Compagnie aérienne

Air France-KLM: les Pays-Bas entrent au capital mettant les tensions au grand jour

  • Publié le 27 février 2019 à 15:35
  • Actualisé le 27 février 2019 à 15:43

Les tensions entre les deux compagnies soeurs Air France et KLM ont éclaté au grand jour avec la prise de participation surprise des Pays-Bas au capital du groupe, témoignant, selon les Néerlandais, d'un sentiment d'être les laissés-pour-compte de la stratégie du groupe.

Un conseil d'administration du groupe franco-néerlandais Air France-KLM doit se tenir mercredi à la mi-journée, selon une source proche du dossier, au lendemain de l'annonce par le gouvernement néerlandais d'une prise de participation à hauteur de 12,68% dans Air France-KLM. La Haye a déjà dit avoir pour objectif d'arriver à une position équivalente à celle de l'Etat français qui détient 14,3% du groupe.

"La position de KLM s'est sans cesse érodée ces derniers mois", a fait valoir le ministre néerlandais des Finances, Wopke Hoekstra, lors d'une conférence de presse à La Haye mardi soir. Pour le quotidien de référence néerlandais De Volkskrant, le gouvernement s'est senti contraint à investir dans le capital de la compagnie car il s'est rendu compte que son influence au sein d'Air France-KLM était insuffisante pour protéger les intérêts nationaux, à savoir la bonne santé financière de l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol.

Selon les analystes de la Société Générale, cette opération "est probablement positive pour la concurrence au sein du groupe (c'est-à-dire qu'elle met la pression sur Air France pour améliorer sa rentabilité, moins forte que celle de KLM, ndlr) mais pourrait aboutir à une escalade de tensions, la compagnie devenant encore plus politique". "Le gouvernement néerlandais va maintenant demander une représentation au conseil d'administration", ajoutent-ils.
Selon M. Hoekstra, cela faisait plusieurs années que l'Etat néerlandais réfléchissait à entrer dans le capital d'Air France-KLM en raison d'importants doutes sur la stratégie de la compagnie.

Jusqu'ici, le capital était détenu par l'Etat français (14,3%), Delta Air lines (8,80%), China Airlines (8,80%), les employés (3,90%) et près de 64% des parts étaient aux mains d'actionnaires non identifiés.

- "Un coup politique" -

Pour Bernard Garbiso, secrétaire général de la CFE-CGC coté Air France, "la prise de position de l'Etat (néerlandais, NDLR) montre un certain chauvinisme néerlandais sur KLM. C'est un coup politique. Ce n'est pas un bon d'avoir KLM qui veut prendre le pouvoir sur Air France". "Il ne faut pas oublier qu'à une époque, Air France a permis de sauver KLM. C'est une ingérence compliquée, ce n'est pas correct de ne pas avoir prévenu l'Etat français officiellement, même si c'est très très surprenant que l'Etat (français) ait pu se faire surprendre".

Pour le syndicat CFDT Air France, la montée au capital "en catimini" de l'Etat néerlandais montre qu'il "entend peser sur les choix stratégiques" du groupe et suscite des interrogations sur "des divergences et des conceptions différentes de l'avenir" au sein de l'ensemble. L'opération a provoqué l'irritation du gouvernement français, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire regrettant qu'elle se soit "faite sans information du conseil d'administration (du groupe) ni du gouvernement français".
La question d'une croissance équilibrée des deux compagnies est régulièrement revenue sur la table depuis la fusion d'Air France et KLM en 2004, la Néerlandaise progressant sagement, sa soeur française étant secouée régulièrement par des conflits sociaux.

L'irruption des Pays-Bas au sein du capital intervient également après une période de fortes tensions autour du renouvellement du mandat de Pieter Elbers, PDG de KLM depuis 2011.

La résistance des Néerlandais à l'entrée au conseil de surveillance de KLM du nouveau PDG du groupe, le Canadien Benjamin Smith aux commandes depuis septembre, avait mis le feu au poudre.

Les frictions semblaient s'être apaisées le 19 février, M. Elbers ayant reçu confirmation de la reconduction de son mandat. Il avait en outre été nommé directeur général adjoint du groupe au côté d'Anne Rigail, directrice générale d'Air France-KLM. Mais derrière les questions de gouvernance, c'est aussi l'avenir de la plateforme de correspondance de Schiphol qui se joue.

Le gouvernement néerlandais craint qu'à terme, une grande partie des vols de KLM ne soit transférée à Paris, ce qui ferait perdre à l'aéroport de Schiphol sa fonction de hub, selon la ministre de l'Infrastructure néerlandaise Cora van Nieuwenhuizen.
 

AFP

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