Non, le CHU de Lille ne refuse pas les dons de sang des vaccinés contre le COVID-19

  • Publié le 19 janvier 2022 à 19:47

Un message partagé plus d'un millier de fois sur Facebook depuis le 15 janvier affirme que des poches de sang coagulé provenant de personnes vaccinées ont été trouvées au CHU de Lille. Le centre de transfusion du CHU aurait même expliqué ne plus prélever les personnes vaccinées contre le Covid-19 pour cette raison. C’est faux. L’établissement français du sang (EFS), en charge de la livraison des poches de sang au sein de l'hôpital lillois, assure à l'AFP n’avoir jamais donné de consignes contre le don de sang des personnes vaccinées. Des spécialistes soulignent par ailleurs qu'il n'existe pas de différence de coagulation entre personnes vaccinées et non vaccinées.

Le sang des vaccinés ne serait-il plus accepté dans certains centres de don du sang en France ? Depuis le 15 janvier, plusieurs publications issues de groupes Facebook (comme ici) ont relayé un témoignage anonyme concernant le centre de transfusion du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille.

Le message, partagé plus d'un millier de fois, affirme que le centre de transfusion du CHU aurait reconnu qu'il ne prélevait plus le sang des personnes vaccinées, après avoir observé des poches de sang de vaccinés bloqué "dans la tubulure" (les tuyaux de perfusion, ndlr) "comme de la gelée de groseille".

Message partagé sur plusieurs groupes Facebook, qui affirme que les centres de transfusion de prélèvent plus les vaccinés (Capture d'écran du 18/01/2022)

C'est faux. Aucune consigne contre le don de sang des personnes vaccinées n'a été donnée, ni à Lille, ni dans d'autres centres en France car il n'existe pas de différence de coagulation entre vaccinés et non-vaccinés, selon l'Etablissement français du sang (EFS) et des spécialistes en hématologie. Des affirmations similaires sur la coagulation du sang chez les vaccinés avaient déjà été vérifiées par l'AFP début septembre.

Interrogé à ce sujet, l'EFS, chargé de la centralisation de la récolte à l'échelle française, a démenti auprès de l'AFP l'arrêt des dons de sang pour les vaccinés. "Nous prélevons aussi bien les personnes vaccinées, sans aucun délai par rapport à la date de vaccination, que les personnes non-vaccinées", a indiqué Pascale Richard, directrice médicale de l'EFS, interrogée le 17 janvier 2022 par l'AFP. "Il n'y a pas de contre-indication au don du sang en rapport avec la vaccination".

L'EFS indique notamment s'appuyer sur un avis du Haut conseil de la santé publique (HCSP) du 2 février 2021. Dans ce document, l'instance n'expose aucune restriction pour les vaccinés. Dans le détail, elle recommande "qu'aucune exclusion, même très provisoire, ne soit effectuée pour un don de sang (...) par les sujets récemment immunisés" par les vaccins autorisés.

La seule contre-indication à ce jour pour le don de sang concerne les personnes infectées par le Covid-19 : les malades doivent en effet respecter un délai de 28 jours après le début des symptômes ou 14 jours après la disparition des symptômes avant de pouvoir donner de nouveau leur sang, comme l'indique le site de l'EFS. Un délai qui relève plus du "principe de précaution" aux yeux de Pascale Richard, pour éviter de potentielles infections via le sang.

Aucune différence de coagulation entre vaccinés et non-vaccinés

Il n'existe ainsi aucune différence entre les propriétés sanguines de personnes vaccinées et non vaccinées. "Nous n'avons aucun signal, ni aucune raison physio-pathologique qui nous feraient dire qu'il y aurait un problème", explique Pascale Richard. La directrice médicale précise que le plateforme d'hémovigilance, chargée de repérer les anomalies liées aux transfusions sanguines, n'a fait remonter "aucun signal sur un souci en lien avec la vaccination".

Un constat partagé par les spécialistes sur le sujet. Nicolas Gendron, hématologue à l'hôpital Georges Pompidou à Paris, confirme que les doses de vaccins n'ont pas eu d'effet sur la viscosité du sang. "Les tests étudiant la viscosité du sang ont même démontré que seuls les patients Covid avaient un sang beaucoup plus visqueux que les autres. Ce n'est pas le cas chez les patients vaccinés".

Sur ce point, le spécialiste cite le travail scientifique de l'équipe de recherche italienne menée par la chercheuse Flora Peyvandi, qui a étudié les propriétés sanguines de sujets vaccinés avec le vaccin Pfizer. Dans son article de recherche publié en août 2021 dans la revue scientifique "Thrombosis Update", l'équipe transalpine indique n'avoir mesuré "aucun changement de paramètres ni d'activation de coagulation chez des sujets sains vaccinés".

Article de recherche indiquant qu'aucun changement de paramètres dans le sang des patients vaccinés avec le vaccin Pfizer n'a été observé (capture d'écran du 19/01/2022) ( Nathan Gallo)

Concernant les cas de caillots de sang (ou thrombose, qui est le symptôme d'une coagulation excessive du sang) chez certains patients vaccinés avec AstraZeneca, l'hématologue rappelle que l'incidence de ces thromboses demeure très faible, avec par exemple 395 cas sur 45,2 millions de doses administrées au Royaume-Uni. Des risques très limités donc, qui "doivent être mis en balance avec les risques de la Covid-19, qui elle-même entraine des effets indésirables, en particulier la thrombose veineuse et le décès", écrivait-il dans le magazine Biologistes Infos en novembre 2021.

Il est enfin très peu probable que des poches de sang puissent coaguler. "Il faut savoir que toutes les poches de sang sont prélevées sur anticoagulants, par définition", indique Pascale Richard. "Un anticoagulant est ajouté dans tous les dons de sang, de manière systématique. Sinon, on aurait de gros caillots dans les poches, Covid ou pas Covid. Vaccin ou pas vaccin." Nicolas Gendron précise par ailleurs que les poches de sang "se composent surtout de globules rouges, avec seulement un tout petit peu de plasma, qui est le liquide contenant les protéines de la coagulation".

( AFP / GUILLAUME SOUVANT)

Des réserves de don de sang sous tension

Ces fausses affirmations circulent dans un contexte compliqué à l'échelle nationale en matière de don du sang. L'EFS pointe depuis plusieurs mois une baisse de ses réserves de dons de sang, liée en grande partie à la crise sanitaire. Les différentes restrictions et la mise en place du télétravail a notamment déstabilisé la collecte au sein des entreprises et des universités.

Face à cette désaffection, l'EFS a multiplié les appels aux dons auprès de tous ses donneurs, vaccinés comme non-vaccinés, afin d'empêcher une baisse des stocks plus importante, qui pourrait avoir des effets à terme sur le soin des malades. Au 17 janvier, l'établissement a indiqué à l'AFP posséder environ 80.000 poches de globules rouges sur le territoire français. L'établissement estime avoir besoin d'une réserve de 100.000 poches de sang pour sortir de cette situation de tension.



Nathan GALLO, AFP France
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