L'arrêt des campagnes de vaccination n'est pas prévu en octobre 2021

  • Publié le 20 septembre 2021 à 18:45

La fin des campagnes de vaccination est prévue pour octobre prochain, affirment des publications partagées plusieurs centaines de fois sur Facebook. L'approbation par l'Union européenne de 5 "thérapies" contre le Covid-19 rendra caduques les vaccins, assurent-elles. C'est faux, ont confirmé le Parlement européen et la Commission européenne à l'AFP: les médicaments étudiés actuellement sont destinés à compléter et non remplacer la vaccination. Ces publications affirment aussi que l'Institut Pasteur a reconnu l'ivermectine comme un traitement efficace contre le Covid-19, une affirmation fausse et déjà vérifiée par l'AFP.

Tandis que les manifestants anti pass-sanitaire ont de nouveau défilé dans les villes françaises samedi 18 septembre, en Belgique l'utilisation du Covid Safe Ticket - équivalent du pass sanitaire français - a été étendue à plusieurs lieux et événements mi-septembre.

Mais certains internautes anti-vaccins appellent à la patience et assurent que les campagnes de vaccination se termineront bientôt. Ainsi cet internaute affirme que "Tous les vaccins vont se périmer le 20/10/2021 (...) Les vaccins ont été approuvé (sic) en "voie expérimentale provisoire". Or, étant donné que par décret il y aura obligation de prescrire ces 5 nouveaux médicaments, l'utilisation du vaccin prendra fin", selon lui.

L'auteur de la publication se réjouit également d'une prétendue autorisation de l'ivermectine. "Excellente nouvelle. L'institut Pasteur reconnait l'efficacité de l'ivermectine. Une seule prise pourrait chez certaines personnes éradiquer tout le matériel génétique du SARS covid-19", ajoute-t-il.

Capture d'écran de la publication fausse, réalisée le 20/09/2021 sur Facebook

Cette publication a été partagée plusieurs centaines de fois en Belgique et en France depuis mi-août.

Si l'Union Européenne travaille bien sur le développement de médicaments contre le Covid, il s'agit d'une stratégie complémentaire aux vaccins et non destinée à les remplacer, comme l'a déjà expliqué l'AFP.

Par ailleurs, l'Institut Pasteur n'a jamais reconnu l'efficacité de l'ivermectine comme traitement contre le Covid-19. Il s'agit d'une mauvaise interprétation d'une étude pré-clinique de l'Institut parue en juillet, qui portait sur des hamsters. Elle a également donné lieu à un article de vérification de l'AFP.

Pas d'arrêt prévu des campagnes de vaccination

La Commission européenne a annoncé le lancement d'une stratégie de développement de traitements contre le Covid-19 en mai 2021. Dans un communiqué publié le 6 mai, elle explique que cette stratégie vise à "encourager la mise au point et la disponibilité de traitements plus que nécessaires pour lutter contre cette maladie, y compris dans le traitement de la 'COVID longue'".

Le 29 juin, la Commission européenne a annoncé un premier portefeuille de 5 traitements: quatre basés sur des anticorps monoclaux - fabriqués par les cellules pour traiter des maladies spécifiques - et un traitement immunosuppresseur, disposant déjà d'une autorisation de mise sur le marché mais qui pourrait, écrit la Commission, être étendue au traitement des patients infectés par le Sars-CoV-2.

Aucun de ces deux communiqués n'évoque un arrêt des campagnes de vaccination. Au contraire, le communiqué publié en mai précise dès la première phrase que cette stratégie s'inscrit "en complément de la stratégie de l'UE pour les vaccins". Plus bas, Margaritis Schinas, vice-président de la Commission européenne chargé de la promotion du mode de vie européen, déclare : "nous devons nous concentrer à la fois sur les vaccins et les traitements, deux moyens puissants et complémentaires de lutte contre la COVID-19".

Contacté le 17 septembre 2021, l'équipe de communication du Parlement européen a confirmé à l'AFP que ces traitements ne sont pas voués à remplacer pas la vaccination et a déclaré qu'il n'y a aujourd'hui "aucune volonté de rendre ces médicaments obligatoires".

Ces traitements "vont complémenter et non remplacer la vaccination", a également confirmé à l'AFP le même jour Stefan de Keersmaecker, porte-parole de la Commission européenne,"on continue à travailler sur les vaccins pour réduire la transmission et faire en sorte que les gens infectés aient des symptômes moins graves".

Les institutions européennes n'ont par ailleurs par le pouvoir de rendre des médicaments obligatoires, a-t-il ajouté.

Le cofondateur et PDG de la société allemande de biotechnologie BioNTech, Ugur Sahin, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, à Berlin, le 27 août 2021 ( AFP / Tobias SCHWARZ)

Autoriser la mise sur le marché "conditionnelle" ne signifie pas que les vaccins sont "expérimentaux"

"Les vaccins ont été approuvé (sic) en 'voie expérimentale provisoire'", écrit l'auteur de la publication.

En Europe, les vaccins ont reçu de la part de l'Agence européenne des médicaments des autorisations de mise sur le marché (AMM) dites conditionnelles, comme expliqué dans plusieurs articles d'AFP Factuel, notamment ici ou .

Cette AMM conditionnelle permet aux développeurs du vaccin de soumettre des données supplémentaires (études nouvelles ou en cours) après le feu vert des autorités, contrairement à une AMM dite classique où la totalité des données doit être soumise avant. Dans le cadre de cette procédure d'urgence, qui a permis d'accélérer considérablement la mise à disposition des vaccins contre le Covid, l'EMA a accordé des autorisations pour un an, renouvelables.

Mais cela ne veut pas dire pour autant que les vaccins mis sur le marché n'ont pas été testés correctement.

L'EMA souligne ainsi que les vaccins contre le Covid-19 ne peuvent être autorisés en Europe que s'ils "satisfont à toutes les exigences de qualité, de sécurité et d'efficacité définies dans la législation pharmaceutique de l'Union européenne". Une fois toutes les données complémentaires fournies, l'AMM conditionnelle peut être transformée en AMM classique.

"L’AMM conditionnelle rassemble tous les verrous de contrôles d’une autorisation de mise sur le marché standard pour garantir un niveau élevé de sécurité pour les patients", précise sur son site l'Agence nationale française de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

L'Institut Pasteur n'a pas reconnu l'efficacité de l'ivermectine chez l'homme

"Maintenant que l'ivermectine est à nouveau autorisée, plus besoin de vaccin (...) L'institut Pasteur reconnaît l'efficacité de l'ivermectine. Une seule prise pourrait chez certaines personnes éradiquer tous le matériel génétique du SARS covid-19 (sic)", selon l'auteur de la publication, qui évoque "des études" publiées dans la revue EMBO Molecular Medicine le 12 juillet 2021.

Il s'agit en réalité d'une seule étude dont les résultats ont été mal interprétés, comme l'avait expliqué l'AFP en août.

L'ivermectine est un médicament - à usage vétérinaire et humain - utilisé contre des parasites, comme la gale, la cécité des rivières (onchocercose) ou encore les poux. Ce traitement, peu coûteux et qui a l'avantage de présenter peu d'effets indésirables, est très utilisé dans les zones du monde touchées par les infestations parasitaires.

L'Institut Pasteur a bien publié un communiqué sur les résultats d'une étude pré-clinique sur l'ivermectine pour lutter contre le Covid-19, publiée le 12 juillet dans EMBO Molecular Medicine, une revue scientifique évaluée par les pairs.

Les chercheurs de l'institut Pasteur cherchaient à savoir, dans ces travaux, si des hamsters infectés par le Sars-CoV-2 développaient moins de symptômes de la maladie en étant traités avec de l'ivermectine. Ils ont notamment tenté de comprendre si la molécule pouvait diminuer la charge virale du virus, c'est-à-dire limiter sa réplication dans l'organisme.

"Les scientifiques ont observé que la prise d'ivermectine est associée à une limitation de l'inflammation des voies respiratoires et des symptômes qui en découlent" chez ces animaux, expliquait l'Institut Pasteur dans ce communiqué, précisant cependant que "les résultats ne montrent pas d'effet de la molécule sur la réplication virale du SARS-coV-2".

De plus, bien que cette étude ait été largement relayée sur les réseaux sociaux, les experts interrogés par l'AFP ont rappelé que les conclusions d'une étude pré-clinique conduite sur un très petit échantillon animal ne peuvent pas être transposées à l'homme - voir cet article pour comprendre comment lire une étude scientifique.

"Ces résultats ont été obtenus dans le cadre d'une étude pré-clinique. Une étude pré-clinique n'est pas suffisante pour envisager un usage médical dans le cadre de la crise sanitaire", avait ainsi souligné l'institut Pasteur auprès de l'AFP le 16 août.

"On ne peut pas en conclure que l'ivermectine fonctionne pour l'homme alors qu'elle a été testée sur 36 hamsters. Pour comparer, les études sur les vaccins ont été conduites sur des milliers de participants, autour de 30.000 en essai clinique", avait également expliqué l'épidémiologiste Thibault Fiolet, interrogé le 17 août.

L'Institut Pasteur n'a donc pas "reconnu l'efficacité de l'ivermectine" et celle-ci n'a pas été autorisée en Europe.

Si des études sont actuellement en cours, l'Agence européenne des médicaments (EMA) et l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) déconseillent toujours d'utiliser l'ivermectine pour traiter le Covid en dehors des essais cliniques, en attendant que davantage de données soient disponibles.

De nombreuses fausses informations circulent à propos de l'ivermectine, vérifiées par l'AFP ici, ici ou encore ici.



Marie Genries, AFP Belgique, AFP France
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