Non, Laurent Gbagbo n'a pas reçu le soutien d'un sénateur américain sur CNN

  • Publié le 14 octobre 2021 à 17:22

Une publication virale sur une page Facebook  pro-Laurent Gbagbo prétend que Georges Winchester, un  sénateur américain, a adressé son soutien à l’ancien président ivoirien. La déclaration aurait été diffusée sur CNN à quelques jours du lancement du nouveau parti politique de Laurent Gbagbo. C’est faux. L’AFP n'a trouvé aucune trace de ce sénateur ni sur le site du Sénat américain ni sur CNN. Ce sénateur n'existe pas. Contacté, l’entourage de Laurent Gbagbo confirme ne pas être au courant d’un tel soutien. 

Ce monsieur mérite respect et considération…De nos jours, il n’est pas évident de trouver un homme politique africain de son envergure. Il a beaucoup à apporter à l’Afrique”. C’est en ces termes que se serait exprimé Georges Winchester, sénateur américain, à propos de Laurent Gbagbo. 

Il a toutes les chances de revenir au pouvoir” aurait-il déclaré sur CNN, l’un des médias d’information les plus réputés des Etats-Unis. 

La retranscription de cette déclaration  a été massivement partagée sur plusieurs pages Facebook favorables à l’ancien président ivoirien. Elles avoisinent les 1.000 partages depuis le 10 octobre.(1,2,3,4,5,6). 

Capture d'écran Facebook, réalisée le 13 octobre 2021

Début août, soit moins de deux mois après son retour à Abidjan suite à son acquittement par la Cour pénale internationale, Laurent Gbagbo avait annoncé qu’il quitterait le Front populaire ivoirien (FPI). Il a co-fondé ce parti de gauche en 1982 avec Simone Gbagbo, avec laquelle il  est en instance de divorce. 

Depuis 2015, le parti est divisé en deux. D'un côté : le FPI “légal” reconnu par les autorités ivoiriennes, avec à sa tête Pascal Affi Nguessan, ancien Premier ministre sous Gbagbo. De l'autre: le FPI “GOR” : "Gbagbo ou rien", fidèle à l'ancien président.

Ce dernier accusant notamment son ancien Premier ministre d'avoir "confisqué" le parti a décidé d’en créer un nouveau. Celui-ci sera officiellement lancé les 16 et 17 octobre à Abidjan, la capitale économique ivoirienne. 

Mais parmi ceux qui défendent la nouvelle vision de Laurent Gbagbo, ne figure pas de sénateur américain du nom de Georges Winchester comme le prétendent les publications que nous vérifions.  

Pas de Georges Winchester au Sénat américain

L’AFP a parcouru la liste des 100 sénateurs américains en fonction sur le site officiel du Sénat, la chambre haute du congrès.  Les sénateurs y  sont classés par ordre alphabétique en fonction de leur nom de famille, pourtant le nom Winchester n'apparaît pas à la lettre "W".

Capture d'écran du site officiel du sénat américain, réalisée le 14 octobre 2021.

  

Des recherches par mots-clés sur les réseaux sociaux et sur Google, ne mettent en évidence aucune activité d’un sénateur américain répondant à ce nom.  

Nous avons également consulté les articles, reportages vidéo, interviews  en lien avec la Côte d’Ivoire  et avec Laurent Gbagbo sur le site de CNN ces derniers mois et n’avons pas trouvé de Georges Winchester. 

Est-ce que ces propos auraient été tenus par un autre politique américain ? Rien ne le prouve. En effet, il n'y a pas de traces de déclarations élogieuses similaires dans les contenus publiés sur CNN.  

Du côté de l’entourage de Laurent Gbagbo, ce nom n’évoque rien. “Nous n’avons aucune trace officielle” d’un tel soutien, a déclaré à l’AFP Justin Koné Katinan, porte-parole de Laurent Gbagbo. 

Ce n'est pas la première fois que des pages Facebook pro-Laurent Gbagbo relaient des fausses déclarations de soutien. La dernière en date prétendait qu'Antonio Guterres, le Secrétaire générale de l'ONU, avait exprimé son "admiration" pour Laurent Gbagbo après son acquittement  par la Cour Pénale internationale en avril 2021. Il n'en était rien. 

Retour politique de Laurent Gbagbo en Côte d'Ivoire

En créant un nouveau parti, l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo montre qu'il entend rester à 76 ans un acteur majeur de la vie politique de son pays et disposer d’une structure qui lui est entièrement acquise dans la perspective de la présidentielle de 2025.

Pour l'analyste politique Rodrigue Koné, contacté par l'AFP en août après l'annonce du nouveau parti "Laurent Gbagbo est dans une posture combative dans la perspective de la présidentielle de 2025, il a besoin d’un appareil politique bien organisé qui lui soit acquis".

Laurent Gbagbo revendiquait la victoire  lors de la présidentielle de 2010 face à Alassane Ouattara, le président actuel. Cette situation avait plongé le pays dans une crise qui a fait 3.000 morts en quelques mois.

Arrêté en avril 2011, il avait ensuite été transféré à la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye qui l'a définitivement acquitté le 31 mars de crimes contre l'humanité liés à la crise de 2010-2011.

 



Sadia Mandjo, AFP Côte d'Ivoire
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