Conflit des transporteurs - Le Port - Le Chaudron

Chronique d'émeutes annoncées

  • Publié le 22 février 2012 à 15:50

Le conflit des transporteurs a dégénéré dans la nuit du mardi 21 février au mercredi 22 février 2012. De manière presque inévitable. Chronique d'émeutes annoncées.

Les transporteurs veulent une baisse des prix des carburants. La population veut une baisse des prix en général et une augmentation du pouvoir d'achat. Lundi 20 février 2012, les transporteurs ont installé des barrages devant la SRPP (société réunionnaise des produits pétroliers). Mardi 21 février, Jean-Bernard Caroupaye, président de la fédération nationale des transports routiers s'est engagé à laisser passer un convoi de camions citernes pour ravitailler l'aéroport Roland Garros. La préfecture - motivée par des raisons d'elle seule connues -, a préféré faire mine de vouloir dégager les routiers par la force. Les gendarmes se sont déployés en formation d'intervention. "Dernière sommation, obéissance à la loi, il va être fait usage de la force" a lancé le commissaire du Port dans son mégaphone.

Jean-Bernard Caroupaye a vu rouge. "Je vous dis que je vais laisser passer les camions et citernes et vous me faites ça" a-t-il crié au sous-préfet Thomas Campeaux. "Vous entravez la circulation et vous créez un trouble manifeste à l'ordre public. Il faut lever immédiatement le barrage" a répondu le représentant de l'État.

Soutenu par la trentaine de camionneurs présents sur place, Jean-Bernard Caroupaye a ouvert sa chemise et a demandé au sous-préfet de lui tirer dessus en se disant "prêt à mourir pour les carburants". Il s'est allongé sur l'asphalte brûlé par un soleil de plomb. Un transporteur a fait barrage de son corps en s'allongeant sur son président, pour le cas totalement fictif où une balle tout aussi fictive serait tirée en sa direction.

"Vous entravez la circulation et vous créez un trouble manifeste à l'ordre public. Il faut lever immédiatement le barrage" a répété en boucle le représentant de l'État. "Arrêtez votre cinéma, arrêtez votre théâtre", a-t-il ensuite intimé. "Roulez sur nous" a rétorqué un transporteur en rejoignant son président au sol.

Pendant ce temps, alors que Jean-Bernard Caroupaye et les siens tentaient d'intimider sous-préfet, officiers de police et gendarmes, ces mêmes forces de l'ordre intervenaient derrière eux. À grands coups d'engin de levage, ils déplaçaient deux camions mis en travers de l'une des issues de la SRPP et laissés sans surveillance, le temps d'une charge annoncée des gendarmes.

La charge n'a jamais eu lieu, mais les transporteurs ont vu les camions citernes filer dans leur dos. Les routiers ont alors renforcé leur barrage en positionnant leurs camions à un mètre des fourgons de gendarmerie. Jean-Bernard Caroupaye au comble de la colère a "lancé un appel solennel à la population du Port, à la population de La Réunion" pour qu'elle vienne soutenir les transporteurs. Car a juré Jean-Bernard Caroupaye, la FNTR se bat pour une baisse du prix des carburants pour tous et une hausse du pouvoir d'achat.

La population a répondu à l'appel. La foule a grossi au fil des heures. À l'initiative de Jean-Yves Langenier, le maire du Port, une rencontre a été organisée au Port avec le préfet, Michel Lalande. Jean-Bernard Caroupaye et son adjoint Pierrick Robert s'y sont rendus. Le maire portois et Thierry Robert, maire de Saint-Leu, venu dire "assez au surprofit de la SRPP" ont assisté à la réunion. Pour les transporteurs il s'agissait d'obtenir des engagements quant à une éventuelle baisse du prix des carburants. Pour les quelque 400 personnes présentes devant la SRPP, il s'agissait d'obtenir l'ouverture immédiate de négociations sur une baisse générale des produits de première nécessité.

Jean-Bernard Caroupaye et Pierrick Robert sont revenus devant la SRPP 4 heures plus tard. Jean-Bernard Caroupaye est monté sur un semi-remorque et a annoncé : "Mes amis, une réunion d'étude sur la baisse du prix des carburants aura lieu vendredi". Il n'a pas pu aller plus loin. Il a été hué et même injurié par la foule déçue d'avoir fait "tout ça pour ça". "Ou la apèl anou, nou lé la, ou pé pa larg anou". Le président de la FNTR a demandé la levée des barrages. Il a ensuite fait un malaise. Il a quitté les abords de la SRPP suivi par une centaine de personnes qui lui demandait des comptes.

Les transporteurs ont dû attendre avant de pouvoir repartir au volant de camions. La population ne voulait pas les laisser lever les barrages. Les camionneurs ont fini par partir. Les émeutes battaient déjà leur plein au Port et au Chaudron.

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