Certains sont en fauteuil roulant ou en béquille

Une compagnie de danse avec porteurs de handicap

  • Publié le 29 avril 2018 à 02:57
  • Actualisé le 29 avril 2018 à 06:50

Ils sont sept sur la scène. Certains se déplacent en fauteuil roulant ou en béquilles, d'autres sur leurs deux jambes. Tous appartiennent à la compagnie britannique Candoco, des danseurs professionnels, handicapés ou non, qui renouvellent l'idée et la pratique de la danse.

Ce soir-là au théâtre Sadler's Wells de Londres, le public est séduit par les deux performances présentées. L'une, très chorégraphiée, met en valeur l'esthétique de chaque danseur. L'autre, parlée, questionne avec un humour féroce les préjugés sur les différences physiques.

"Cela vous rend très conscient de votre propre corps et de celui des autres", juge David Clarke, un joaillier londonien venu assister à la représentation. "Vous réalisez que l'asymétrie peut être plus belle que la symétrie. Et quand vous voyez ces mouvements, sur une seule jambe, ou avec un seul bras, vous réalisez combien le corps humain est incroyable."

"C'est un travail intéressant à découvrir", estime Diego Torres, un ancien danseur, assis dans le public. "Ce qu'ils arrivent à faire, que les danseurs soient handicapés ou pas, est formidable. On en oublie le handicap." Effacer la distinction imposée par le handicap pour ne faire ressortir que l'aspect artistique de la danse, tel était l'objectif de Celeste Dandeker, 66 ans, lorsqu'elle a co-fondé la compagnie en 1991.

"Je ne voulais pas qu'on nous considère comme un projet thérapeutique, qu'on dise de nous +pour des danseurs handicapés, ils se débrouillent bien+. Je voulais que notre travail, les danseurs, soient excellents", explique-t-elle à l'AFP.

Accident sur scène

Elle-même danseuse, Celeste Dandeker a été victime d'une chute lors d'une représentation en 1973, qui l'a laissée paralysée, contrainte de se déplacer en fauteuil roulant. "Je pensais que je ne pourrais plus jamais danser. A l'époque, les choses étaient très différentes, on ne voyait quasiment jamais une personne en fauteuil à l'extérieur", se remémore-t-elle.

Danseuse puis directrice artistique de la compagnie, Celeste Dandeker a accumulé les prix, jusqu'à être élevée au rang d'Officier de l'ordre de l'Empire britannique par la reine Elizabeth II en 2007, année où elle a passé le relais.

Plus de 25 ans après sa création, Candoco est devenue une solide référence de la danse contemporaine, saluée dans le monde entier pour son travail, et pas pour le handicap de certains de ses membres. Compagnie de répertoire, elle a travaillé avec des grands noms, dont l'Américain Stephen Petronio, le Vénézuélien Javier de Frutos ou le Français Rachid Ouramdane.

Aujourd'hui le groupe, régulièrement renouvelé, poursuit le travail des fondateurs en plaçant les capacités de mouvement différentes de ses sept danseurs, dont quatre présentent un handicap, au coeur de sa créativité.

"C'est grâce à la diversité de nos physiques que nous parvenons à proposer quelque chose de nouveau", souligne Joel Brown, qui danse en fauteuil roulant. Il est paralysé des pieds jusqu'à la poitrine depuis un accident de voiture survenu quand il avait neuf ans.

"Je dois toujours maintenir mon équilibre et c'est très difficile sans maîtriser ses abdominaux. Si je tends un bras devant moi, je vais tomber. Donc mon handicap affecte mes mouvements, mais cela contribue aussi à développer une esthétique."

"Corps parfait"

Nommé co-directeur artistique en janvier 2018, Ben Wright, passé par l'Opéra national de Washington ou encore l'Opéra Comique de Paris, a renouvelé son approche de la danse en travaillant avec Candoco. "Bien que j'aie plus de 30 ans d'expérience dans la danse, j'ai l'impression de devoir démonter tout ce que je pensais acquis", explique le chorégraphe. "C'est une approche enrichissante, quand vous commencez à ouvrir les yeux sur la réalité vécue par les personnes autour de vous. Cela remet en question vos perceptions".

Malgré le succès rencontré par la compagnie, la danseuse française Laura Patay regrette que les personnes présentant un handicap soient toujours si peu visibles dans le domaine culturel. "Il y a eu des progrès, bien sûr, mais il reste énormément de chemin à faire", déplore-t-elle.

Formée au conservatoire de Lyon, elle se souvient avoir toujours été, tout au long de son cursus, "la seule élève" handicapée. Elle présente une agénésie (malformation congénitale) du bras gauche. "La danse évolue, même si elle reste très codifiée par la danse classique, par l'image du corps parfait".

Laura Patay demande aux écoles de danse d'ouvrir leurs portes "à tout le monde". En plus de ses représentations au Royaume-Uni, le travail de la compagnie Candoco sera visible en Allemagne, en Croatie ou aux États-Unis au cours de l'été, ainsi qu'en France, au festival Des Arts / Des Cinés, à Saint-Étienne (centre-est).
 

AFP

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