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Toucher, palper, fouiller, observer: le délicat apprentissage de la sûreté aéroportuaire

  • Publié le 11 novembre 2015 à 13:17

Toucher, palper, filtrer, fouiller, observer, reconnaître et rester courtois: à Villepinte (Seine-Saint-Denis) les futurs agents de sûreté aéroportuaires apprennent à déceler l'arme ou l'explosif qui pourrait coûter la vie à des dizaines de passagers.


Dès l'entrée de la salle de formation, le ton est donné.
Dans une vitrine sont présentés divers explosifs factices: bidon de chlorate de soude, flacons de poudres, pain de TNT, cordons détonants, détonateurs pyrotechniques ou chimiques...
Dans une autre, s'alignent des armes de toutes sortes, de la kalachnikov au support d'abat jour transformé en arme à feu en passant par une simple brosse à cheveux au manche rétractable.
Il n'y "a pas de limites dans l'imagination des hommes pour créer des armes", explique à l'AFP Sébastien Caron, directeur général d'ASCT International, spécialisée dans l'audit le conseil et la formation.
"On n'est pas là pour enseigner des méthodologies pour créer un engin explosif improvisé mais pour savoir à quoi ça peut ressembler pour être détecté de manière plus efficace", ajoute-t-il.
Chaque année, une cinquantaine d'élèves passent par ce centre. Divers outils de simulation sont proposés pour la formation pratique des futurs agents: convoyeur à bagages et écran de contrôle, portique et même le fuselage d'un Boeing 737.
Devant une poignée d'élèves, Sylvain Prevost, formateur, soulève l'accoudoir d'un fauteuil et en déploie la tablette: "on peut coller une lame de rasoir à l'intérieur".
La concentration de l'agent de sûreté est essentielle mais il doit aussi savoir faire preuve de maîtrise et de courtoisie, en toutes circonstances, dans un contexte où la gestion du flux des passagers est un autre impératif.
La formation d'agent de sûreté aéroportuaire de 177 heures est sanctionnée par deux examens validés l'un par le ministère de l'Intérieur et l'autre par celui des Transports, le tout étant doublé de plusieurs enquêtes de moralité avant d'accéder à l'emploi.
- 'L'infaillibilité n'existe pas' -
Mais une enquête de moralité "ne vous prémunit pas forcément demain d'une pression sur tel ou tel personnel pour arriver à passer quelque chose", précise M. Caron, en soulignant qu'une complicité (au sein du personnel aéroportuaire) est l'un des maillons de la "vulnérabilité de l'aéroport". Pour cet expert, "l'infaillibilité dans la sûreté n'existe pas".
C'est l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) qui fixe les normes internationales dans le domaine de la sûreté de l'aviation civile et depuis 2002, s'y ajoute une réglementation européenne, a expliqué à l'AFP un porte-parole de la Direction générale de l'aviaton civile (DGAC).
Pour faire face à des menaces particulières, un État peut exiger la mise en place de mesures supplémentaires.
Les attentats du 11-Septembre 2001 ont marqué un "vrai tournant", selon le porte-parole.
Ils avaient été suivis de l'arrestation de Richard Reid qui avait tenté de faire exploser un vol d'American Airlines en y embarquant des explosifs dissimulés dans ses chaussures et un renforcement considérable des dispositifs.
Le contrôle systématique des passagers et de leurs bagages à mains, jusqu'alors pratiqué de façon aléatoire, a été dès lors instauré. En Europe et aux États-Unis, il s'applique également au fret, au courrier, aux personnels navigants ou au sol, ou encore pour l'accès aux zones sensibles dans les aéroports et la qualité du matériel de surveillance.
En 2006, après la découverte d'un complot de trois islamistes qui avaient voulu faire exploser des avions au-dessus de l'Atlantique au moyen d'explosifs liquides, l'UE a interdit de transporter dans les bagages à mains des liquides de plus de 100 ml.
L'intensification des mesures a aussi un coût qui pèse sur le prix du billet. En France, la sûreté des aéroports est financée par la taxe aéroport (TAP), payée par tous les passagers.
Entre 2000 et 2013, les dépenses de sûreté des aéroports ont été multipliées par huit, passant de 90 millions d'euros à 739 millions d'euros, selon une étude publiée en 2014 par le Conseil général de l'environnement et du développement durable.
Mais selon M. Caron, un autre maillon fort de la sûreté, c'est le renseignement grâce auquel "beaucoup de tentatives ou de mises en place sont démantelées en amont".

- © 2015 AFP
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