La fête de la liberté

20 désanm : une saveur particulière un mois après les Gilets jaunes...

  • Publié le 20 décembre 2018 à 02:59
  • Actualisé le 20 décembre 2018 à 12:27

Il y a 170 ans, La Réunion brisait ses chaînes. Il y a 170 ans, l'esclavage était aboli. Il y a 170 ans, les Réunionnais devenaient tous libres. Le 20 desanm, dès l'aube, la fête de la liberté raisonne partout dans l'île. Kabars, défilés, une Réunion unie, fière, libre, qui montre qu'elle n'a pas oublié son histoire. Car oui, La Réunion doit se souvenir. Un devoir de mémoire pour ne pas commettre les erreurs du passé. Un devoir de mémoire car cette histoire coule dans les veines de chaque Réunionnais. Mais 170 ans plus tard, au lendemain du mouvement des Gilets jaunes, ce 20 desanm aura sans doute une saveur particulière

En 2018, les Réunionnais sont-ils vraiment libres ?

• 42% de la population vit sous le seuil de pauvreté.
• Plus de la moitié des Réunionnais vivent dans des quartiers précaires.
• Plus de la moitié des enfants de l’île vivent dans un ménage pauvre.
• Le niveau de vie médian est inférieur de 30% à celui de métropole.
• Moins d’un réunionnais sur deux travaille alors qu’en métropole c’est deux personnes sur trois.
• Les prestations sociales constituent la première source de revenu pour un quart des Réunionnais, soit quatre fois plus qu’en métropole.

Ces chiffres sont le reflet d’une triste réalité. Peut-on réellement être libre lorsqu’on vit avec une épée de Damoclès au dessus de la tête dans une société où la consommation est légion ? La liberté, c’est de pouvoir choisir de vivre et non de survivre. Choisit-on d’être pauvre ? Quand on ne l’est pas, c’est facile de dire que oui, que les pauvres ne veulent pas s’en sortir. Si seulement, c’était aussi simple…

Le mouvement des Gilets jaunes est un exutoire pour ces Réunionnais "d’en bas". À plusieurs reprises sur les barrages, le terme " esclave " est sorti. Un mot qui n’est pas anachronique, qui a encore tout son sens pour ces Réunionnais qui se sentent esclaves d’une société qui avance sans eux. Les vaches à lait d’un État qui ne les regarde pas mais les taxe jusqu’à la moelle. Ils n’ont pas de chaînes pourtant, ils ont l’impression de ne pas être maîtres de leur vie. Que Jupiter décide de tout depuis le Mont Olympe et qu’eux ne font que subir.

Quand au 15 du mois, on arrive à la fin de son budget, chaque jour qui suit fait appel à une gymnastique qui se rôde au fur et à mesure du temps. Comme on le dit souvent, les pauvres sont débrouillards. Ce qui les sauve, c'est leur instinct de survie. Oui, on parle bien de survie, le système D pour arriver à combler les besoins les plus élémentaires de l’être humain.

Car être pauvre, c’est être prisonnier. Dépendre des prestations sociales, dépendre des autres. La pauvreté est une question de revenus mais aussi de conditions de vie. Logement vétuste, trop petit, restriction de consommation, pas de loisir, pas d’accès à internet… Et il y a la honte.

Les pauvres sont souvent fiers, leur situation, ils la voient comme une tare mais ils ne pipent pas mot, les dirigeants les oublient bien volontiers. Regarder ailleurs leur permet de continuer à dormir la nuit dans leur lit douillet sans avoir de remords. Combien de temps Emmanuel Macron aura-t-il gardé le cap avant de comprendre que les Gilets jaunes ne demandent pas l’aumône mais de la considération ?

Presqu’un Réunionnais sur deux est considéré comme pauvre. C’est sans doute pour cela que le mouvement citoyen a aussi bien pris dans le département. Jusqu’ici, par pudeur, ils s’étaient faits discrets, avait hoché la tête quand on leur proposait les basses besognes car " c’est toujours mieux que rien " puis ils se sont réveillés, ont crié leur mal-être, leur souffrance, ont juste montré qu’ils sont là et qu’ils comptent. Pas des sous-Hommes, des Hommes à part entière. 

Les esclaves perdaient leur identité, étaient déracinés, n'avaient pas de droit. Considérés comme des sous-Hommes, ils devenaient la propriété d’un maître, effectuaient des travaux difficiles dont personne ne voulait dans des conditions atroces. On disait même qu’ils n’avaient pas d’âme. Ils n’étaient personne.

N'être personne, ce sentiment, un siècle plus tard, de nombreux Réunionnais le partagent encore. Le 20 desanm commémore la fête de la liberté mais il reste encore tant d’efforts à faire pour que l’on soit tous libres.

fh/www.ipreunion.com

 

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1 Commentaires
La Pie
La Pie
5 ans

Magnifique !