"Paiement de proximité"

Payer vos impôts directement au bureau de tabac, ce sera bientôt possible

  • Publié le 25 février 2020 à 12:12
  • Actualisé le 25 février 2020 à 12:18

Plusieurs départements testent depuis ce 24 février 2020 un nouveau dispositif : payer ses impôts dans les bureaux de tabac. Appelé "paiement de proximité", il permet également de régler en espèces ou en carte bancaire les factures de crèche, de cantine ou d'hôpital sur les bornes de la Française des Jeux. Si l'île de La Réunion ne fait pas partie des territoires tests, elle pourrait bien un jour ou l'autre voir le modèle adopté dans ses bureaux de tabac. Du côté des syndicats voire même des buralistes, l'idée est loin de séduire tout le monde. (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

"Ce n'est pas clair, c'est de l'amateurisme, c'est un vrai bazar voilà tout" estime Magali Billard, secrétaire départementale de Solidaires Finances publiques. Payer ses impôts dans un bureau de tabac, voilà une mesure qui déplaît fortement aux syndicats de La Réunion. Quand on interroge la syndicaliste à ce sujet, sa première réaction est d'ailleurs de partir dans un grand éclat de rire…

C'est à l'issue d'un appel d'offre public que la Confédération des buralistes et la Française des Jeux (FDJ) ont été choisis par la Direction générale des finances publiques (DGFIP). Le principe est aussi simple qu'étonnant : aller payer ses impôts au bureau de tabac sur les bornes de la FDJ servant normalement à enregistrer les prises de jeu.

Soulager le fisc ?

On appelle ça le "paiement de proximité" et il est censé selon le ministère des comptes publics alléger le travail des agents du fisc qui souhaitent se dédier "à des missions d'accompagnement des usagers" tout en permettant aux buralistes d'avoir une activité complémentaire "face à la chute des volumes de vente de tabac", communique Bercy.

Pourtant Nicolas Vouillon, lui a dit non. Ce buraliste de Saint-Denis estime que "ça peut être intéressant pour amener de la fréquentation dans le magasin, mais pour ceux qui auront des questions ça risque de prendre du temps et on ne pourra absolument pas leur répondre".

En effet les buralistes auront pour mission de scanner les documents amenés par les clients (impôts, factures…) et indiquer la somme à régler en espèces ou en carte bancaire. Mais ils n'auront pas d'indice sur le motif du paiement et ne sauront donc même pas qu'il s'agit d'impôts.

Chacun son métier

Les buralistes seront rémunérés pour ce service, 1,5 euro par transaction effectuée. "Ça me semble relativement peu étant donné la charge de travail que ça peut représenter", estime Nicolas Vouillon. "Pour ceux qui savent comment ça se passe il n'y aura pas de souci, mais sinon… Je pense que chacun doit garder son travail, le trésor public, lui, sait quoi faire face aux problèmes."

C'est également l'argument des syndicats qui sont vent debout contre ce dispositif. Pour Pierrick Ollivier, de la CGTR Finances publiques, "voilà encore une mission importante qui va quitter le service public. Il n'y a qu'à voir les files d'attentes aux centres des finances publiques : les gens ont besoin de conseils, et encaisser les impôts c'est un métier à part entière". Surtout à La Réunion où les opérations numéraires se multiplient et où les virements en ligne sont bien plus rares qu'en Métropole.

A partir du 1er juillet 2020, les guichets des centres des finances publiques ne pourront d'ailleurs plus accepter d'espèces. La seule alternative pour ceux qui souhaitent régler en cash pourrait donc probablement finir par être de se rendre dans un bureau de tabac.

"Une formation très light"

Pour Magali Billard, le risque premier est de mettre les buralistes "en danger". Il sera possible de payer jusqu'à 300 euros en espèces. Pour la carte bancaire, pas de plafond sauf pour les impôts qui sont eux aussi limités à 300 euros. "Ils ont avoir beaucoup plus d'espèces à gérer", déplore Magali Billard. "Aux centres des finances on a des vigiles tout le temps, on est barricadés et là on va laisser du liquide en quantité dans les bureaux de tabac ?"

En-dehors du risque de vol, les buralistes seront amenés à réaliser un test au terme d’une formation de 20 minutes sur des questions portant sur la confidentialité, la lutte contre le blanchiment ou encore la contrefaçon, de façon à les former. "Une formation très light" estime Magali Billard. "C'est encore un coup de com'..."

Pour la secrétaire départementale de Solidaires Finances publiques, le risque est également financier : "ils seront rémunérés pour ça, mais en contrepartie leurs assurances vont augmenter, il faudra peut-être aussi recruter une voire deux personnes … en période d'échéance il risque d'y avoir la queue pour payer les impôts fonciers." La circulation du cash à La Réunion étant encore une fois une spécificité à garder en tête.

Rien à voir avec les trésoreries supprimées ?

Selon Bercy, cette réorganisation n'a rien à voir avec la fermeture annoncée de plusieurs trésoreries. A La Réunion, 8 centres devaient être fermés. La mobilisation des syndicats pourrait cependant permettre de conserver le maintien d'accueils de proximité dans 11 communes.

Pour Pierrick Ollivier, "tout est lié : on fait tout pour que les gens ne viennent plus sur place. C'est un moyen de supprimer encore plus d'emplois à la longue, on reste dans une logique de diminution de service".

Quant aux contribuables qui vivent dans des endroits plus reculés, avoir à se rendre dans son bureau de tabac n'est qu'un leurre de proximité selon les syndicats. "On va considérer ces buralistes comme des auxiliaires alors que ce n'est pas du tout le cas."

mm / www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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