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Le débat sur une légalisation du cannabis relancé

  • Publié le 12 avril 2016 à 16:20

En se prononçant lundi soir contre la "prohibition", Jean-Marie Le Guen a relancé le débat sur une éventuelle légalisation du cannabis, suscitant aussitôt des accusations de démagogie à droite, au moment où le gouvernement tente de renouer avec les jeunes, mais réveillant surtout de vieilles divisions à gauche.


"Le cannabis est une très mauvaise chose pour la santé publique, en particulier chez les jeunes. Mais la prohibition n'amène pas une diminution de la consommation", a déclaré M. Le Guen, s'exprimant à titre personnel.
La France est l?un des pays les plus concernés en Europe: en 2014, 17 millions de personnes déclaraient avoir déjà pris du cannabis au cours de leur vie et 700.000 en consommaient quotidiennement, selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies.
Souhaitant que "le Parti socialiste ouvre un débat sur la fin de la prohibition du cannabis", M. Le Guen, médecin de profession, s'est prononcé pour "des levées d'interdiction très sélectives: pour les adultes, certainement pas pour les jeunes de moins de 21 ans" et pour un "usage privé".
Le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll est monté au créneau, assurant qu'il n'y avait au gouvernement "aucune piste ni de travail, ni de réflexion" sur une éventuelle légalisation du cannabis.
"Il n'y a pas de dépénalisation du cannabis en vue", a renchéri Najat Vallaud-Belkacem. La ministre de l'Education s'est dite "assez hostile à ce qu'on envoie un signal" montrant "qu'on baisse la garde dans le combat contre les drogues".
Au sein du gouvernement, M. Le Guen a reçu un soutien prudent de l'écologiste Jean-Vincent Placé, opposé à "une illégalité totale", mais pour qui ce n'est pas "le moment de revenir sur ce débat".
- 'Vieilles lunes de gauche' -
La question avait déjà été soulevée dès le début du quinquennat de François Hollande: à l'automne 2012, Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, avait rappelé à l'ordre le ministre de l'Education de l'époque Vincent Peillon, qui avait souhaité un débat sur la dépénalisation.
Quelques mois plus tôt, l'exécutif avait rappelé son opposition sur le sujet, en réaction à une prise de position de l'écologiste Cécile Duflot.
En octobre, c'est le chef de file des députés PS, Bruno Le Roux, proche de François Hollande, qui avait remis la question sur le tapis, souhaitant l'ouverture d'un débat "face à la gangrène du trafic de drogue".
"Il y a aujourd'hui des sensibilités différentes au sein du PS", a reconnu auprès de l'AFP Corinne Narassiguin, porte-parole du PS. "Il y a des positions très divergentes. Manuel Valls est absolument contre, beaucoup de gens considèrent qu'il faut garder cette approche très sécuritaire, d'autres sont sur des positions beaucoup plus ouvertes".
La droite, elle, s'est aussitôt saisie des propos de M. Le Guen pour accuser le gouvernement de démagogie, au lendemain de mesures en faveur des jeunes et sur fond de mobilisation étudiante contre le projet de loi travail.
"Comme par hasard, le même jour, en direction des jeunes, d'un côté 500 millions, de l'autre, regardez, on est ouvert, on est sympa, on propose un débat sur la dépénalisation du cannabis. C'est juste pas sérieux", a dénoncé Benoist Apparu, député Les Républicains.
"Ces temps-ci, j'ai un peu l'impression qu'on assiste à tout le retour des vieilles lunes de gauche. Est-ce que c'est la façon de répondre aux attentes des jeunes?" s'est interrogé Laurent Wauquiez (LR). "Je pense surtout que la légalisation du cannabis serait un signal extrêmement laxiste envoyé à la jeunesse", a estimé François Fillon.
"Le gouvernement tente toutes les promesses et les sorties possibles pour calmer" la colère des jeunes, a lancé aussi le Front national.
Des accusations rejetées par la ministre du Travail Myriam El Khomri, pour qui les propos de M. Le Guen n'ont "strictement rien à voir avec (sa) loi ni par rapport au contexte".
"Qu'on s'interroge sur l'efficacité de notre politique pénale, c'est tout à fait normal et tout le monde le fait, l'ensemble des ministères concernés (...) Mais personne n'est en mesure de dire aujourd'hui quelle est la bonne réponse", confiait-on à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA).

Par Véronique MARTINACHE - © 2016 AFP
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