J.-Y. Rochoux, économiste - La monnaie unique fête ses 10 ans

"Le miracle de l'euro n'a pas eu lieu"

  • Publié le 2 janvier 2012 à 07:00

Le 1er janvier 2002, le franc tirait sa révérence au profit de la monnaie unique, l'euro. Dix années plus tard, l'euro n'a jamais été aussi impopulaire. Entre crise, endettement public et baisse du pouvoir d'achat, la monnaie unique entame sa décennie après une année 2011 plutôt morose. Pour Jean-Yves Rochoux, économiste, si l'euro est arrivé à une période plutôt défavorable, il note néanmoins qu'il n'a "pas suscité de miracles".

* La monnaie unique a dix ans en 2012. Concrètement, qu'est-ce qu'il a apporté ?

On n'y fait plus attention mais l'euro a été essentiellement facteur de mobilité en facilitant les échanges. Sur le plan économique, les entreprises, qui exportent dans la zone euro, n'ont plus de problèmes de changes. On observe depuis une tendance à la concentration des échanges intra-euro. Par ailleurs, cela a également été un changement grand public puisque pour la première fois une monnaie commune circule. Mais paradoxalement, ce changement n'est pas encore intégré dans la tête de certaines personnes. L'euro a encore une image négative.

* Pourquoi donc une telle impopularité ?

Une monnaie ne se fait pas en dix ans. L'euro est arrivée en 2002, remplaçant le franc qui était là depuis des siècles. Certains sont encore restés au franc. Je pense que l'euro a été pris tout simplement en bouc-émissaire. Au lieu de s'interroger pourquoi nous dépensons trop, nous rejetons la faute à l'euro.

* En dix ans, il y a eu quand même une certaine inflation...

Non, l'euro n'a pas été inflationniste. Une étude de l'Insee avait montré à l'époque que les prix avaient augmenté d'un dixième de point. Tout cela est dans la tête. Il faut dire que le franc continue d'être une référence forte.

* Pourtant si on regarde bien certains produits, les prix ont quand même augmenté. À l'image des sandwiches ou des vêtements...

C'est la légende du prix de la baguette de pain, qui passe de 1 franc en 2001 à 1 euro en 2011. Je maintiens qu'il n'a pas été facteur de l'inflation. L'euro fait peur tout simplement car pour beaucoup de personnes, un élément de leur passé, à savoir le franc, a été perdu. Il a fallu alors trouver un défaut. En ce qui concerne les vêtements, la mode a changé.

* La monnaie unique est aussi accusée d'être à l'origine de la crise ?

La crise et le déficit budgétaire n'ont pas commencé avec l'euro puisque l'endettement public date des années 70. Malgré tout, dans quelques pays, effectivement il a pu d'une certaine manière faciliter tout cela.

* Les pays qui n'ont pas adopté l'Euro, tels l'Angleterre, s'en sortent-ils mieux que les autres ?

La situation de l'Angleterre est très différente. C'est un pays tourné vers les activités financières, avec moins d'industrie et une monnaie autrefois numéro un. Avec un déficit budgétaire plus important, l'Angleterre ne s'en sort pas mieux sur le plan économique. En ce qui concerne les autres, je n'ai aucune idée.

* Après avoir entamé sa dixième année sur une note morose, l'avenir de l'euro s'annonce-t-il plus "joyeux"?

S'il n'a pas suscité de miracles, je pense que l'euro va s'en sortir. Il est tout simplement arrivé à une période qui ne lui a pas été favorable. On ne l'a construit qu'à moitié. La logique aurait voulu que le volet budgétaire soit proposé avant puis la monnaie ensuite, et non l'inverse, comme cela a été fait. Sans compter l'absence de volonté politique. Il ne faut pas oublier que nous sommes de vieilles économies et que la roue tourne pour d'autres pays comme le Brésil ou la Chine. Cette période que nous connaissons n'est juste qu'un épiphénomène.

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