Ce discours sur l'intervention française au Mali date de 2013

  • Publié le 6 octobre 2021 à 17:20

Une vidéo partagée plus de 20.000 fois sur Facebook depuis le 3 octobre prétend montrer le discours d'un élu au Parlement européen critiquant Emmanuel Macron et la politique étrangère de la France au Mali. Mais ce discours, relayé en pleine crise diplomatique entre les deux pays, date de 2013 et a eu lieu au parlement fédéral belge.

 

"Emmanuel Macron humilié au Parlement Européen suite à sa mauvaise politique et son arrogance", affirme la page Guide+ qui diffuse la vidéo. Cette page consacre la plupart de ses publications à l'actualité malienne.

Capture d'écran réalisée sur Facebook le 6 octobre 2021

Dans ce discours d'onze minutes et 20 secondes, un homme politique belge regrette "l'aide logistique" apportée par son pays à la France dans le cadre de la "lutte contre le terrorisme au Mali". Il estime que l'intervention française cache en réalité une volonté "de défendre des intérêts financiers" et de "violer la souveraineté" du pays d'Afrique de l'Ouest.

"Super discours", estime un internaute. "Voilà un homme politique qui n'a peur de rien, et surtout pas de la vérité", écrit un autre. Mais, comme relevé par plusieurs des 1.500 commentaires de la publication, il s'agit d'une vidéo ancienne qui ne porte pas sur les fortes tensions actuelles entre la France et le Mali.

Un discours de janvier 2013

En faisant une capture d'écran de cette vidéo, puis en la passant dans un moteur de recherche d'image inversée, on peut remonter à son origine. Vous pouvez consulter la vidéo ci-dessous pour plus de détails sur cette technique.

On peut notamment retrouver la vidéo du discours accompagnée de la date du 18 janvier 2013 sur une chaîne Youtube portant le nom de Laurent Louis, ancien député belge condamné pour négationnisme et élu du Parlement fédéral entre 2010 et 2014. Il s'agit d'ailleurs de l'homme qui prend la parole dans la vidéo. 

Laurent Louis lors d'une session plénière de la chambre des représentants de Belgique, le 19 avril 2012 ( BELGA / BRUNO FAHY)

En tapant les mots clefs "Laurent Louis" "discours" "Mali" sur Google, des articles de blogs du début de l'année 2013 apparaissent dans les premiers résultats (1,2,3). Il y est précisé que ce discours a eu lieu au parlement fédéral belge le 17 janvier 2013.

Le compte-rendu de la chambre des représentants belge, disponible sur le site officiel de l'institution, fait bien état de cette prise de parole (p.92) du député, devenu indépendant après son exclusion du Parti Populaire (PP) de Belgique en 2011 :

Capture d'écran du compte-rendu, réalisée le 6 octobre 2021

Les députés belges discutaient ce jour-là d'une proposition de résolution visant, entre autres, à apporter un soutien logistique à Paris dans le cadre de Serval, une opération antijihadiste française précédant Barkhane, lancée en janvier 2013. 

Détail des soutiens logistiques étrangers à l'intervention militaire française au Mali au 22 janvier 2013 ( AFP Graphics / )

Les reproches de Laurent Louis portent donc sur la politique extérieure menée par François Hollande, qu'il cite d'ailleurs nommément (4m42s de la vidéo). Emmanuel Macron, président de la République française depuis 2017, n'est pas évoqué dans le discours.

Un contexte politique tendu entre les deux pays

La diffusion de cette vidéo intervient en pleine crise diplomatique entre la France et le Mali. Le pays d'Afrique de l'Ouest, régulièrement touchée par des attaques jihadistes, a connu deux coups d'Etat militaires depuis août 2020. 

Le 10 juin dernier, Emmanuel Macron a annoncé la fin de l’opération Barkhane et la réorganisation de la présence militaire française dans la zone dite "des trois frontières" aux confins du Niger et du Burkina Faso.

Carte de la région dite des "trois frontières" au Sahel ( LAURENCE SAUBADU, VALENTINA BRESCHI, ANNE-SOPHIE THILL / AFP / )

Dans un discours du 25 septembre, le Premier ministre de transition malien Choguel Kokalla Maïga a accusé la France, engagée militairement au Mali depuis 2013, d'"abandon en plein vol" et justifié ainsi le possible appel par Bamako à une société privée russe de mercenaires Wagner.

A ce sujet, lire notre dépêche Paris brandit la menace d'un retrait du Mali si Bamako a recours au russe Wagner

Mais la présence de ces "mercenaires" serait "incompatible" avec le maintien des forces militaires françaises au Mali, n'a cessé d'avertir Paris.

Mardi 5 octobre, Bamako a convoqué l'ambassadeur de France après les propos jugés "regrettables" d'Emmanuel Macron à l'encontre de la junte militaire au pouvoir et à son appel à ce "que l'Etat revienne" au Mali.

Le président français doit participer vendredi 8 octobre à Montpellier à un sommet Afrique/France avec des personnalités de la société civile africaine - dont malienne -, française et de la diaspora.



François D'Astier, AFP France
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