs initiatives. L’association cosplay.re est la seule à organiser des manifestations de cosplay (néologisme des termes " costume " et " play " qui consiste à jouer le rôle de personnages de mangas, animes ou autres en reproduisant les costumes, chevelures, maquillage) sur l’île. Elle en est à sa sixième édition, avec plus de 500 passages sur la journée pour la dernière édition. Une manifestation dont le moment phare reste le défilé des cosplayers en clôture de journée. L’évènement majeur autour de la culture geek et de la " japanimation " à La Réunion reste le festival des Gamers qui en est à sa troisième édition - même s’il n’ouvrira pas ses portes en 2014 au grand dam des fans -, le site de la Nordev à Saint-Denis promet un beau festival 2015 qui s’annonce plein de surprises.
L’expansion de la culture nippone a le vent en poupe à La Réunion, ce marché très florissant génère de nombreux bénéfices, aussi voit-on de plus en plus de boutiques mais également de restaurants type bar à sushis sur la place. Un business qui fait la manne des grandes multinationales du jeu vidéo et de l’animation qui multiplient les créations et les nouveautés toujours plus attractives pour les consommateurs. Gilles n’hésite pas quand il s’agit de sa passion : " je peux aller de 300 à 500 euros quand il s’agit d’une figurine d’exception, parce que là c’est le graal du graal, sinon en moyenne par mois je tourne autour de 150 euros. "
Le phénomène Otaku n’est pas encore à son apogée ici à La Réunion, mais comme de nombreux autres effets de mode on peut imaginer que celui-ci finira par s’essouffler et s’éteindre. Philippe Barcaville reste mesuré quant à l’avenir : " cette passion m’a aidé à construire mon univers et à m’ouvrir aux autres. J’aimerais franchement faire un métier en rapport avec ça, peut-être travailler dans le domaine de l’animation. Mais je ne sais pas dire si plus tard j’y consacrerais autant de temps. " Gilles otaku de la première heure a sa passion chevillée au corps : " je suis informaticien de métier, faut dire que ça aide, moi j’ai évolué avec ça et je ne pense pas qu’en prenant de l’âge les choses changent. "
Irréductible Otaku ou pas, tous deux rêvent d’une mini Japan Expo à la Réunion. En attendant que ce doux rêve ne devienne peut-être réalité, la Japan Expo de Paris qui fête sa quinzième édition ouvrira ses portes le 2 juillet prochain en métropole, une opportunité peut-être pour certains privilégiés de plonger avec bonheur dans leur univers favori.
Ingrid Koenig pour www.ipreunion.com
13 Commentaire(s)
Et arrêtez de toujours croire que les "têtes d'affiches" vivent la belle vie! Vous n'avez AUCUNE idée du nombre de malades qui squattent notre vie privée ou encore nos réseaux sociaux. On a tous des problèmes, Otaku974 c'est juste un groupe pour se détendre. Malgré les menaces des rageux, les "fortes têtes" comme vous dites se battent pour faire durer le groupe. Vous vous sentez humiliés ? Mais est-ce que vous avez déjà été menacés de pire encore ?! Vous avez déjà essayer de gérer un groupes au moins ? Et depuis quand les gens qui économisent pendant des mois pour se payer un goodies à 500 euros sont des fils à papa ? Les com des rageux mais ça fait vraiment peine à voir... les gérants d'otaku sont des types normaux c'est tout, c'est la population qui les prends pour des stars (faut pas oublier qu'ils sont une bande de potes aussi comme tout l'monde). Si vous avez envie de leur parler, c'est pas interdit. Dans le cas où vous vous sentez "rejeté" c'est que y a une problème de communication c'est tout hein. Perso oui, j'ai déjà vécu le fait d'être jeté comme un sac à m*rde et pourtant ça m'empêche pas d'être là à poster des trucs sympa. Ca suffit les "oui mais vous pouvez pas comprendre", on échange pour voir ? En deux jours vous comprendrez qu'il y a beaucoup plus d'efforts que ça de la part des gens qui supportent des cas qui sont bien pires que des "j'ai même pas eu droit à un bonjour". C'est pas une question de contredire, c'est juste la vérité. Des critiques il y en aura toujours, quoiqu'on fasse alors si ça ne vous plaît pas, créez votre propre truc et kiffez tous ensemble de votre côté (c'est pas interdit). Et puis il n'y a pas que les gérants sur Otaku974, on est 1400 je le rappelle (faut pas se résumer qu'à un petit groupe lors d'une sortie). Bref, posez-vous quelques minutes, prenez le temps de vivre et passez à autre chose (peut-être qu'il faudrait rencontrer d'autres membres pour vous faire une meilleur idée de la communauté). Ceci est et sera mon ultime passage sur cet article.
Et au fait, pour les gens qui sont pas contents, j'ai envie de vous dire que se plaindre c'est bien du moins un avis constructif ça permet d'faire avancer le groupe mais pour répondre à Eléanore: Tu le connais de par son surnom et juste par le fait que tu l'as vu ou vu la bande, ce sont des gens qui se la pètent? Ha oui... Jamais juger un livre par sa couverture: Oublie pas ça marmay.
Au lieu batay, critiqué: Met la main ensemb'. Zot nana la même passion mais zot i trouve le moyen batay... Faut pas! Au contraire, faut continuer dans la même voie, fais band trin ensemble et montrer que band z'Otakus La Réunion i dort pas!
Big up en tout cas.
absurde cette génération de personne Immature , surtout se "cosplayer " ? se dégiser :o on aura tous vue XD
Mais sinon l'article et très bon,
Bien sûr Rash, il y a des couacs, ce n'est pas parce que tu fais partie du groupe que tout ses membres en deviennent tes amis, il faut apprendre à se connaître, comprendre que chacun est différent et que ce groupe n'est pas là pour offrir une prestation : c'est un "lieu" de réunion, de partage.
Ayant vécu ma passion discrètement, j'ai eu la chance de trouver des amis qui la partageaient.
Mais je pense à ceux qui n'ont pas cette chance : Otaku 974 est la réponse.
Evènements, sorties, conversations dynamiques, échanges, animations...
On peut y rester discret ou être un membre proactif quoi qu'il arrive vous serez acceptés et invités aux évènements et on vous encouragera même à partager vos avis (partagé ou pas) ou à réagir sur ceux des autres en restant cordial, les administrateurs étant les bergers de la bienséance.
Un groupe aussi peu médiatisé qui reste tout aussi actif, participe aux évènements (Festival des Gamers, Guandi, Konnichiwa...) et réunit des passionnés de tout âge et toute provenance et ce SUR TOUTE L'ÎLE avec des sorties, dans le nord, dans le sud, des pique-niques, des sorties en ville.
Un hikikomori ? Impossible, un groupe d'Otakus 974 partageant un moment convivial ? Absolument.
C'est particulièrement exceptionnel et il faut se rappeler que c'est un groupe animé par des otaku.
Pour les Otaku 974. Live long and prosper.