Inefficacité, nocivité, baisse de l'immunité... Attention à ces affirmations fausses ou trompeuses sur les vaccins

  • Publié le 23 mai 2022 à 17:26

Les vaccins contre le Covid-19 endommageraient-ils le système immunitaire ? Favoriseraient-ils les infections au SARS-CoV-2 ? Seraient-ils responsables de troubles de la coagulation ? C'est ce qu'avance, entre autres choses, un article partagé en ligne au moins 3.800 fois depuis le 16 mai 2022. Mais ces affirmations sont fausses ou infondées, comme l'AFP l'a déjà expliqué dans plusieurs articles. Les vaccins n'affaiblissent pas le système immunitaire, ils le stimulent à l'inverse pour induire une protection contre le virus, confirment des spécialistes. Les données existantes ne démontrent pas non plus que les infections sont facilitées par la vaccination, indiquent des experts. Ils soulignent par ailleurs qu'il n'existe pas de différence de coagulation entre personnes vaccinées et non vaccinées.

"Les vaccins et rappels [sont] de moins en moins efficaces et de plus en plus nocifs", avance le titre d'un article publié sur le site "infodujour.fr" et partagé sur les réseaux sociaux au moins 3.800 fois depuis le 16 mai. Il comporte un entretien avec Jean-Marc Sabatier, présenté en tant que "directeur de recherches au CNRS et docteur en biologie cellulaire et microbiologie".

Dans cet article, diffusé sur Twitter (1, 2, 3) et sur des sites Internet (1), son auteur affirme que "de plus en plus d'études scientifiques attestent d’une augmentation des effets indésirables et de décès parmi les personnes vaccinées" contre le Covid-19. Une longue série d'affirmations est dressée, accusant les vaccins d'"endommager le système immunitaire", de "favoriser l'infection des personnes vaccinées" ou encore de "provoquer des troubles de la coagulation".

Ces propos erronés ou infondés ont déjà fait l'objet de plusieurs articles de vérification de l'AFP (1, 2, 3, 4). Retour sur les principales affirmations tenues dans cet article.

Capture d'écran Twitter effectuée le 23 mai 2022

Le vaccin "endommagerait le système immunitaire" : faux

Selon cet article, les vaccins contre le Covid-19 détruiraient le système immunitaire et induiraient une "nouvelle forme de syndrome d'immunodéficience acquise", donc de sida. Une hypothèse déjà démentie par des experts interrogés par l'AFP dans plusieurs articles (1, 2, 3, 4, 5).

Affirmer que les vaccins anti-Covid pourraient causer une dégradation du système immunitaire ne repose sur aucune preuve scientifique, ont expliqué ces derniers mois plusieurs experts interrogés par l'AFP. Au contraire, ils stimulent le système immunitaire pour induire une protection contre le virus, même s'ils utilisent plusieurs techniques différentes pour y arriver (vaccins à ARN messager, ou à vecteur viral).

"Les vaccins n'ont aucun impact sur l'immunité naturelle", avait déjà réagi en mars 2021 le professeur en immunopathologie Michel Moutschen, puisqu'ils s'appuient sur le système immunitaire pour compléter l'immunité innée avec l'immunité acquise, comme expliqué par exemple ici par les autorités sanitaires.

Pour cette raison, "il n'y a aucun moyen que les vaccinations affaiblissent le système immunitaire", avait aussi abondé SrÄ'a Janković, immunologiste à l'hôpital pédiatrique de Belgrade, auprès de l'AFP, et encore moins qu'elles le "détruisent" à terme, ajoutait Maja Stanojevic, virologue à l'Institut de microbiologie et d'immunologie de Belgrade et consultante auprès de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Corollaire de cette théorie infondée, les militants anti-vaccins vont donc jusqu'à en déduire que les vaccins entraînent le sida. Là encore, ce n'est pas le cas, comme expliqué par plusieurs médecins : le sida est causé par un virus (VIH), il n'est pas la résultante d'un affaiblissement du système immunitaire, il en est à l'origine. Les personnes souffrant d'un déficit immunitaire (les personnes immunodéprimées), à cause d'une maladie ou d'un traitement, sont plus vulnérables aux infections et doivent donc être vaccinées en priorité conformément aux recommandations.

La vaccination serait directement responsable de "troubles de la coagulation" : infondé

Selon les propos recueillis dans cet article, "la protéine Spike vaccinale est directement responsable des troubles de la coagulation parfois observés chez certaines personnes lors d’une infection virale au SARS-CoV-2 ou suite à une vaccination".

La coagulation du sang est un processus complexe, mobilisant plusieurs protéines, qui s'activent en cascade pour aboutir à la création de caillots. Ce phénomène se met par exemple naturellement en place en cas de petites blessures pour permettre au sang présent hors du corps d'arrêter de couler, comme l'expliquait Manuel Cliquennois, chef du service d'hématologie du CHU Saint-Pierre, à Bruxelles dans cet article de l'AFP en septembre 2021.

Cependant, plusieurs spécialistes déjà interrogés par l'AFP ont expliqué qu'il n'existe aucune différence entre les propriétés sanguines, dont justement la coagulation, des personnes vaccinées et non vaccinées. "Nous n'avons aucun signal, ni aucune raison physiopathologique qui nous feraient dire qu'il y aurait un problème" lié à la coagulation chez les personnes vaccinées, expliquait fin janvier la directrice médicale de l'Etablissement français du sang Pascale Richard. Elle avait aussi précisé que la plateforme d'hémovigilance, chargée de repérer les anomalies liées aux transfusions sanguines, n'a fait remonter "aucun signal sur un souci en lien avec la vaccination".

Nicolas Gendron, hématologue à l'hôpital Georges Pompidou à Paris, avait aussi confirmé que les doses de vaccin anti-Covid n'ont pas d'effet sur la viscosité du sang. "Les tests étudiant la viscosité du sang ont même démontré que seuls les patients Covid avaient un sang beaucoup plus visqueux que les autres. Ce n'est pas le cas chez les patients vaccinés", détaillait-il, citant le travail scientifique d'une équipe de recherche italienne qui a étudié les propriétés sanguines de personnes ayant reçu le vaccin de Pfizer-BioNTech. Dans un article de recherche publié en août 2021 dans la revue scientifique "Thrombosis Update", ces chercheurs indiquaient n'avoir mesuré "aucun changement de paramètres ni d'activation de coagulation chez des sujets sains vaccinés".

Des cas de caillots de sang (ou thromboses, qui sont les symptômes d'une coagulation excessive du sang) ont été recensés chez certains patients vaccinés avec AstraZeneca, mais selon Nicolas Gendron, l'incidence de ces thromboses demeure très faible. Au Royaume-Uni, pays qui a massivement vacciné avec le produit d'AstraZeneca, 395 cas de thromboses ont été recensés, sur 45,2 millions de doses administrées, rappelait-il fin janvier. Ces risques très limités "doivent être mis en balance avec les risques de la Covid-19, qui elle-même entraîne des effets indésirables, en particulier la thrombose veineuse et le décès", écrivait ainsi l'hématologue dans le magazine Biologistes Infos en novembre 2021.

Tableau montrant les cinq vaccins contre le Covid-19 autorisés en France ( AFP / Emmanuelle MICHEL, Valentina BRESCHI)

Les "anticorps facilitants", devenus "majoritaires" avec la vaccination, favoriseraient l'infection au SARS-CoV-2 : infondé

Selon la personne interviewée dans cet article, les multiples injections de vaccin renforcent la part des anticorps "facilitants" par rapport aux anticorps dits "neutralisants", ce qui favoriserait l'infection au virus SARS-CoV-2, et tout particulièrement au variant Omicron. Mais à ce jour, ce mécanisme rare, observé notamment pour certains cas de dengue, n'a pas été identifié dans le cas de la vaccination contre le Covid-19, comme l'expliquait un article de l'AFP publié en février.

Le phénomène de facilitation de l'infection par certains anticorps est désigné soit par l'acronyme anglais ADE pour antibody-dependent enhancement – aggravation dépendante des anticorps –, soit par VAED pour vaccine-associated enhanced disease – lorsque les anticorps ont été suscités par un vaccin. Concrètement, dans certains cas, les anticorps générés par une réponse immunitaire, que ce soit par le biais d'une infection naturelle ou bien par une vaccination, ne sont pas capables de prévenir une infection ultérieure : ils ne sont pas "neutralisants" mais deviennent "facilitants", explique le Children's Hospital of Philadelphia sur une page dédiée à ce phénomène.

Ces anticorps agissent comme un cheval de Troieen permettant au virus de pénétrer plus facilement dans les cellules, pour faciliter une future infection, possiblement plus grave que la première.

Ce phénomène rare a notamment été observé pour la dengue, une infection virale transmise à l’être humain par la piqûre de moustiques infectés. Conséquence : une personne infectée par la souche initiale de dengue puis une nouvelle fois par une souche différente de celle d'origine pouvait, dans certains cas, développer une forme très sévère de la maladie, se traduisant par une fièvre hémorragique parfois mortelle. Or, ce phénomène semble pouvoir se produire dans deux cas de figure : lors d'infections naturelles mais également, dans certains cas précis, après la vaccination contre la dengue lorsque la personne est infectée par la suite. Des cas d'infections facilitées par des anticorps ont également été observés avec d'anciens vaccins contre la rougeole et la bronchiolite du nourrisson, mais les mécanismes précis autour de ce phénomène ne sont à ce jour pas totalement élucidés.

Les experts interrogés en février par l'AFP soulignent unanimement, qu'à ce stade, les données existantes n'ont pas mis au jour de risque qu'un tel phénomène existe, ni pour le Covid, ni pour la vaccination anti-Covid. Plus de 11 milliards de doses de vaccins ont été administrées dans le monde, selon un décompte effectué par la Fédération internationale de l'industrie du médicament au mois d'avril.

"Il n'y a aucune preuve, que ce soit épidémiologique, clinique, ou en éprouvette, en culture cellulaire, qu'il existe des anticorps contre le coronavirus qui facilitent l'infection. D'autre part, les données épidémiologiques montrent que les personnes vaccinées ne font pas des formes plus graves, et que le fait d'avoir eu un premier Covid n'induit pas une réponse plus grave ou plus sévère comme ça peut être vu pour la dengue. Donc il n'y a pas d'arguments pour l'instant. Le vaccin n'est pas un facteur aggravant de la maladie, mais au contraire un facteur protecteur", pointe Olivier Schwartz, directeur de l'Unité Virus et Immunité de l'Institut Pasteur, interrogé le 11 février par l'AFP.

C'est aussi la conclusion que tire la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) dans une note publiée le 14 janvier , en soulignant que "la protection vaccinale demeure élevée contre les formes graves d’infection au variant Omicron, même si elle est inférieure à celle contre le variant Delta".

Au vu du nombre de personnes déjà vaccinées dans le monde, l'immunologue Frédéric Altare assure que "si une facilitation induite par les vaccins était constatée avec Omicron, on l’aurait déjà vue".

"Une proportion croissante de décès liés à la COVID-19 [survient] parmi les vaccinés" : sorti de son contexte

L'article relaie un article du média américain NBC News pour souligner la prétendue inefficacité du vaccin. Celui-ci avance qu'une "proportion croissante de décès liés [au] Covid-19 [survient] parmi les vaccinés" : "en août 2021, environ 18,9 % des décès liés [au] Covid-19 sont survenus parmi les personnes vaccinées. Six mois plus tard, en février 2022, ce pourcentage de décès était passé à plus de 40 %", écrit ainsi ABC News en mai 2022.

Mais il ne s'agit rien de moins que d'une évolution logique puisque le vaccin n'empêche pas la transmission du viruset que la part des Américains vaccinés est importante (77,8% ont reçu au moins une dose à la date du 22 mai 2022, selon l'Agence américaine de contrôle des maladies). Inévitablement, il y a donc une forte proportion de vaccinés parmi les contaminés. "Le virus ne cible pas les gens vaccinés, c'est simplement que comme ils sont les plus nombreux dans la population, ils sont aussi plus nombreux en valeur absolue", pointait mi-janvier auprès de l'AFP le virologue Vincent Maréchal.

Des soignants portent un patient malade du Covid-19 au centre hospitalier intercommunal André-Grégoire de Montreuil, en Seine-Saint-Denis, le 1er avril 2021 ( AFP / BERTRAND GUAY)

Cet article viral omet d'ailleurs de relayer la contextualisation faite par ABC : "Des experts affirment que cette augmentation du nombre de décès chez les vaccinés est attendue, de plus en plus d'Américains ayant terminé leur schéma de vaccination", écrit ABC News.

L'épidémiologiste John Brownstein, interrogé au sein du même article, explique que "l'interprétation de ces données ne doit pas conduire à dire que les vaccins ne fonctionnent pas. En réalité, ces analyses en vie réelle ne font que confirmer l'incroyable protection conférée par ces vaccins".

Les "événements cardiovasculaires d'urgence" auraient augmenté en Israël pendant la campagne de vaccination : contesté

Ce site internet explique également qu'"une étude publiée dans Nature révèle 'une augmentation des événements cardiovasculaires d’urgence dans la population des moins de 40 ans en Israël pendant le déploiement du vaccin et la troisième vague d’infection au SARS-CoV-2'".

Cette étude israélo-américaine existe bien et a été publiée dans une revue associée de Nature, Scientific Reports, en avril 2022. Elle conclut qu'entre janvier et mai 2021, "durant le déploiement de la vaccination", le nombre d'appels d'urgence "pour des arrêts cardiaques ou des syndromes coronariens aigus chez les 16-39 ans s'est accru de 25% en Israël par rapport aux deux années précédentes à la même période".

Cependant, cette étude a fait l'objet de critiques, notamment d'une équipe internationale de chercheurs au mois de mai suivant : "même si la corrélation semble statistiquement importante, elle demeure, selon nous, non pertinente cliniquement", écrivent-ils, regrettant une course à la publication à propos de chaque corrélation observée autour du Covid-19. Cette équipe avance une cause probable de cette (faible) hausse du nombre d'appels (un recours accru aux numéros d'urgence après une limitation demandée par les autorités au début de la pandémie pour soulager les services de secours), les origines très diverses des syndromes coronariens aigus, et l'absence de données sur le statut vaccinal des patients.

Le ministère de la Santé israélien a qualifié cette étude de "très problématique sur le plan méthodologique" et a regretté la publication de "conclusions erronées".

La vitamine D constitue un traitement : faux

"Il apparaît aussi que les traitements potentiels ne sont pas valorisés comme ils devraient l'être (vitamine D, etc.)", affirme enfin Jean-Marc Sabatier. Or, si les vitamines renforcent le système immunitaire, rien ne prouve qu’elles préviennent la transmission du Covid-19 ou permettent de le guérir, avait analysé l'AFP en février 2021.

Utile à la santé osseuse, la vitamine D participe au bon fonctionnement du système immunitaire. "II y a des études 'observationnelles' (par opposition à des essais cliniques, considérés comme plus solides, NDLR) qui montrent une corrélation entre le taux de vitamine D et le pronostic de la Covid: plus le taux est haut, meilleur est le pronostic, moins de décès, moins de formes sévères...", expliquait dans cette dépêche à l'AFP le Pr Cédric Annweiler, chef du service de gériatrie au CHU d'Angers et signataire de la tribune. Actuellement, "on a ce qu’on appelle une présomption scientifique mais pour avoir une preuve scientifique, une causalité, il faut des essais cliniques", précisait-il.

Le Pr Annweiler rappelait également que la vitamine D n'est pas "la panacée, c'est au mieux, un adjuvant, mais la porte de sortie de la crise, c'est le vaccin et les gestes barrière".

Dans son avis du 28 janvier 2021, le Conseil Supérieur de la Santé belge conclut que "l'utilisation de très hautes quantités de vitamine D à visée thérapeutique chez les patients atteints de la Covid-19 et pour prévenir les formes très graves de la maladie, ne peut actuellement être recommandée. Elle ressort éventuellement du cadre d’études cliniques et ne peut se substituer aux traitements utilisés actuellement." Comme pour le zinc, les autorités sanitaires recommandent tout de même à la population de s'assurer un apport suffisant en vitamines.

Quant à la consommation de vitamine C, la rubrique "en finir avec les idées reçues" de l'OMS indique qu'"il n'existe pas, à l'heure actuelle, d'orientations concernant l'emploi de suppléments en micronutriments comme traitement de la Covid-19."

Si "les vitamines C et D stimulent le système immunitaire" et si "rester hydraté vous permet également d'avoir un métabolisme optimal", cela n'empêche pas l'infection par le virus, qui se transmet "par voie respiratoire, via les mains ou le nez", insistait l'épidémiologiste belge Yves Coppieters dans un autre article de vérification.



Julien NGUYEN DANG, AFP France
guest
1 Commentaires
bibik
bibik
1 an

AZu lieu de nous pondre un communiqué de presse, pourriez-vous nous informer sur ce qu'il en est des Autorisations de Mise sur le Marché, et surtout développer le résultat des phases de contrôles' N'oublions pas que ces dits produits sont encore à l'étude et sous le coupe d'une autorisation conditionnelle. S'engager à clamer qu'il n'y a aucun risque et vanter leurs efficacités vous engage personnellement. A bon entendeur.