Attention, ces expériences du "Dr. Franc Zalewski" ne prouvent pas qu'il y a "une forme de vie" dans le vaccin

  • Publié le 24 novembre 2021 à 21:46

"Des formes de vie" capables de grandir, seraient observables au microscope dans les vaccins contre le Covid, affirme le Youtubeur "Dr. Franc Zalewski". Dans une vidéo partagée dans plusieurs langues, il appuie ses dires avec des photos qu'il affirme avoir prises au microscope électronique dans le laboratoire d'une université de Cracovie. Cependant, ses expériences ne répondent pas aux normes et n'ont aucune valeur scientifique, a affirmé le responsable de ce laboratoire auprès de l'AFP. L'université de Silésie, où Franc Zalewski a obtenu un doctorat en géologie, a également pris ses distances par rapport à ces allégations.

"Le Docteur Franc Zalewski fait une Révélation Choquante" : "une chose" avec "trois tentacules", des "formes de vie" et des "oeufs" auraient été découverts dans le vaccin de Pfizer-BioNTech, alertent des articles de sites et blogs (1, 2, 3, 4) ainsi que des vidéos (1, 2) et publications Twitter partagées des milliers de fois depuis début novembre.

Tous renvoient vers une intervention vidéo d'une quinzaine de minutes datant du 25 septembre, tournée dans le cadre d'une "conférence sur la vie extraterrestre" s'étant déroulée dans la ville polonaise de Posnan, au cours de laquelle Franc Zalewski a brandi des images des prétendues "formes de vie" présentes dans des vaccins.

Capture d'écran Odysee, réalisée le 24/11/2021
Capture d'écran du site "Planetes 360", réalisée le 24/11/2021

 

 

Une vidéo de la conférence a été diffusée sur des sites, réseaux sociaux et plateformes de partage de vidéos en polonais (ici, ici, , ). Des versions traduites en de nombreuses langues dont le français, mais aussi le japonais, l'espagnol et l'anglais ont aussi été partagées plusieurs milliers de fois.

Des internautes ont également fait le lien entre la prétendue découverte de Franc Zalewski et celle de Carrie Madej, une ostéopathe américaine qui avait également récemment affirmé avoir trouvé des organismes vivants dans les vaccins lors d'une étude au microscope. L'AFP Factuel avait déjà vérifié ses propos dans des articles, notamment en polonais, en français, et en coréen .

Qu'affirme le "Dr. Zalewski" ?

Franc Zalewski commence par affirmer qu'on lui a fourni des vaccins Comirnaty de Pfizer-BioNTech contre le Covid-19 pour les "tester". Il en aurait extrait trois échantillons, et n'aurait rien trouvé dans les deux premiers. C'est dans le troisième qu'il prétend avoir découvert une "chose", un nano-organisme à "trois tentacules".

Il ajoute, multipliant les questions rhétoriques à l'attention de ses auditeurs, que la créature se trouve "dans un œuf", et que le vaccin lui fournit un "terreau fertile" pour grandir et se développer, notamment avec de "l'oxyde de graphène", qui provoquerait sa croissance.

Il en conclut que les vaccins contre le Covid-19 sont dangereux et compare leur administration à une "euthanasie" volontaire.

La supposée présence de graphène et d'oxyde de graphène dans les vaccins contre le Covid-19 est devenue un thème fréquent de désinformation anti-vaccinale ces derniers mois. L'AFP a publié des articles en plusieurs langues vérifiant ces allégations, dont celui-ci, ou celui-là.

Un laboratoire de géologie, incompatible avec des analyses pharmaceutiques

Franc Zalewski déclare avoir réalisé les clichés d'observation au microscope électronique dans un laboratoire de l'université Jagellon de Cracovie, la plus ancienne université de Pologne.

Contacté par l'équipe polonaise de l'AFP Factuel début novembre 2021, Marek Michalik de l'Institut des sciences géologiques de l'université Jagellon, qui supervise le laboratoire de géologie de cette institution, a confirmé que Franc Zalewski a "pris des photos et analysé la composition chimique des échantillons dans notre laboratoire à la fin du mois d'août".

"Cependant, nous ne savons pas ce qu'il a réellement recherché", a ajouté le responsable du laboratoire du département de géologie, soulignant que "Franc Zalewski a préparé lui-même les échantillons pour les tests."

Marek Michalik précise aussi que "ce laboratoire n'est pas préparé à la recherche dans les conditions nécessaires à l'analyse des matériaux pharmaceutiques".

En effet, dans le secteur pharmaceutique, biotechnologique ou médical, les salles blanches sont une condition indispensable pour obtenir des recherches fiables. Ces dernières sont conçues pour fournir une très faible concentration de particules en suspension dans l'air. Une préparation telle qu'un vaccin peut être testée dans ce type de salles, avec des conditions de propreté et de stérilisation bien spécifiques, indique le site spécialisé polonais "biotechnologia".

Les mêmes contraintes ne sont pas nécessaires pour tester les roches, auxquelles est dédié le laboratoire de l'université Jagellon dans lequel s'est rendu Franc Zalewski.

Fin octobre, Virginie Serin, chercheuse au Centre d’Élaboration de Matériaux et d’Etudes Structurales (CEMES), et secrétaire générale de la Société Européenne de Microscopie (EMS), expliquait déjà à l'AFP dans cet article que "normalement, on fait les observations à la température de l'azote, à moins 73 degrés, en salle blanche, pour être sûr qu'aucune réaction ne se produit". Sans cela, "ce n'est pas une analyse scientifique qui pourrait donner un résultat valable", abondait-t-elle.

Pour obtenir des résultats valables, une bonne pratique scientifique requiert aussi la préparation, en parallèle et dans les mêmes conditions que l'échantillon testé, d'un échantillon témoin, par exemple d'eau stérile. Cela permet d'exclure toute contamination accidentelle par l'environnement. En outre, un test doit être répété afin d'exclure le hasard pour pouvoir tirer des conclusions de l'expérience, ajoutent les chercheurs.

Des échantillons pas réellement fiables...

En microscopie électronique, la façon dont les échantillons sont préparés est aussi cruciale pour la fiabilité des résultats.

Or, dans le cas de l'expérience de Franc Zalewski, "le matériel a reposé pendant quatre jours dans une maison, il le mentionne lui-même dans la vidéo. Il a très bien pu y avoir une contamination de l'échantillon par la poussière de l'air dans l'appartement, de champignons, de micro-organismes...", précise encore le professeur Michalik.

Sur son site internet, l'Institut Pasteur explique l'histoire des microscopes et notamment la différence entre microscopes optique et électroniques.

Site de l'Institut Pasteur, capture d'écran au 24/11/2021

Interrogé par l'AFP au sujet des méthodes utilisées, de ses échantillons et de la réplicabilité de ses tests, Franc Zalewski n'a pas fourni d'explication précise. Il a seulement déclaré qu'il expliquait tout dans ses vidéos en ligne.

... et sans provenance établie

Par ailleurs, rien ne permet de déterminer avec certitude l'origine du matériel testé par Franc Zalewski et il ne précise pas qui est la personne qui lui aurait transmis les vaccins pour les "tester".

"Le vaccin contre le Covid-19 ne peut pas être fourni aussi facilement pour la recherche : sa distribution est étroitement surveillée. Le fait même que Zalewski ait testé le vaccin peut donc être très fortement remis en question", a déclaré à l'AFP Piotr Rzymski, du département de médecine environnementale de l'université des sciences médicales de Poznan. Les vaccins ne sont testés rigoureusement que par des laboratoires spécialisés disposant des accréditations appropriées.

"M. Zalewski a également déclaré que son matériel se trouvait sur un ruban de carbone conducteur adhésif double face. Ces rubans sont utilisés pour coller divers objets sur des porte-échantillons. Il ne peut être exclu que les bords du rouleau de ruban adhésif aient été contaminés pendant les travaux de laboratoire. Une telle bande ne peut pas être utilisée pour préparer du matériel dans le type d'analyse faite par Zalewski", abonde encore le professeur Michalik.

"Par conséquent, il est possible que ce soient ces contaminants, qui auraient pu s'introduire à n'importe quel stade de la préparation du matériau, qui sont visibles dans les observations", conclut Marek Michalik.

En outre, "l'université n'est pas responsable de l'interprétation des résultats (...) Zalewski a brisé la confiance de l'unité de recherche de l'Université Jagellon", déplore le responsable du laboratoire de géologie, regrettant que ces vidéos puissent avoir des répercussions sociales et réduire la confiance envers la vaccination contre le Covid-19.

L'université de Silésie, où Zalewski a obtenu un doctorat en géologie en 2014, s'est également désolidarisée de l'enregistrement. "Nous prenons nos distances par rapport aux opinions proclamées par M. Franc Zalewski concernant les vaccins. Nous sommes une institution qui encourage la vaccination contre le Covid- 19", a déclaré à l'AFP le 5 novembre Jacek Szymik-Kozaczko, porte-parole de l'université.

Qui est le Franc Zalewski ?

Franc Zalewski se présente sur les réseaux sociaux comme "un géologue, minéralogiste et historien par vocation, un archéologue s'occupant de l'histoire de l'Égypte ancienne".

Il possède aussi une chaîne Youtube, un site web et une fondation appelée "Universum Institute Foundation", basée à Cracovie, créée en 2018 afin, selon lui, de pouvoir "lever des fonds pour poursuivre les recherches scientifiques et réaliser davantage de films".

Une document présenté par Zalewski comme sa biographie, indique aussi qu'il serait né en Ukraine, et aurait étudié l'ingénierie de l'énergie thermique, puis l'histoire à l'université Jagellon. Selon les recherches de l'AFP, il a bien obtenu un doctorat en géologie à l'université de Silésie.

Par ailleurs, il a été radié de la liste des diplômés de l'École des mines et de la métallurgie de Cracovie car il avait déclaré avoir découvert un cratère formé par une météorite.

Dans certaines de ses vidéos, Franc Zalewski rejette aussi de nombreuses théories scientifiques, dont celle d'Albert Einstein, celle de l'évolution de Charles Darwin ou encore celle de la théorie du Big Bang.



Maja Czarnecka, AFP Pologne, AFP France
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