Les personnes vaccinées contre le Covid ne sont pas plus exposées aux virus hivernaux que les non vaccinées

  • Publié le 26 octobre 2021 à 14:05

Grippe, gastro, rhume, angine...depuis le début du mois d'octobre, les virus hivernaux sont de retour. En France métropolitaine, "le taux d'incidence des cas d'infection respiratoire aiguë (fièvre et symptômes respiratoires) vus en consultation de médecine générale" est "en augmentation depuis début septembre", relèvent ainsi les autorités sanitaires.

Sur les réseaux sociaux, plusieurs internautes s'interrogent sur ce retour des virus, soulignant que l'hiver dernier, certaines maladies avaient quasiment disparu, à l'image de la grippe. Certains avancent que cette résurgence serait causée par la vaccination anti-Covid.

"Autour de moi beaucoup de rhume de gastro chez les gens vaccinés", commente une internaute sur Twitter, dont le message a été repris des centaines de fois. "Ce n'est pas par hasard si une épidémie de gastro arrive violemment en France et va toucher énormément de monde surtout ceux qui ont reçu leur dose...et c'est pas fini", écrit le 15 octobre un autre sur Facebook.

Capture d'écran prise sur Twitter le 22/10/2021
Capture d'écran prise sur Facebook le 22/10/2021

 

 

[On sait que le vaccin anti-Covid] "ne vous protège pas de choper le virus ni de le refiler, mais qu'en plus il affaiblit vos défenses naturelles (...) il y a de fortes chances qu'il vous fasse même crever de la grippe cet hiver, ou de n'importe quoi d'autre d'ailleurs", alerte un autre utilisateur de Facebook, en citant une phrase tronquée du porte-parole du gouvernement Gabriel Attal expliquant "qu'il y a un risque pour des personnes complètement vaccinées que les défenses immunitaires diminuent".

Capture d'écran prise sur Facebook le 26/10/2021

"Rien d'inhabituel"

Pourtant, la recrudescence de virus en début d'automne n'a "rien d'inhabituel", a souligné le 22 octobre auprès de l'AFP Yvon Le Flohic, médecin généraliste dans les Côtes d'Armor et fondateur de CoviDecode, compte de vérifications d'infox sur la pandémie.

"On est habitué à ce qu'il y ait souvent des années sans grippe par exemple, et puis des années où elle est très présente, dès fois parce que le vaccin, dont la composition change chaque année, est moins efficace", analyse le médecin.

La circulation réduite de la grippe, mais aussi celle d'autres virus l'an passé, s'explique également, selon les spécialistes, par les confinements successifs et l'application stricte de mesures barrières de lutte contre l'épidémie, comme le port du masque, le lavage régulier des mains, ou l'abandon de la bise.

Or, "ces gestes du quotidien, le fait de se laver les mains régulièrement, de porter un masque - particulièrement quand on est dans un endroit confiné -, d'aérer régulièrement son domicile ou encore de rester chez soi lorsqu'on est malade, sont très efficaces pour lutter contre la circulation de ces virus", explique l'épidémiologiste Sibylle Bernard-Stoecklin.

"Il faut garder en tête les mesures barrières de base, comme une hygiène rigoureuse des mains. C'est typique avec la gastro: c'est une maladie des mains sales", ajoute-t-elle.

Mais cette année, "beaucoup de gens ont mis ça de côté", déplore la docteur Fabienne Kochert, présidente de l'Association française de pédiatrie ambulatoire (Afpa).

Le docteur Le Flohic tient également à souligner que la circulation de ces différents virus n'est, à ce jour, pas particulièrement inquiétante, au regard des données des années sans Covid.

Selon les statistiques de l'outil Géodes de Santé Publique France, le nombre des passages aux urgences pour des cas de grippe ou gastro-entérite aiguë entre septembre et le 15 octobre est ainsi similaire pour les années 2018, 2019 et 2021.

Les vaccins anti-Covid n'affaiblissent pas les défenses naturelles

Affirmer que les vaccins anti-Covid exposeraient davantage les personnes vaccinées que les non-vaccinés aux virus hivernaux en "affaiblissant leurs défenses naturelles" ne repose sur aucune preuve scientifique, et "n'a aucun sens", ont en outre souligné les experts interrogés.

La phrase de Gabriel Attal citée dans les publications ne dit pas que les vaccinés seraient plus vulnérables face à ces virus hivernaux. Le porte-parole du gouvernement incitait en réalité dans sa prise de parole les personnes vulnérables à faire un rappel de vaccins anti-Covid, soulignant que l'immunité conférée par les injections baisse au fil du temps.

Les Français à risque peuvent, pour cette raison, se faire injecter une dose de rappel de vaccin anti-Covid depuis début septembre.

Contrairement à ce qui est affirmé par certains internautes, les vaccins contre le Covid autorisés en France stimulent le système immunitaire pour induire une protection contre le virus du Covid, même s'ils utilisent plusieurs techniques différentes pour y arriver (vaccins à ARN messager, ou vecteur viral).

En effet, les vaccins s'appuient sur le système immunitaire pour compléter l'immunité innée avec l'immunité acquise, comme expliqué dans ce document du CRISP, centre régional de prévention du sida et pour la santé des jeunes de l'Ile-de-France.

Pour cette raison, "il n'y a aucun moyen que les vaccinations affaiblissent le système immunitaire", a abondé l'immunologiste SrÄ'a Janković, et encore moins qu'elle le "détruise" a réfuté la virologue Maja Stanojevic dans un article de l'AFP consacré à cette affirmation.

"Il n'y a donc aucun lien entre la vaccination anti-Covid et la crainte d’une résurgence inquiétante de grippe ou autre virus hivernaux", a confirmé à l'AFP le 26 octobre Michel Moutschen, chef du service infectiologie et professeur en immunopathologie à l'Université de Liège.

"Un vaccin, qui stimule la réactivité du système immunitaire, peut même engendrer ce qu'on appelle des 'protections croisées' : il a ainsi été prouvé que des personnes vaccinées contre la grippe, les pneumocoques ou la tuberculose faisaient moins de formes graves du Covid", poursuit le spécialiste.

Continuer à appliquer les gestes barrières

Si la vaccination anti-Covid n'a pas eu d'incidence sur la résurgence de virus hivernaux, "il est tout à fait possible que l'immunité de la population générale ait diminué" avec l'application des gestes barrières et les confinements appliqués l'année dernière, note l'épidémiologiste Sibylle Bernard-Stoecklin dans une vidéo récemment mise en ligne par l'agence sanitaire Santé publique France.

"Une épidémie grippale plus intense cet hiver est à craindre, du fait de la perte d'immunité antigrippale de la population non exposée au virus l'an passé", met également en garde l'agence régionale de santé d'Occitanie.

Pour limiter les risques, les spécialistes appellent à ne pas abandonner les gestes barrières, malgré la décrue de l'épidémie. Yvon Le Flohic recommande également d'utiliser des mouchoirs jetables, de se laver les régulièrement et pourquoi pas d'envisager le port du masque quand on se sait enrhumé, comme cela se fait couramment en Asie de l'Est.

"Après deux ans de Covid, deux ans sans grippe, nous devons nous préparer à la co-circulation" des virus du Covid-19, de la bronchiolite et de la grippe saisonnière, a prévenu jeudi 21 octobre le directeur général de la Santé Jérôme Salomon, lors d'une conférence de presse.

Pour se prémunir contre ce risque, il faut, à l'inverse de ce qui est dit dans les publications, vacciner les personnes les plus vulnérables à la fois contre le Covid et la grippe, recommandent les spécialistes. " D'abord, parce qu’avoir deux infections comme la grippe et le Covid simultanément donne des formes particulièrement sévères, et ensuite, parce que si l'on doit gérer deux épidémies en même temps cela risque d’encombrer les services hospitaliers", alerte le professeur en immunopathologie Michel Moutschen.

Le gouvernement a en tout cas annoncé avoir pris des précautions en commandant plus de vaccins anti-grippe que l'an dernier et en avançant le lancement de la campagne de vaccination contre la maladie au 22 octobre.



Juliette Mansour, AFP France
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