Polémique

Un projet d'autoroute hérisse les défenseurs de l'environnement en Camargue

  • Publié le 2 mars 2019 à 20:05
  • Actualisé le 2 mars 2019 à 20:59

Relancé par le gouvernement, un projet de contournement autoroutier pour désengorger la ville d'Arles et y réduire la pollution de l'air hérisse les écologistes, qui redoutent l'impact sur les terres agricoles et les écosystèmes aux portes de la Camargue.

Chaque jour, la cité provençale prisée des touristes pour sa feria et son festival de photographie est empoisonnée par les gaz d'échappement de 80.000 véhicules en transit. Parmi eux, des milliers de camions qui relient l'Espagne à l'Italie : à la hauteur d'Arles, sur 13 kilomètres, l'axe autoroutier Barcelone-Gênes s'interrompt, converti en voie rapide, la N113.

Évoqué depuis au moins un quart de siècle et plusieurs fois enterré, le projet de contournement autoroutier, baptisé A54, a été relancé fin 2018 par le gouvernement, dans une liste de "grands projets" d'infrastructures à mener à bien malgré la disette budgétaire. Des études ont été lancées pour réactualiser le projet.
Très soutenu localement, des milieux économiques à la mairie communiste, le projet fait cependant bondir des associations écologistes qui tentent de protéger les équilibres fragiles d'une zone unique, entre le parc régional de Camargue, la plus vaste zone humide d'Europe, et la plaine de la Crau, steppe de 25.000 hectares.
Vendredi, ils ont reçu l'appui de deux eurodéputés EELV, José Bové et Michèle Rivasi, venus dénoncer un projet qu'ils estiment "dévastateur, polluant et climaticide".
"Ce contournement, c'est 900 hectares de terres agricoles perdues, dont 700 hectares de terres arables !", s'alarme Mme Rivasi. "Faire cette autoroute, c'est montrer qu'on n'a rien compris au changement climatique", ajoute-t-elle, contemplant depuis un pont la plaine déjà balafrée par la voie rapide et une voie ferrée.

Entrepôts gigantesques

Cigognes, canards, flamants roses et tortues du parc régional de Camargue devront voisiner avec les camions, dénoncent les détracteurs du projet, qui craignent une hausse du trafic.
"On ne passe pas au milieu du delta" du Rhône, rétorque Jean-Luc Masson, élu d'Arles qui préside l'entité chargée de veiller sur les digues du fleuve. Le périmètre du parc régional a été rogné pour le "rendre compatible" avec le projet, précise-t-il.

Pour tenter de mobiliser, l'ancien leader paysan José Bové évoque le contournement autoroutier de Strasbourg (GCO), "un projet qui ressemble comme deux gouttes d'eau" à celui d'Arles. Ses travaux ont été en partie suspendus par la justice après une mobilisation des écologistes.
"Le président de la République doit appliquer sa promesse", faite cette année au Salon de l'Agriculture, de "rompre" avec l'artificialisation des terres agricoles, et renoncer à cette autoroute, lance-t-il.

A la place, les écologistes plaident pour un contournement de la ville, "où les gens souffrent des particules fines", par une route simple. Et les camions en transit international doivent être déviés sur les autoroutes existantes, l'A7 et l'A9, un détour de 30 km que l'Etat peut imposer "sans que ça ne coûte un euro", selon M. Bové.
La proposition fait soupirer la députée LREM Monica Michel, dans sa permanence arlésienne. "Je suis très fière de porter ce projet qui apportera du bien-être aux habitants, notamment des quartiers populaires", qui donnent sur la voie rapide, explique-t-elle.

Dans une ville avec 15% de chômeurs, "je suis tout à fait pour ce qui peut développer l'emploi". "Je suis très consciente de la nécessité de protéger l'environnement mais on ne peut pas oublier que des gens souffrent de chômage et de pauvreté", ajoute-t-elle.
Une réponse aux écologistes qui dénoncent le développement d'immenses entrepôts d'Amazon, Zara ou Castorama, sur des terres agricoles de la plaine de la Crau. Atteignant parfois 100.000 mètres carrés chacun, ils drainent un important trafic de poids lourds.

AFP

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