Culture

Sur la scène d'Avignon 2018, la réalité crève la scène

  • Publié le 20 juillet 2018 à 18:13
  • Actualisé le 20 juillet 2018 à 19:02

Témoignages de trans, fait divers transposé sur scène, prisonniers jouant Antigone: le Festival d'Avignon 2018 a fait la part belle à la réalité la plus crue, de la cause LGBT à la politique.

Le sacre de Milo Rau

"Un triomphe": "La Reprise" du Suisse Milo Rau a conquis la critique pour sa mise en scène à la fois subtile et réaliste du meurtre brutal d'un homosexuel à Liège en 2012. Le metteur en scène de formation sociologique a présenté une pièce qui explore "les limites du supportable" et qui est tout aussi radicale que son récent manifeste sur le théâtre.

"Apocalype now"

Cette édition, c'était un peu "50 nuances de noir". A commencer par le jeune français Thomas Jolly qui à la Cour d'honneur a mis en scène le monstrueux "Thyeste" de Sénèque, remplissant d'effroi, avec peu d'effets visuels, en montant cette histoire d'un roi qui mange la chair de ses propres enfants.

Toujours dans le glauque, le grand metteur en scène Ivo van Hove est revenu avec une autre tragédie familiale, "Les choses qui passent", deux ans après le succès des "Damnés". Mais le maître belge n'a pas entièrement convaincu: "trop de tragédie tuerait-elle la tragédie?", s'est demandé Le Monde. L'autre star belge du festival, Anne-Cécile Vandalem, a donné dans "Arctique" une vision cauchemardesque de l'avenir avec un thriller écolo-politique situé en 2025.

Seule "comédie" au tableau: le "Tartiufas" déjanté du Lituanien Oskaras Korsunovas qui y tacle Donald Trump et Vladimir Poutine, les Tartuffes des temps modernes selon lui. Cette porosité entre le réel et la fiction est présente aussi dans l'"Antigone" d'Olivier Py, jouée des prisonniers qui ont reçu une standing-ovation.

Spectacles pro-LGBT

C'est certainement le festival le plus "queer" de son histoire, de "Saison sèche" de l'artiste transgenre Phia Ménard aux personnages androgynes dans "Romances inciertos, un autre Orlando". "On n?a pas besoin d?un pénis pour être un homme", est l'une des phrases choc de "Trans (més enllà)", où sept trans ont témoigné de leur transition dans l'un des spectacles les plus applaudis du festival.

"Il pourra toujours dire que c'est pour l'amour du prophète" de Gurshad Shaheman, expose également dans le style témoignage la souffrance de réfugiés LGBT. La bailaora Rocio Molina a dansé enceinte dans "Grito Pelao", un spectacle flamenco né du désir de cette artiste lesbienne de faire un enfant seule.

Du Caire à Téhéran

La satire est reine dans les pièces de l'Iranien Amir Reza Koohestani, qui critique dans "Summerless" la mercantilisation du système éducatif dans son pays, tandis que l'Egyptien Ahmed el Attar peint la reproduction du machisme à travers l'histoire d'une famille cairote. Le Libanais Ali Chahrour, lui, s'est inspiré de la mythologie et des rites moyenorientaux pour chorégraphier une danse avec la mort.

10 heures de solitude

C'est un habitué des pièces long cours, mais dans "Joueurs, Mao II, Les Noms", le Français Julien Gosselin a divisé la critique avec son adaptation de trois romans de l'écrivain Don DeLillo... en 10 heures. En grande partie sur grand écran. Une "expérience inouïe" pour les uns, "éprouvante" pour les autres.

Danse et politique

Dans "Kreatur", la chorégraphe allemande Sasha Waltz, indignée de la politique migratoire de son pays, présente une métaphore du désespoir des réfugiés, et dans "Story Water", l'Israélien Emanuel Gat a créé la surprise en projetant des statistiques effroyables sur la situation à Gaza.

Où sont les femmes?

De l'aveu d'un rapport gouvernemental, les spectacles écrits par des femmes représentent 24% et et les pièces mises en scène, 34%. Au cours du feuilleton théâtral confié à David Bobée, cette sous-représentation a été dénoncée. Au festival, l'une des rares pièces mises en scène par une femme, l'"Iphigénie" de Chloé Dabert, a été un véritable flop selon la presse.

"Free Kirill"

Un appel a été lancé durant le festival à la remise en liberté du metteur en scène et cinéaste russe Kirill Serebrennikov, assigné à résidence depuis un an à Moscou. Une mesure prolongée d'un mois mercredi.
 

- © 2018 AFP

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