Conditions de vie très pénibles

Dans le camp de Chios, le dur quotidien des femmes migrantes

  • Publié le 12 décembre 2019 à 11:15
  • Actualisé le 12 décembre 2019 à 11:17

Pieds dans la boue, sous une bâche plastique à côté des poubelles bondées du camp, sur l'île grecque de Chios, Merziyeh Eskandari, une jeune Afghane de 18 ans, ne s'attendait pas à affronter un quotidien aussi pénible.

Faire la queue pour aller aux toilettes "qui puent", obtenir deux bouteilles d'eau ou une portion du riz, et puis dormir dans le froid, sans eau ou électricité. Le camp de Vial sur l'île de Chios n'a que 1.000 places mais près de 5.000 demandeurs d'asile y vivent actuellement dans des conditions insalubres, y compris ceux qui, comme Merziyeh, campent dans les champs d'oliviers voisins.

Pour se chauffer ou cuisiner, les familles coupent les branches d'oliviers et font du feu dans un seau métallique. Un fossé devant leurs tentes sert à faire la vaisselle ou à se laver le matin. L'odeur de la fumée, des eaux insalubres et des déchets plane dans le camp.

Outre le manque d'hygiène, "l'insécurité, surtout pendant la nuit, est souvent mentionnée par les femmes", rapporte le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR). Dans le camp improvisé, cohabitent hommes seuls de diverses nationalités, adolescentes ou femmes âgées ou enceintes.

L'ONG Human Rights Watch a récemment tiré la sonnette d'alarme, appelant le gouvernement grec à "agir immédiatement pour assurer des conditions sûres et humaines pour les femmes et les filles" dans les camps des îles grecques. L'organisation humanitaire a exhorté les autorités à "identifier les personnes vulnérables, y compris les femmes enceintes et les jeunes mères, les rescapées de violences sexuelles ou d'autres violences graves", les mères isolées et les handicapées pour leur proposer des logements appropriés.

- "Aller aux toilettes la nuit" -

Car "le simple fait d'aller aux toilettes apparaît trop risqué pour les femmes et les filles", a déclaré Hillary Margolis, une responsable de HRW, dans le rapport de l'ONG sur les conditions des femmes au camp de Moria, sur l'île de Lesbos. Zubaida, une Afghane de Moria, a même raconté au HRW "arrêter de boire du thé après 18H00 pour ne pas devoir aller aux toilettes la nuit" de peur d'être "violée".

"La nuit, on doit aller aux toilettes à trois ou quatre femmes ensemble, car on a peur des hommes ivres", explique aussi à l'AFP Amino Abduhahi Ahmat, une Somalienne de Chios.

A Chios, comme à Lesbos et Samos, pour parer à la surpopulation et aux conditions insalubres des camps, le gouvernement grec a promis de transférer 20.000 personnes en Grèce continentale d'ici la fin de l'année. Mais "le flux (des nouvelles arrivées) est beaucoup plus grand que le nombre de transferts effectués, et les conditions dans le camp restent extrêmement difficiles", déclare à l'AFP Lida Lakka, responsable du HCR à Chios. "Les gens vivent dans des tentes qui sont prévues pour l'été", la pluie et le froid y pénètrent facilement, souligne-t-elle.

Mais pour Merziyeh, malgré des conditions ardues, les "problèmes ici ne sont pas aussi importants" qu'en Afghanistan. Pour fuir son pays en guerre, la jeune femme a laissé son mari avant de prendre la route avec ses parents et ses deux jeunes soeurs. Leur voyage a duré près d'un an: un mois de prison en Turquie et "six ou sept tentatives" avant de réussir à traverser les six milles nautiques qui séparent Chios des côtes occidentales turques.

Avec l'objectif de "vivre mieux et en paix", renchérit Jawahier, sa compatriote de 34 ans qui s'occupait de l'emploi des femmes en Afghanistan et a été menacée par les talibans. "Nous voulons sauver nos corps, peu importe le pays où nous allons", confie-t-elle.

AFP

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