Allocation de rentrée scolaire

Le bon d'achat ne fait pas l'unanimité

  • Publié le 17 août 2010 à 06:00

Le député UMP Edouard Courtial a proposé le versement de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) sous forme de bons d'achats pour "parvenir à une forme de moralisation de l'aide sociale". La proposition ne fait pas l'unanimité à La Réunion. Alors que la FCPE (Fédération des conseils de parents d'élèves) accueille favorablement cette nouvelle, la Peep (Fédération des parents d'élèves de l'enseignement publique) voit cette proposition de changement comme "une restriction des libertés des parents". Avis que partage la député communiste Huguette Bello. Patrick Lebreton, député socialiste, parle quant à lui de "stigmatisation des familles françaises". Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la famille, se dit également "défavorable" à ce projet.

Pour Edouard Courtial, "l'aide est manifestement dévoyée par certaines familles". "J'ai recueilli de nombreux témoignages : certains bénéficiaires attendent son versement pour s'acheter un téléviseur ou effectuer d'autres dépenses qui n'ont rien à voir avec l'école", accuse-t-il dans une interview au Journal du Dimanche. Il reconnaît néanmoins que "la majorité des bénéficiaires est honnête et préoccupée par la réussite de leurs enfants". L'élu souhaite donc que le versement soit remplacé par un bon d'achat valable uniquement dans les rayons de fournitures scolaires.

"Cette annonce est une bonne chose", estime Benoît Blard, président de la FCPE. "L'utilisation de cette somme a longtemps été déviée de son objectif d'origine", à savoir l'achat des effets scolaires et de vêtements pour les enfants. "Mettre en place un bon d'achat, c'est permettre au contribuable de savoir que son argent est utilisé à bon escient", explique le responsable de la Fédération locale des parents d'élèves. "Mais il ne faut pas que ce système privilégie un magasin par rapport à un autre ou une marque par rapport à une autre", souligne t-il.

Pour Claude Guezello, président de la Peep, cette mesure constituerait une "restriction des prérogatives des parents". "Il ne faut pas généraliser", lance t-il en faisant allusion aux arguments brandis par Edouard Courtial. "Il y a peut-être des dérives mais ce n'est pas une raison pour mettre les parents sous tutelle", poursuit-il. Pour le responsable associatif, "il faut que les pouvoirs publics, les syndicats et les associations se mettent autour de la table pour trouver des solutions à ces dérives".

Huguette Bello est quant à elle formellement opposée à cette mesure. "Dire que les familles ne savent pas gérer leur budget, c'est inadmissible", s'indigne t-elle. "J'ai rencontré une famille de Saint-Paul. Elle attendait le versement de l'ARS pour acheter de la tôle pour boucher un trou qui laissait entrer la pluie dans la chambre de son enfant. C'est aussi une façon d'améliorer la qualité de vie de son enfant pour qu'il étudie mieux", souligne t-elle.

C'est un argument similaire qu'a avancé Nadine Morano, secrétaire d'Etat chargé de la famille, dans un entretien accordé au Figaro. Elle assure que "pour réussir sa scolarité, un enfant n'a pas seulement besoin de vêtements et de fournitures scolaires". "Il lui faut aussi un bon lit pour bien dormir, un bureau pour faire ses devoirs et pourquoi pas un nouveau papier peint pour la réfection de sa chambre", dit-elle ajoutant que "pour bien travailler, un enfant doit étudier dans de bonnes conditions".

Interrogé sur le sujet, Patrick Lebreton répond: "On infantilise, on insulte, on humilie les parents en voulant les obliger à passer à une caisse de supermarché avec des bons d'achat. Les bénéficiaires des prestations sociales sont-ils forcément des adultes irresponsables ? En fait, la secrétaire d'Etat à la famille, Nadine Morano, le confirme elle-même: selon une étude portant sur 10 000 familles, les dérives sont minimes". Il poursuit : "Ces dernières semaines, le gouvernement s'est systématiquement défaussé en s'attaquant tour à tour aux musulmans, aux gens du voyage, aux maires des communes urbaines. Et maintenant, aux parents d'enfants scolarisés...". Il termine : "Et demain, à qui le tour?".

Se pose également la question du coût supplémentaire de ce type de mesure. L'ARS est une aide d'un milliard et demi d'euros versée sous condition de ressources à 2,9 millions de familles modestes pour contribuer aux frais de scolarité et d'habillement de 10 millions d'enfants. (79 738 familles modestes pour 132 000 enfants à La Réunion). Son montant pour cette rentrée était de 280,76 euros pour un enfant de 6 à 10 ans, de 296,22 euros pour les 11-14 ans et de 306,51 euros pour les 15-18 ans. Nadine Morano estime que la mise en place des bons d'achats engendrerait un surcoût de 30 millions d'euros.

Mounice Najafaly pour
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