Yann de Prince, président du Medef Réunion

"Notre économie doit prendre un virage"

  • Publié le 3 mars 2011 à 03:00

Le 17 juin 2010, Yann de Prince était élu président du Medef et succédait ainsi à François Caillé. L'homme avait fait campagne autour de 4 axes principaux : la mise en place d'un plan de relance de l'économie pour permettre à La Réunion de sortir de la crise, la lutte contre l'instabilité législative et les menaces qui pèsent sur la Lodeom (Loi sur le développement des DOM), la mise en place d'un "nouveau schéma de développement économique" et enfin "la création d'un fond d'investissement local qui aura pour vocation d'apporter des fonds propres pour les entreprises qui en ont besoin". Près de 10 mois après son élection, Yann de Prince fait un premier bilan de sa présidence et des actions mises en place. L'occasion pour le responsable du syndicat patronal d'esquisser les axes de travail du Medef pour 2011 mais aussi d'aborder l'actualité économique de La Réunion. La crise et le plan de rigueur gouvernemental sont au coeur des préoccupations du président du Medef pour qui "notre économie doit prendre un virage". Entretien.

* Cela fera un an en juin prochain que vous avez pris la présidence du Medef Réunion. Quel bilan faites-vous de l'année écoulée ?

Dans un premier temps, j'ai tenu à rencontrer personnellement la plupart des acteurs socio-économiques et institutionnels de notre île, afin de prendre un premier contact et échanger sur les problématiques. L'année écoulée a été difficile : coût de rabot de la Lodeom (Loi pour le développement des Dom), arrêt du photovoltaïque, retards de lancement des chantiers du logement social, difficulté de mise en ?uvre des chantiers liés au BTP, augmentation du chômage.... J'ai beaucoup ?uvré pour la mise en place d'outils de financement des entreprises, dans un contexte national d'austérité budgétaire.

* Quels sont les grands dossiers sur lesquels le Medef Réunion va se pencher cette année ?

Je souhaite que l'année 2011 permette enfin aux entreprises d'avoir accès à de nouveaux fonds ou aides, que ce soit pour leur développement, leur transmission, leur re-capitalisation etc... Les mesures d'aides OSEO en sont un premier volet, le FCPR (fonds commun de placement à risque) devrait voir le jour sous peu et je réfléchis, avec mon conseil d'administration, au montage d'un fond local d'accompagnement des entreprises. Une autre priorité est de travailler en
profondeur sur l'orientation et l'insertion de nos jeunes.

* Comment permettre à ces jeunes de s'insérer dans la vie professionnelle ?

Aujourd'hui, on recense 40% de demandeurs d'emplois au sein de la population réunionnaise, dont plus de la moitié ont moins de 25 ans. Il faut les aider à trouver un débouché, en travaillant tant sur la formation initiale avec le Rectorat et l'Université que sur la formation continue, notamment professionnalisante. C'est à cet effet que j'ai demandé au Medef National l'autorisation de créer un poste de CRFP (Conseiller régional à la formation professionnelle), afin de conseiller et orienter les entreprises du Medef Réunion pour qu'elles puissent former leur personnel dans les meilleures conditions.

* Quels sont les autres sujets que votre syndicat va aborder dans les prochaines semaines ?

Nous devons veiller, au côté de nos partenaires sociaux, à préserver l'équilibre social très fragilisé de notre île. Je lance donc un groupe de réflexion sur l'ARI (Accord régional interprofessionnel), pour commencer à travailler sur la fin du bonus exceptionnel attribué dans le cadre de l'accord COSPAR. Selon l'article 3 de la Lodeom, ce bonus s'arrête à la fin 2011. Le groupe de réflexion devra donc apporter quelques préconisations. Nous continuerons enfin à porter notre projet Réunion Ile Verte, au travers de nos commissions, en accompagnant notamment la mutation de notre économie autour de 2 grands axes : le développement durable et la coopération régionale.

* Quelle est votre analyse de la situation économique à La Réunion ?

Notre économie doit prendre un virage. Nous ne pouvons plus compter sur le soutien de l'Etat seulement. Certains secteurs économiques ont subi de plein fouet une crise nationale, voire mondiale, notamment en termes de resserrement des crédits. A cela s'est rajoutée une crise conjoncturelle locale, liée en grande partie à l'arrêt des chantiers BTP et à la modification brutale des règles de défiscalisation en matière de logements. Nous devons considérer cette situation dans son ensemble. Notre tissu économique est composé d'une majorité de petites entreprises, et de grands groupes, locaux ou nationaux. Nous devons veiller à densifier et à mailler ce tissu, sans rentrer dans la polémique " petits " contre " gros " ou de La Réunion contre le reste du monde.

* Depuis bientôt un an, le Conseil régional a engagé une nouvelle politique. Quels sont les principaux points que vous retenez ?

Le Conseil régional a commencé à prendre de nouvelles orientations en matière de soutien à l'économie, et c'est un signe positif. Mais nous devons travailler davantage avec cette collectivité pour la mise en place de vraies mesures qui pourraient pallier la réduction des transferts publics : mise en place de fonds d'investissement, accompagnement du développement à l'export, mise en place d'une véritable politique de continuité territoriale pour nos jeunes. Il ne faut pas oublier le développement du tourisme, véritable relais de croissance pour notre économie si nous nous en donnons les moyens. La révision du SAR est une véritable opportunité d'inscrire des projets touristiques à l'échelle du territoire, pour peu que soient déclinées parallèlement toutes les mesures concernant les infrastructures à l'échelle des communes.

* Quelle est votre analyse de l'actualité au niveau national et ses répercussions sur La Réunion ?

Nous constatons et déplorons de plus en plus notre décalage avec le national, qui ne cesse de mettre en place des réglementations sans tenir compte de nos spécificités. Le photovoltaïque en est un exemple, mais il y en a bien d'autres... Notre taux de chômage, notre structure démographique, notre éloignement et notre environnement géographique devraient être mis en exergue dans les décisions nationales. Nous souffrons cruellement d'un manque de prise en compte de nos problématiques. Nous appelons nos élus à faire valoir notre position spécifique, tout en mettant en valeur notre savoir-faire et nos potentiels de développement locaux, plutôt que de rester sur un mode défensif. Il est temps que nous travaillions tous ensemble sur des propositions à formuler au gouvernement, pour éviter de subir en permanence des décisions qui mettent en péril notre économie.

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