L'urologue de Bellepierre impliqué dans un décès en Corse

"Ce chirurgien a causé la mort de ma femme"

  • Publié le 8 mars 2011 à 16:44

Le chirurgien urologue du centre hospitalier régional (CHR) Félix Guyon qui a ôté le 14 février 2011 un rein sain à un patient de 71 ans atteint d'une tumeur à l'autre rein est au centre d'une autre affaire d'erreur médicale en Corse. En 2006, une jeune femme, Carine Acquaviva, est morte à la suite d'une intervention du médecin. Le dossier a valu à ce dernier une suspension temporaire d'exercer. La direction du CHR le savait lorsqu'elle a recruté le praticien en 2007. Comme le savait aussi "un collège de praticiens du CHD Félix Guyon" qui en mars 2008 a écrit au juge d'instruction chargé de l'affaire en Corse pour prendre la défense de l'urologue et demander la levée de son interdiction d'exercer. Lundi en conférence de presse, la direction du CHR affirmait que le praticien avait bénéficié d'une relaxe dans cette affaire. "Faux" affirme Pierre Acquaviva, le mari de Carine Acquaviva, et son avocat. "L'instruction du dossier est terminée. Nous attendons le renvoi devant une juridiction de jugement" ajoute le mari interviewé par Imaz Press Réunion. Il martèle aussi "ce chirurgien a causé la mort de ma femme, il faut l'empêcher d'exercer" (l'affaire n'ayant pas encore été jugée, le praticien est présumé innocent, nous tairons donc son nom).

Les faits remontent à 2006. Carine Acquaviva est admise à l'hôpital d'Ajaccio pour un accouchement. "Pendant l'accouchement, le gynécologue a dû pratiquer une césarienne . Durant l'opération, le praticien a touché la vessie, ce qui l'a obligé à la recoudre", raconte le mari de la patiente décédée. Le médecin commet une erreur en suturant les deux uretères de la patiente. Il s'agit de deux conduits permettant à la femme d'uriner. "Lorsque les uretères sont suturées, la personne ne peut plus uriner et elle meurt", indique Pierre Acquaviva.

Conscient de l'erreur commise, le gynécologue appelle un urologue. Celui-ci n'est autre que le chirurgien mis en cause au CHD Félix Guyon. "Ce médecin a procédé à un test au bleu de méthylène", affirme Pierre Acquaviva. Ce produit colore notamment les urines et permet au médecin de savoir si sa patiente est capable d'uriner ou pas. "Le résultat était négatif. Mon épouse ne parvenait plus à uriner. Malgré tout, le médecin a décidé de recoudre son ventre et d'attendre le lendemain pour voir comment la situation évoluerait", décrit l'époux encore très ému.

Le lendemain, Carine Acquaviva n'arrive toujours pas à uriner. "Le médecin décide de pratiquer une ponction rénale mais il ne réussit pas. Il décide de la laisser dans cet état et de voir si la situation aura évolué le lendemain. Malheureusement, ma femme est morte dans la nuit", explique Pierre Acquaviva. Immédiatement, il décide de porter plainte contre les 3 praticiens qui ont participé à l'accouchement, dont l'urologue mis en cause ces derniers jours à La Réunion.

Une enquête préliminaire débute pour établir les causes de la mort de la jeune femme. Un collège d'experts est nommé. Plusieurs mois après, en juillet 2007, un rapport d'expertise est rendu public. Entre temps, l'urologue avait été recruté au CHD de Bellepierre en mai 2007.

Selon Pierre Acquaviva, "le rapport d'expertise met en avant la responsabilité accablante du médecin urologue". Citant le rapport, il explique que "la prise en charge de la patiente en salle d'opération a été mauvaise". "Il a vu que le test du bleu de méthylène n'avait pas réussi. Pourquoi n'a t-il pas tenté de libérer les uretères ?", s'interroge t-il.

Dans le rapport d'expertise que s'est procuré Imaz Press Réunion, on peut lire en conclusion: "premier maillon de la chaîne des fautes médicales qui se sont succédées dans la prise en charge médicale de madame Acquaviva, nous pouvons dire que si l'obstacle sur les voies urinaires avait été levé lors de la première intervention pour suture de vessie ou même lors de la seconde intervention pour tentative de montées de sondes ou de ponctions rénales, madame Acquaviva ne serait pas décédée. Cette responsabilité en incombe au docteur (...) et par voie de conséquence au docteur (...) qui n'a pas pu gérer la prise en charge d'une anurie mécanique, continuant à perfuser une patiente qui n'urinait plus, avec certitude, depuis 7 heures 30 du matin".

Suite à la publication de ce rapport, une information judiciaire est ouverte en septembre 2007. Un juge d'instruction est nommé et au début de l'année 2008, les 3 professionnels de santé sont mis en examen et sont sous le coup d'une interdiction provisoire d'exercer tout activité médicale. L'urologue affecté depuis mai 2007 au CHD de Bellepierre fait appel de cette décision en février 2008. Il est rejeté à la demande de Pierre Acquaviva et de son avocat.

Une seconde demande de levée de l'interdiction d'exercer est déposée en avril 2008. Entre temps, un courrier en date du 4 mars 2008 est adressé par "un collège de praticiens du CHD Félix Guyon" au juge d'instruction. Un courrier dans lequel ces praticiens apportent leur soutien à leur collègue mis en cause dans cette affaire d'erreur médicale en Corse.

"Depuis son arrivée (ndlr- celle du docteur), l'activité de chirurgie urologique du CHD s'est fortement accrue", peut-on lire. "L'interdiction provisoire d'exercer qui le frappe dans le cadre de la procédure pénale ouverte suite au décès d'une patiente à Ajaccio en octobre 2006 est une mesure assez grave et rare", écrivent encore les praticiens de Félix Guyon. Ils affirment par ailleurs être "en désaccord profond" sur de nombreux points de l'expertise judiciaire. Ils se livrent ensuite à une analyse médicale de l'affaire. "C'est lamentable", lance Pierre Acquaviva.

Le juge d'instruction rejette de nouveau cette demande de levée de l'interdiction d'exercer. Un nouvel appel est formé devant la chambre d'instruction. le praticien obtient alors gain de cause et peut de nouveau exercer à partir de juin 2008... à La Réunion

L'instruction a quant à elle suivi son cours. "Elle est terminée depuis 6 mois. Nous attendons désormais les réquisitions du procureur pour un renvoi devant une juridiction de jugement", explique Pierre Acquaviva. Son avocat, maître Camille Romani, commente à ce propos: "ce délai est anormalement long. Le 18 février dernier, j'ai écris un courrier au procureur pour lui demander des explications. Nous ignorions alors cette affaire à La Réunion", explique l'avocat.

L'urologue pratique donc de nouveau depuis juin 2008 et a commis le 14 février 2011 une "grave erreur médicale" selon l'expression de la direction du CHR de Bellepierre. "C'est une aberration", s'emporte Pierre Acquaviva. "La justice savait de quoi était capable cet homme. Ses collègues savaient de quoi il était capable. Tout cela aurait pu être évité si on ne l'avait pas autorisé à exercer, à se remplir les poches et à faire des conneries", dénonce l'époux de Carine Acquaviva.

Lors de la conférence de presse de ce lundi 7 mars, la direction du CHR avait annoncé que le praticien allait demander une nouvelle affectation auprès du ministère de la Santé. Ce qui révolte Pierre Acquaviva. "Cette personne a tué quelqu'un en Corse. Elle a commis une erreur médicale grave à La Réunion. Il faut l'empêcher d'exercer à tout prix", martèle t-il. "Je vais me battre pour que cet individu ne puisse plus pratiquer", promet-il.

Il restera ensuite à déterminer pourquoi la direction du CHR a recruté le médecin mis en cause alors qu'elle savait parfaitement qu'il avait été sous le coup d'une interdiction d'exercer. De même, il conviendra de savoir pourquoi "un collège de praticiens du CHD Félix Guyon" a cru bon de s'adresser au juge d'instruction chargé de l'affaire corse pour prendre la défense de l'urologue. Lequel a finalement commis "une erreur médicale grave" moins de trois ans jour pour jour après la montée au créneau de ses collègues de La Réunion en sa faveur....

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