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Enquêtes et indignation après le décès d'une femme moquée par le Samu de Strasbourg

  • Publié le 9 mai 2018 à 13:01

Le décès en décembre d'une femme de 22 ans moquée au téléphone par une opératrice du Samu à Strasbourg a soulevé un tollé et entraîné l'ouverture d'enquêtes administratives, la ministre de la Santé dénonçant de "graves dysfonctionnements" et les urgentistes un manque de moyens.


Le 29 décembre, la jeune femme, seule à son domicile, souffre de fortes douleurs au ventre et compose un numéro d'urgence pour appeler à l'aide. D'abord transférée vers le centre d'appels des pompiers puis vers celui du Samu, elle obtient pour seule réponse de l'opératrice du Samu, qui prend son appel avec dédain, le conseil d'appeler SOS Médecins.
Au bout de plusieurs heures, Naomi Musenga parvient à joindre les urgences médicales, un appel qui déclenche finalement l'intervention du Samu. Emmenée à l'hôpital, elle est victime d'un infarctus puis transférée en réanimation avant de décéder à 17H30.
La famille de la jeune femme, qui a écrit au procureur de la République de Strasbourg - l'AFP n'est pas parvenue à le joindre mercredi matin -, a obtenu auprès des Hôpitaux l'enregistrement de son appel téléphonique au SAMU.
- "Vous allez mourir, certainement un jour"-
Dans ce document sonore, révélé par le magazine alsacien Heb'di, on l'entend qui peine à s'exprimer et semble à bout de force. "J'ai mal au ventre", "J'ai mal partout", "Je vais mourir...", dit-elle en soupirant.
"Vous allez mourir, certainement un jour comme tout le monde", lui répond l'opératrice, qui la renvoie vers SOS Médecins, retardant le déclenchement des secours.
On entend également les échanges qui précèdent. Naomi est moquée en aparté par l'opératrice qui régule les appels du SAMU et une femme du Centre de traitement des alertes (CTA) des pompiers du Bas-Rhin.
"- La dame que j'ai au bout du fil, elle m'a dit, elle va mourir. Si, ça s'entend, elle va mourir.
- Allez, donne-moi le numéro (...)
- C'est sûr qu'elle va mourir un jour, c'est certain, comme tout le monde".
Selon le journal Le Monde qui cite le rapport d?autopsie, Naomi Musenga a succombé à l'hôpital des suites d?une "défaillance multiviscérale sur choc hémorragique": plusieurs organes ont cessé de fonctionner.
- Enquêtes de l'hôpital et de l'Igas -
"La première analyse plaide pour une procédure de traitement d'appels qui n'est pas conforme aux bonnes pratiques, ce qui a conduit à l'ouverture d'une enquête administrative", a indiqué à l'AFP Christophe Gautier, directeur général des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS).
Le responsable des HUS a ouvert cette enquête le 2 mai, à la suite de la parution de l'article d'Heb'di, et se donne trois semaines pour la mener à bien.
Le jeudi 3 mai, Christophe Gautier a reçu les membres de la famille de la victime "pour leur faire part de la totale compassion de l'institution" et leur annoncer l'ouverture de cette enquête. "Nous leur devons la totale vérité sur les conditions de prise en charge par le SAMU", a affirmé M. Gautier, qui dit se tenir aussi "à disposition des autorités judiciaires".
En attendant l'issue de l'enquête, l'opératrice concernée a été affectée à un autre service, "de façon à ce qu'elle ne soit plus sur un rôle de réponse aux patients".
"Profondément indignée par les circonstances du décès", la ministre de la Santé Agnès Buzyn à tenu sur Twitter "à assurer sa famille de (son) entier soutien".
Elle annonce avoir demandé une enquête de l'Igas (Inspection générale des affaires sociales) "sur ces graves dysfonctionnements", s'engageant à ce que la famille "obtienne toutes les informations". "Une réunion à ce sujet se tiendra dans les jours qui viennent au ministère", ajoute Mme Buzyn.
Dans un communiqué commun, deux organisations de médecin urgentistes ont demandé mardi "un rendez-vous immédiat" avec la ministre de la Santé "pour trouver des solutions aux problèmes de régulation médicale afin qu'un tel drame ne se reproduise pas".
"Les moyens doivent être mis en place pour avoir des régulations médicales modernes et répondant à des critères de qualité", insistent l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF) et Samu urgences de France (SUDF).
"Ce n'est pas un problème récurrent. Nous sommes fort heureusement dans un épisode rarissime", assure pour sa part le directeur général des hôpitaux universitaires de Strasbourg.

Par Jean-François GUYOT, Sophie LAUBIE - © 2018 AFP
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