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Total n'a pas refusé de "charger" des camions citernes maliens

  • Publié le 29 mars 2022 à 16:30
  • Actualisé le 29 mars 2022 à 17:30

Selon des publications qui circulent sur Facebook, l'entreprise française TotalEnergies a refusé de "charger" des camions citernes maliens. Cela fait "sûrement suite" à la décision du gouvernement malien de suspendre les médias français RFI et France24, croient savoir leurs auteurs. Mais c'est faux. Sollicités par l'AFP, TotalEnergies ainsi que les acteurs du transport malien démentent ces affirmations.

Sous une photo montrant une station de l’entreprise TotalEnergies, on peut lire : "À Dakar : les dépôts de "Total" ne veulent plus charger les véhicules citernes maliens. Sûrement suite à la suspension de RFI et France24". Cette publication a été mise en ligne le 18 mars et a enregistré 380 partages et plus de 2.000 commentaires. La même publication a été relayée par plusieurs autres comptes et pages Facebook (1, 2, 3, 4).

Capture d'écran réalisée sur Facebook le 28 mars 2022

Dans un contexte d’opposition à la présence française au Mali et de prolifération de fausses informations sur la crise malienne, cette affirmation semble prise au sérieux par des internautes, comme en témoignent certains commentaires.

 d'écran d'une publication Facebook réalisée le 28 mars 2022

Le débat suscité par cette publication ne garantit pas pour autant son authenticité. TotalEnergies dément d'ailleurs avoir refusé de "charger" les camions citernes maliens. "TotalEnergies Marketing Mali a le souci de servir ses clients en produits, et n’a pas refusé de livraisons. Il y a bien du produit à Bamako. TotalEnergies Marketing Mali utilise exclusivement des transporteurs maliens", soutient l’entreprise dans un courrier adressé à l’AFP.

Les opérations de ravitaillement se poursuivent normalement au Sénégal pour les chargeurs maliens, confirme Petrosen Holding, l'entreprise sénégalaise en charge de sécuriser l’approvisionnement du pays en produits pétroliers et stimuler la libre concurrence.

Selon Bachir Dramé, directeur de la communication et relations publiques de Petrosen Holding, à son niveau d'information "les camions maliens continuaient encore à charger au niveau des dépôts de Total" le 27 mars, quand l'AFP l'a interrogé. "Les camions disposant d'un bon de commande sont servis. Surtout que le produit leur est vendu préalablement", a-t-il ajouté.

"Des rumeurs de pénurie"

D’où vient donc cette affirmation relative au refus de TotalEnergies de ne plus vouloir "charger les véhicules citernes maliens"? Selon Salihou Guiro, vice-président du Conseil malien des chargeurs, "il s'agit d'une information relayée par certaines personnes sur Facebook mais en réalité il n’a jamais été question de refuser le ravitaillement aux camions citernes maliens". 

"Des rumeurs de pénurie" de produits pétroliers au Sénégal ont été alimentées par une perturbation liée au fait que "l’arrivée de bateaux qui devaient venir livrer du brut à Dakar a été annulée", affirme Salihou Guiro. "La crise en Ukraine et la hausse du prix du baril de pétrole est à la base de cette situation. Les dépôts de Total ont donc donné la priorité au marché local sénégalais", poursuit-il.

Le Conseil malien des chargeurs est une organisation de transport qui regroupe notamment les acteurs spécialisés dans l’acheminement des marchandises tant à l’import qu’à l’export. Le mode de transport privilégié par cette organisation est la voie terrestre vers les pays côtiers. Les liaisons routières Bamako-Abidjan et Bamako-Dakar sont donc vitales pour les activités des membres du Conseil malien des chargeurs. 

Chez TotalEnergies, on rejette toute pénurie. "De par sa situation géographique, les importations de produits pétroliers vers le Mali se font depuis Dakar au Sénégal et Abidjan en Côte d’Ivoire. Les volumes disponibles actuellement pour le Mali sont chargés normalement", précise l’entreprise. "Il faut cependant noter que les tensions actuelles sur les marchés internationaux ont pu conduire à des retards dans les rotations des navires. Cette situation temporaire concerne tous les dépôts côtiers jusqu’au Golfe de Guinée", explique TotalEnergies.

Le logo Total dans une station-service à Lucciana, dans le sud de Bastia, le 14 février 2022 ( AFP / Pascal POCHARD-CASABIANCA)

Petrosen Holding se veut rassurant. Selon Bachir Dramé, "pour le moment la situation est bien gérée au niveau de la Sar (Société africaine de raffinage) qui assure le stock de sécurité. Les importateurs sont aussi dans la planification pour leur ravitaillement. Mais il peut arriver qu'il y ait des tensions causées par le contexte mondial. A mon avis ce n'est pas encore le cas". 

Suspension de France 24 et RFI au Mali

La publication relayée sur Facebook suggère que TotalEnergies aurait décidé de ne plus ravitailler les camions citernes maliens "sûrement suite à la suspension de RFI et France24". Mais TotalEnergies souligne être "une entreprise privée sans aucun lien" avec ces médias.

"Notre engagement est de fournir nos clients en énergies. TotalEnergies Marketing Mali continue de servir ses clients en carburants. Les stations-service sont livrées normalement. Les approvisionnements continuent de manière soutenue", martèle l'entreprise. 

La junte au pouvoir au Mali a ordonné la suspension de la diffusion de RFI et France 24 le 17 mars, après la publication d'informations par ces médias publics français selon lesquelles l'armée malienne était impliquée dans des exactions contre des civils. 

La décision malienne de sanctionner RFI et France 24 est intervenue dans un contexte d'hostilité vis-à-vis de la France, l'ancienne puissance coloniale, dont l'ambassadeur a été expulsé fin janvier. Le 18 février, Paris avait annoncé son retrait militaire du Mali après neuf ans de lutte antijihadiste, poussée dehors par les "obstructions" de la junte malienne.

Le Mali, pays pauvre et enclavé au cœur du Sahel, a été le théâtre de deux coups d'Etat militaires en août 2020 et en mai 2021.

La junte militaire au pouvoir est revenue sur son engagement d'organiser des élections rapides pour le retour des civils au pouvoir, s'attirant de lourdes sanctions économiques et diplomatiques le 9 janvier de la part de la communauté des Etats ouest-africains (Cédéao).

Suy Kahofi, AFP Côte d'Ivoire

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