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Un "train fou" en Normandie dévale 20 km sans freins

  • Publié le 22 octobre 2015 à 23:20

Scénario de film d'épouvante mais bien réel pour les sept passagers d'un train express régional (TER) de Normandie: leur convoi est devenu incontrôlable à grande vitesse, sur près de 20 km, avant de s'arrêter tout seul à la faveur d'une côte.


Révélé jeudi par le syndicat Sud Rail et confirmé par la SNCF, le scénario fait rétrospectivement froid dans le dos, même s'il n'y a pas eu de blessé. Après avoir heurté violemment deux vaches se trouvant sur la voie, ce train s'est retrouvé sans alimentation électrique et donc sans possibilité de freiner.
Le secrétaire d'Etat aux Transports, Alain Vidalies, a assuré jeudi soir dans un communiqué qu'"il est d'ores et déjà établi qu'aucune faute humaine n'a été commise. Le conducteur et le contrôleur ont agi conformément aux procédures et avec un comportement exemplaire".
M. Vidalies, estimant qu'il s'agit d' un "incident grave et préoccupant", a expliqué avoir "saisi le Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre", le BEA-TT, et "demandé à la SNCF de procéder à une enquête afin de déterminer les raisons de cette altération inédite du système de freinage".
Tout commence mardi à 07H28 du matin. Le train part de la gare d'Abancourt (Oise) à destination de Rouen. Il fait partie des automoteurs à grande capacité (AGC) fabriqués en France par le groupe canadien Bombardier, un modèle récent que l'on retrouve dans de nombreuses régions.
Il n'y a encore que sept passagers à bord. Premier arrêt quelques minutes plus tard à Formerie, toujours dans l'Oise, à la limite de la Seine-Maritime. Les freins fonctionnent sans problème. Le train repart, atteint les 140 kmh, quand le conducteur aperçoit deux vaches sur la voie.
Il ne peut éviter la collision mais tente d'actionner le frein d'urgence. Après le choc, "d'une violence inouïe", selon Sud Rail, ses écrans sont noirs, tout comme l'ensemble du train: l'alimentation électrique est hors d'usage.
"Le conducteur a perdu toute l'électricité. Il ne pouvait plus freiner, ni communiquer avec le centre opérationnel", a expliqué Marc Derrieu, de Sud Rail.
Les deux cheminots à bord ne perdent pas leur sang froid. Avec son téléphone portable, l'agent de conduite contacte le régulateur. La contrôleuse regroupe les voyageurs à l'arrière de la rame.
Mais le train continue sur sa lancée. Il traverse à vive allure (90 kmh) la gare de Serqueux, occasionnant quelques dégâts matériels, selon le syndicaliste. Les voyageurs sur les quais avaient été prévenus et mis à l'abri dans la gare.
Heureusement, la topographie des lieux va éviter le pire: le convoi ralentit en raison d'une côte. Lorsqu'il est quasiment à l'arrêt, et avant qu'il ne reparte en sens inverse, le conducteur saute du train et place des cales sous les roues.

- Un cas hors normes -

Une fois le train stoppé, les passagers sont acheminés par autocar vers leur destination finale.
La rame, dont l'avant est maculé de sang et le bas de caisse complètement éventré, est acheminée vers le technicentre de Sotteville-lès-Rouen. Des experts vont l'examiner, en liaison avec des techniciens de Bombardier.
La SNCF a déposé une plainte contre X, visant en premier lieu l'éleveur auquel appartenaient les vaches. "Comme en pareilles circonstances, les autorités compétentes ont été immédiatement saisies et une enquête interne a été diligentée", a indiqué la SNCF.
"C'est un cas de figure qui interpelle, qui est hors normes, d'habitude les trains s'arrêtent après une telle collision, ou déraillent", a indiqué à l'AFP un enquêteur ayant requis l'anonymat.
"Le conducteur a été très choqué le jour même et plus encore le lendemain", a assuré M. Derrieu. Des agents de conduite utilisant le même matériel ont fait valoir jeudi leur droit de retrait, soutenus notamment par les syndicats Sud Rail et UNSA ferroviaire. Quelque 25 TER ont été supprimés dans la région à la suite de ce mouvement social.
"Plus d?un millier de heurts avec des bovins et grands gibiers ont lieu chaque année sur l'ensemble du réseau ferroviaire", selon la SNCF. "C?est un événement exceptionnel puisque c?est la première fois qu?à la suite de ce type d'incident, le système de freinage ne répond pas correctement", a-t-elle ajouté.

Par Alain JEAN-ROBERT - © 2015 AFP
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