Actualités du monde

"Victoire" des chômeurs: le Conseil d'État annule les règles de l'assurance chômage

  • Publié le 5 octobre 2015 à 21:13

Les associations de chômeurs crient "victoire": le Conseil d?État a annulé lundi l'application des règles d'assurance chômage, qui régissent l'indemnisation de 2,4 millions de chômeurs, obligeant les partenaires sociaux à corriger le tir avant le 1er mars 2016.


Saisie par des associations de chômeurs et précaires, la plus haute juridiction administrative a annulé l'arrêté d'agrément par l'État de la convention d'assurance chômage. Fruit d'un accord entre le patronat et trois syndicats (CFDT, FO, CFTC), elle était entrée en vigueur le 1er juillet 2014 et devait expirer le 30 juin 2016.
La ministre du Travail, Myriam El Khomri, a demandé aux partenaires sociaux de "proposer les modifications techniques nécessaires (...) de façon à ce qu?un nouvel arrêté d?agrément puisse être pris dans les meilleurs délais".
De leur côté, les partenaires sociaux signataires ont minimisé la décision du Conseil d?État.
"Les correctifs à apporter sont mineurs", selon les trois syndicats, qui "proposeront rapidement une solution". Le patronat, lui, souligne que la "grande majorité" de la convention est "validée" et se donne le temps "d'analyser en détail cette décision".
La haute juridiction a jugé "illégales" les modalités de calcul du différé d'indemnisation, sans remettre en cause le principe du différé: lorsqu'un chômeur touche des indemnités de fin de contrat supérieures à ce que prévoit la loi, il doit attendre jusqu'à 180 jours avant de toucher son allocation chômage.
Mais le Conseil d?État pointe du doigt le cas des licenciés sans motif réel et sérieux: la loi ne prévoyant pas de réparation minimale aux Prud'hommes pour ceux ayant moins de deux ans d'ancienneté ou travaillant dans une entreprise de moins de 11 salariés, la totalité des dommages et intérêts est prise en compte pour calculer le différé d'indemnisation, ce qui "porte atteinte au droit à réparation du salarié".
Il a néanmoins "décidé de différer" l'annulation "au 1er mars 2016", car une annulation immédiate "impliquerait une rupture de la continuité du régime".
D'ici là, "l'assurance chômage continue de fonctionner" et "les demandeurs d'emploi continueront de percevoir leur indemnisation", a tenu à rassurer Mme El Khomri. Fin juin, 2,4 millions (sur 5,4) de demandeurs bénéficiaient d'allocations chômage.

- Pas une première -

Apprenant la décision du Conseil d?État, les représentantes des associations requérantes, réunies dans le hall du Conseil d?État, se sont embrassées chaleureusement, visiblement émues, a constaté une journaliste de l'AFP.
Rose-Marie Pechallat, de Recours radiation, a salué "une victoire historique". Pour elle, l'objectif de la convention était "de sortir (les chômeurs) du système d'indemnisation pour résoudre leur soi-disant dette".
La convention était censée faire économiser près de deux milliards d'euros sur deux ans à l'assurance chômage, dont la dette devrait atteindre 25,9 milliards d'euros en fin d'année.
Par ailleurs, le Conseil d?État a aussi jugé que les partenaires sociaux n'étaient pas "compétents" pour fixer les obligations déclaratives des demandeurs d'emploi et les modalités de récupération par Pôle emploi des trop-perçus. Ces deux dispositions - "divisibles" du reste de la convention - sont annulées immédiatement.
Ces aspects "relèvent du législateur", a précisé à l'AFP le ministère du Travail, qui "est en train d'étudier la réponse à apporter".
"Pour nous, c'est énorme", s'est réjouie Véronique Ravier, de la Coordination des intermittents et précaires (CIP). Les partenaires sociaux "se croient tout permis pour mettre en place une main d??uvre qui va accepter n'importe quel boulot à n'importe quel prix. Là, on leur dit: ça n'est pas votre terrain de jeu !".
De son côté, la CGT, non signataire de la convention, s'est dite "confortée" par cette décision qui "confirme le besoin d'une autre négociation".
Le syndicat avait, lui aussi, saisi le Conseil d?État contre les règles d'assurance chômage, négociées selon lui dans des conditions "déloyales". Mais comme le TGI et la Cour d'appel de Paris, la haute juridiction n'a pas retenu ses arguments.
La décision du Conseil d?État n'est pas inédite. Il avait déjà annulé "pour vice de forme" l'agrément de la convention en 2004, dans l'affaire dite des "recalculés". Les nouvelles règles réduisaient la durée d'indemnisation des chômeurs, excluant 265.000 chômeurs.

Par Camille BAS-WOHLERT - © 2015 AFP
guest
0 Commentaires