Non, une nouvelle MST, "plus grave que le sida", n’a pas été découverte au Japon

  • Publié le 11 avril 2022 à 18:21

Un message viral en Afrique francophone sur Facebook depuis 2015, toujours partagé en avril 2022, prétend, photo à l’appui, qu’une "nouvelle maladie sexuellement transmissible" a été découverte au Japon. Cette maladie serait "plus grave" que le VIH et les préservatifs ne seraient d'aucune utilité. Mais c'est faux, ont déclaré l’OMS et le ministère japonais de la Santé à l'AFP: aucune nouvelle MST n'a été récemment découverte au Japon. De plus, l’image associée à cette rumeur montre en réalité les symptômes de la variole, éradiquée depuis plus de 40 ans. 

"Nouvelle maladie sexuellement transmissible, découverte au Japon, plus grave que le sida, même condom ne l'arrête pas", alerte l’autrice d’une publication partagée près de 5.000 fois sur Facebook depuis septembre 2015. "Faites donc gaffe", poursuit-elle. L’image qui accompagne cette légende est tout aussi effrayante : elle montre le torse d’un homme à la peau blanchâtre et recouverte de boutons. Ce message circule abondamment en Afrique francophone notamment au Bénin (1) et  en République démocratique du Congo (1). 

Capture d’écran d’une publication Facebook, réalisée le 8 avril 2022

Dans les commentaires, des internautes se disent apeurés par cette nouvelle. "C’est effrayant", lâche l’un d’eux. "C’est très horrible", écrit un autre. 

Capture d’écran de commentaires sur une publication Facebook, réalisée le 8 avril 2022

Cette peur provient sans aucun doute du traumatisme causé par le VIH (virus de l'immunodéficience humaine) et d’autres infections sexuellement transmissibles (IST) en Afrique.

L'Afrique subsaharienne abrite les deux tiers (67%) des personnes vivant avec le VIH, selon l'ONU. Quelque 25,7 millions de personnes vivent avec ce virus sur le continent. En 2018, 470.000 personnes sont mortes d'une maladie liée au sida en Afrique subsaharienne.

Et il n'y a pas que le sida: dans un rapport de juin 2021, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) "estime à plus de 86 millions par an le nombre de cas d’infections sexuellement transmissibles curables, dont la chlamydiose, la gonorrhée, la syphilis et la trichomonase qui sont recensées chez les personnes âgées de 15 à 45 ans dans la région africaine".

"Rumeur incorrecte"

Toutefois, le message qui circule en Afrique francophone annonçant une nouvelle IST découverte au Japon est fausse. 

Contacté le 7 avril 2022 par l’AFP, le ministère japonais de la Santé déclare n’avoir "aucune connaissance d’une telle nouvelle maladie sexuellement transmissible, telle que décrite dans le post Facebook de 2015". Une affirmation que corrobore l'institut national des maladies infectieuses du Japon : "cette rumeur est incorrecte", écrivent-ils à l’AFP. "Il est possible qu’il se réfère à la recrudescence de la syphilis (qui n’est certainement pas une nouvelle MST) au cours des dernières années au Japon", ajoutent-ils. 

Dans sa réponse à l’AFP, l’OMS dément aussi ce "faux" message. 

Il n’y a donc pas de nouvelle maladie sexuellement transmissible qui aurait été découverte au Japon et pour lequel le préservatif serait inopérant.

Par ailleurs, l’image utilisée pour le message trompeur n’est en aucun cas liée à une maladie sexuellement transmissible. 

La variole, une maladie éradiquée

Nous avons effectué une recherche d’image inversée (voici comment procéder) et l’avons retrouvée dans la banque d’images du portail Alamy. La légende qui l'accompagne indique qu’elle montre un homme atteint de variole et photographié par Georges Henry Fox en 1886.

Capture d’écran prise sur alamyimages.fr, réalisée le 8 avril 2022

Les résultats d’une rapide recherche sur Google renseignent que Georges Henry Fox était un dermatologue américain. Il a d’ailleurs publié un livre illustratif des maladies de la peau. A la page 32 de cet ouvrage archivé, se trouve la photo utilisée pour la publication trompeuse sur Facebook. Elle y montre effectivement un patient atteint de variole.

Capture d’écran de la page 32 de l’ouvrage de George Henry Fox, archivée sur archive.org

D’après un communiqué de l’OMS publié le 8 mai 2020, la variole est une maladie qui a été éradiquée. "Le 8 mai 1980, lit-on dans cette note, la trente-troisième assemblée mondiale de la santé a officiellement déclaré +tous les peuples du monde sont libérés de la variole+". 

L’Organisation explique que "cette déclaration marquait la fin d’une maladie qui avait dévasté l’humanité pendant au moins 3000 ans faisant 300 millions de morts rien qu’au xxe siècle". 

Une archive de l’OMS présente la variole comme une maladie "exanthémateuse aiguë" (avec éruption cutanée, ndlr) causée par le virus variolique. "Le virus se transmet de malade en phase d’éruption à des sujets sensibles, soit à courte distance par aérosols, soit indirectement par de la literie ou des vêtements contaminés", lit-on.

La photo virale ne montre donc pas une personne atteinte d'une infection sexuellement transmissible, comme le suggèrent les publications sur les réseaux sociaux. Par ailleurs, "en terme de morbidité et de causes compliquées, le VIH est le plus préoccupant des IST”, souligne Dr Ousmane Faye, virologue et chef du département de virologie de l’Institut pasteur de Dakar, au Sénégal.

A la question de savoir s’il existe une IST contre laquelle le préservatif ne serait d’aucune utilité ou protection, Dr Faye répond : "Je ne pense pas mais faut avoir à l'esprit que le risque zéro n’existe pas". Comme  moyen de prévention des IST, l’OMS affirme que "les préservatifs constituent l’une des méthodes de protection les plus efficaces contre les IST, y compris le VIH". 



Monique Ngo Mayag, AFP Japon
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