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Coronavirus : la crise économique guette les professions libérales

  • Publié le 26 mars 2020 à 02:57
  • Actualisé le 26 mars 2020 à 05:57

Le ministre de l'Action et des Comptes publics Gérald Darmanin assurait la semaine dernière que l'Etat accompagnerait toutes les professions pendant la crise sanitaire, le confinement, et le ralentissement forcé de l'économie, y compris les professions libérales. Et pour cause, beaucoup d'entre elles requièrent des contacts avec autrui dans leur bon fonctionnement et sont donc frappées de plein fouet par les restrictions de déplacements. Si la plupart réussissent pour le moment à s'adapter, une prolongation de la situation actuelle pourrait engendrer de sérieuses répercussions économiques. (Photo rb/www.ipreunion.com)

• Les agents immobiliers

Comme tous les secteurs, celui de l’immobilier a subi un coup de frein à cause du confinement en vigueur sur le territoire national. Les agences immobilières ne sont pas pour autant totalement à l’arrêt, beaucoup usant du télétravail.

“Notre politique est d’avoir arrêté toute activité, dite commerciale, et de démarchage pour pouvoir vraiment se concentrer sur la protection des collaborateurs et de nos clients. J’ai mis tout le monde au télétravail ou chômage partiel pour les postes où ça ne pouvait pas être mis en place”, explique Florent Blard de Century 21.

Il concède toutefois que son métier a beaucoup changé, depuis le début du confinement. “Les directives qui ont été prises au niveau national dans le groupe ont été tout de suite de fermer les agences au public et d’inciter tout le monde au confinement. Les exceptions sont difficiles à gérer puisque la plupart des professionnels ne travaillent pas.”

Que faire alors, lorsqu'on se retrouve entre deux baux de locations ? “On essaye de jongler sur le bon sens. Il y a beaucoup de locataires par qui devaient sortir et qui ne veulent pas compte tenu du dispositif en place, ce qui peut se comprendre. Et ceux qui sont censés rentrer peuvent se retrouver sans logement. Le but est de tenter de trouver des solutions en contactant des membres de la famille, des amis, des voisins, pour être hébergé. Jusqu’à aujourd’hui, on se rend compte que l’entraide se passe bien”, constate Florent Blard.

Les déplacements et contacts avec autrui étant réduits au minimum, les visites et états des lieux sont eux aussi compromis. Il faut recourir au système D. “Les visites physiques sont supprimées depuis lundi 16 mars. Quand les clients nous contactent ou souhaitent avoir des renseignements, on réalise ce qu’on appelle des visites virtuelles. Pour les états des lieux, je faisais appel à un prestataire extérieur, qui portait un masque et des gants, jusqu’en début de semaine pour les cas vraiment nécessaires. Depuis, on a arrêté.”

• Les avocats

Au rang des professions libérales, les avocats voient aussi l’exercice de leurs fonctions bouleversé, l’aide juridictionnelle étant souvent un métier de contacts. “On fait surtout du travail de bureau vu que toutes les audiences ont été reportées. On n’a plus de rendez-vous clients hormis par téléphone ou par mail, parce qu’on ne les fait plus déplacer. Ca limite quand même beaucoup le travail, parce que beaucoup de procédures sont arrêtées. C’est compliqué d’avancer”, relate Nacima Djafour, avocate spécialisée dans le droit des étrangers.

Au niveau pénal, seuls les contentieux de la liberté ont été maintenus : les audiences d’urgence avec les présentations devant le juge des libertés et de la détention, les comparutions immédiates et toutes les audiences concernant les détentions provisoires et placements sous contrôle judiciaire. 

“Pour le droit des étrangers, c’est beaucoup de contentieux écrit devant le tribunal administratif ou du dépôt de dossiers à la préfecture. La préfecture étant fermée, il n’y a plus de déplacements”, indique maître Djafour, dont les revenus sont directement impactés par le confinement et la crise sanitaire. “Pas d’audiences, pas de dossiers qui se terminent et pas d’honoraires perçus…”

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"Moi je subis un peu la double peine", commente Alain Antoine, avocat en droit du travail et à la tête de son propre cabinet. "Je ne peux recevoir aucun client, comme tous mes confrères, et comme je reviens de Métropole, je suis en quatorzaine. Je ne peux pas me rendre à mon binet non plus." Maître Antoine sera dans l'obligation de recourir au chômage partiel pour ses 4 salariés et 3 collaborateurs, dès la semaine prochaine. Il peut en revanche compenser par le fait que le droit du travail inclue une partie de conseil. "J'ai la chance de m'être diversifié et de pouvoir travailler à distance. C'est le conseil que je donnerai : diversifiez-vous."

Les plus chanceux sont ceux qui faisaient déjà du télétravail, comme maître Philippe Creissen. “J’exerce à mon domicile, donc je n’ai pas à me déplacer. Je ne suis pas sur un métier d'avocat avec beaucoup d’audiences, c’est essentiellement du conseil. Le télétravail, j’en fais depuis 10 ans. Depuis 10 ans, je suis confiné à mon domicile, ça ne change rien pour moi.”

Seule petite altération dans sa routine professionnelle, le dépôt de dossiers au tribunal. “Ce n’est que partie remise, en attendant le déconfinement”, sourit-il. En attendant il reconnaît être bien verni de ne pas avoir de salariés et donc n’avoir eu à mettre qui que ce soit au chômage partiel.

• Les psychologues

Isabelle Giovannetti-Lévêque, psychologue à Saint-Denis, a constaté son nombre de patients baisser de moitié depuis le début de crise sanitaire. “C’est simple, il y a plein de gens qui annulent parce qu’ils ont peur. Certaines personnes commencent à préférer les consultations par Skype. Je le faisais très rarement avant, c’était pour des patients qui étaient partis en Métropole et qui ne voulaient pas changer de psy. En général, les gens à La Réunion n’aiment pas ces pratiques-là. C’est difficile de faire changer les façons de faire.”

Difficile également de prodiguer de bons conseils et soins psychologiques à distance. “Ca dépend de la pathologie de base. Si c’est de la dépression, du soutien, des choses un peu plus légères, ça ne change pas grand-chose. Si c’est pour des enfants autistes ou des personnes qui sont psychotiques, c’est quasiment impossible”, lamente-t-elle. Une fin de la période de confinement et un ralentissement de l’évolution du coronavirus seraient les bienvenus pour elle, les psychologues de l’île et tous leurs patients.

• Les architectes

L'activité sur les chantiers a beau avoir repris malgré les contestations syndicales, les architectes réunionnais doivent, eux aussi, s’adapter pendant le confinement. “Je vois beaucoup de confrères qui se sont mis en arrêt, qui sont au chômage partiel. Moi, je profite pour faire du télétravail, la partie conception. Je travaille avec mes collaborateurs à distance”, raconte Nicolas Chan, qui exerce à Saint-Denis.

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S’il explique avoir déjà fait du télétravail, notamment lors de la crise des Gilets jaunes, cela ne rend pas moins ardu son métier. Surtout à long terme. “On prend de l’avance et on essaye en même temps de faire de l’administratif. Pour l’instant on est encore occupé. On peut échanger avec des clients, mais c’est mieux de les voir en direct. Là on passe des coups de fil, on envoie les plans en 3D, et on en discute par mail.”

Certains de ses clients profitent de l'accalmie ambiante pour se concentrer sur leurs projets architecturaux et pouvoir commencer les travaux dès la fin de la crise. D’autres, en revanche, sont l’expectative. Dans la probable hypothèse où la situation actuelle devait se poursuivre plusieurs semaines, le secteur de l’architecture en prendrait un sérieux coup.

“De plus en plus, j’ai des clients qui ont ralenti leurs demandes. Avant, ils étaient derrière nous toute la semaine, maintenant ils espacent un peu pour voir venir. Si la crise tarde trop, je n’aurai pas de nouveaux clients et ce sera le chômage technique”, affirme Nicolas Chan, pour qui un retour à la normale éviterait une situation financière critique, comme pour l’ensembles des professions libérales.

aa / www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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2 Commentaires
ABG
ABG
4 ans

Bonjour, courage à AA et à tous ceux qui n'ont pas été cités mais qui souffrent aussi de ce confinement. Cela dit, nous sommes tous dans le même bateau et le temps est à la solidarité. A "Anymous", lien d'actualité concernant les coiffeurs. Belle journée et mon soutien à tous.http://www.ipreunion.com/coronavirus/reportage/2020/03/24/appel-au-secours-coronavirus-les-salons-de-coiffure-au-bord-de-la-catastrophe-economique,116484.html

Anonymous
Anonymous
4 ans

On oubli surtout de parler des autres petites professions libérales qui sans contact humain subissent l'arrêt complet de leur activité et sont surement plus à pleindre que les professions cités ci-dessus...Pour eux qui survives chaque mois malgré l'inflation des taxes à payer et agissent aussi au quotidien pour le bien être de leur clients je parle des Coiffeurs, Esthéticiennes etc... se seront les premiers à avoir du mal à s'en remettre de cette crise, merci donc de penser aussi à eux !