Souvent en avance sur la réglementation

Daniel Cueff, vingt ans de combat d'un maire rural au service de l'écologie

  • Publié le 27 août 2019 à 16:53
  • Actualisé le 27 août 2019 à 17:11

Maire écolo non encarté adepte d'une "écologie de l'action", Daniel Cueff expérimente depuis 20 ans dans le village breton de Langouët des réalisations "vertes" souvent en avance sur la réglementation. Depuis son arrêté anti-pesticides en mai, il fait figure de fer de lance de la lutte contre les produits phytosanitaires.

A 64 ans, ce natif du Pays léonard (Finistère), décrit comme "humble et discret", se serait bien passé de la soudaine notoriété occasionnée par sa décision d'interdire l'épandage de pesticides de synthèse à moins de 150 mètres des habitations, suspendu mardi par le juge des référés. "Quand j'ai pris en 2016 un arrêté interdisant les pesticides tueurs d'abeilles dans un rayon de trois kilomètres autour des ruches, ça n'avait posé aucun problème", se souvient-il.

Mais cette fois, c'est l'agriculture conventionnelle, dont il souhaite "voir évoluer les pratiques", qui est visée. "C'est un homme de forte conviction et audacieux", assure le sénateur écologiste du Morbihan Joël Labbé, auteur de la loi éponyme interdisant les pesticides pour les collectivités et les particuliers.

Fils d'un infirmier de l'armée, marié, père de deux garçons, Daniel Cueff raconte s'être éveillé à l'écologie lors de la lutte contre l'implantation d'une centrale nucléaire à Plogoff (Finistère) il y a 40 ans. "J'ai été époustouflé de voir comment un État pouvait imposer son point de vue à une population qui ne voulait pas d'une centrale nucléaire dans l'un des plus beaux sites du monde, la Pointe du Raz", se souvient-il.

Ancien maître de conférences associé en sciences de l?Éducation à Rennes 1, le Finistérien a auparavant longtemps dirigé, pour le compte de l'ONG qu'il a créée, un programme européen d'aide aux enfants des rues en Pologne. "On a toujours mélangé travail et militantisme", témoigne sa femme, Marie B. Masselin, pour qui "Daniel a toujours ?uvré pour protéger les plus démunis". "C'est un humaniste et un militant pragmatique, qui bosse ses dossiers et veut le compromis sans compromission", renchérit René Louail, ex-conseiller régional EELV.

- "Homme libre" -

Élu conseiller régional en 2010 sur la liste "Bretagne écologie" aux côtés de Jean-Yves Le Drian, dont il assure aujourd'hui ne pas comprendre l'engagement macroniste et à qui il reproche "le renoncement à une véritable régionalisation", Daniel Cueff devient parallèlement président de l'Etablissement public foncier de Bretagne, au sein duquel il combat farouchement l'étalement urbain.

Électron libre en politique, il fait un bref passage chez les Verts mais s'aperçoit vite qu'il ne peut pas passer son temps "à gérer des conflits internes". "Un parti c'est très enfermant", explique-t-il, disant préférer "l'écologie de l'action". "C'est un homme libre", plaide Matthieu Theurier, coprésident du groupe écologiste à Rennes, qui apprécie chez lui "l'alliance entre l'environnement et le social".

A Langouët, "commune écologique bretonne" qui l'a réélu trois fois, il fait d'abord du développement durable l'horizon de sa politique, avant de s'orienter vers l'économie circulaire, sans jamais être certain à l'avance de la façon d'atteindre l'ambitieux objectif. "C'est une main de velours dans un gant de fer. Il est ferme sur l'objectif à atteindre, juge non négociable la protection de la santé, mais laisse libre sur les moyens d'y parvenir", estime Mikaël Laurent, son interlocuteur au sein du réseau de communes écologiques "Bruded".

Cantine 100% bio et locale dès 2004, abandon du désherbage chimique en 1999, bâtiments communaux qui produisent plus d'électricité solaire qu'ils n'en consomment, éco-hameaux, service public d'autoproduction d'énergie renouvelable, etc... "Il est à la pointe alors qu'il devrait être la règle", assure David Thomas, membre du comité de soutien. Le 22 août devant le tribunal, nombre de Langouëtiens sont venus le soutenir et le remercier.

Certains, notamment agriculteurs, fustigent pourtant "l'absence de concertation avant l'arrêté". Interrogé, Daniel Cueff reconnaît avoir prévenu son conseil municipal "48H00 avant". "Les débats allaient entraîner des renoncements et certains auraient subi des pressions", justifie celui qui a reçu en trois mois "des milliers de messages de soutien". "On a besoin de ce type d'élus pour forcer le monde politique à évoluer", défend Joël Labbé.

AFP

guest
0 Commentaires