Fonds monétaire international

Une mission du FMI en Argentine pour discuter d'une restructuration de la dette

  • Publié le 13 février 2020 à 05:22
  • Actualisé le 13 février 2020 à 05:42

Une mission du Fonds monétaire international (FMI) est arrivée mercredi en Argentine pour discuter d'une restructuration de la dette contractée auprès de l'organisme, un rééchelonnement présenté comme indispensable par le président Alberto Fernandez pour sortir son pays de l'ornière.

Il s'agit de la première mission du FMI depuis la prise de fonctions du nouveau chef de l'Etat en décembre, en remplacement du libéral Mauricio Macri (2015-2019) qui avait négocié un prêt de 57 milliards de dollars avec l'organisme. "Ce sera une opportunité d'en savoir davantage sur la stratégie des autorités concernant la dette argentine", a déclaré à l'AFP un porte-parole du FMI à Washington. La mission doit durer jusqu'au 19 février.

Pour le nouveau président, un péroniste de centre-gauche, la dette n'est pas remboursable tant que le pays, touché de plein fouet par l'inflation, le chômage, l'augmentation de la pauvreté et la récession économique, ne retrouve pas le chemin de la croissance. Pour cela, il demande aux créanciers des délais pour rembourser.

Le gouvernement cherche ainsi à renégocier avec les organismes multilatéraux et les détenteurs d'obligations privés un total de 195 milliards de dollars (57% du PIB), dont 44 milliards décaissés par le FMI.

L'Argentine n'a en effet touché que 44 milliards sur le total du prêt du FMI: face à l'approfondissement de la crise, Alberto Fernandez avait rapidement annoncé que son pays renonçait à la dernière tranche du prêt. Quelque 6.000 personnes se sont rassemblées mercredi devant le Congrès à Buenos Aires pour protester au son des tambours contre l'arrivée de la mission du FMI en scandant "Le Fonds, dégage!".

Pour Marcelo Rodriguez, 55 ans, un professeur universitaire qui participait à la manifestation, la légitimité de la dette de l'Argentine est discutable. "Une grande partie des fonds" arrivés en Argentine et dont le remboursement est attendu "ont été virés à l'étranger", a-t-il dit. "Avant toute négociation sur le paiement de la dette, il faut enquêter sur sa légitimité".

Parallèlement à l'arrivée de la mission, le ministre de l'Economie Martin Guzman présentait mercredi devant le Parlement la stratégie économique du gouvernement. "Aujourd'hui, le pays fait face à une charge de la dette qui l'empêche de sortir de la spirale de la récession", a-t-il déclaré. M. Guzman a déjà rencontré à plusieurs reprises des représentants du FMI, et Alberto Fernandez vient d'achever une tournée européenne pour obtenir des soutiens en faveur d'une restructuration. Jusque-là, le gouvernement argentin et le FMI se sont dits satisfaits de leurs échanges.

"Le changement de direction au FMI a été quelque peu rafraîchissant. Bien qu'il y ait encore du chemin à parcourir, il y a une compréhension mutuelle croissante", a poursuivi M. Guzman, dans une allusion à la nouvelle directrice Kristalina Georgieva. Toutefois, le ministre a estimé que la question de la viabilité de la dette n'était pas assez prise en compte et que dans la crise actuelle, "l'Argentine a une responsabilité, les détenteurs d'obligations ont une responsabilité et le FMI a une responsabilité".

- "Pas de restructuration directe" -

Ex-directeur du FMI, Claudio Loser a estimé auprès de l'AFP qu'"il n'y aura pas de restructuration directe avec le FMI ou la Banque mondiale, mais qu'il y aura probablement de nouveaux prêts pour couvrir les obligations". "Dans le cas du FMI, cela ne peut être fait que si l'Argentine accepte un programme de trois ans avec des paiements sur dix ans. Cela devrait être discuté", a-t-il ajouté.

"Le FMI montre de bonnes dispositions parce qu'il veut être payé et aussi parce qu'il a contribué en partie à cette situation", estime Hector Rubini, économiste de l'Université del Salvador de Buenos Aires, en référence au prêt de 57 milliards de dollars, le plus important jamais accordé à un pays par l'organisme financier.

Face à la fermeture des marchés, le gouvernement argentin doit faire vite pour parvenir à un accord d'ici le 31 mars, car les échéances de paiement deviendraient alors difficiles à supporter.

Pour l'économiste Marina Dal Poggetto, de la société EcoGo, "il y a de la marge pour une négociation gagnant-gagnant, mais le problème c'est qu'elle traîne en longueur". "Le meilleur accord est celui qui intervient rapidement", estime-t-elle. Pour 2020, les remboursements de capital et d'intérêts atteignent 34,3 milliards de dollars. Ils vont représenter au cours des quatre prochaines années quelque 200 milliards de dollars, selon M. Rubini.

Les réserves internationales de l'Argentine sont actuellement de 44,68 milliards de dollars. Buenos Aires propose de présenter son offre de rééchelonnement aux créanciers mi-mars. "La négociation est simultanée avec le FMI et avec les détenteurs d'obligations (...) A un moment, il va falloir qu'ils se rencontrent tous : les autorités argentines, les techniciens du FMI et les groupes de créanciers", souligne M. Rubini.

L'Argentine, qui a connu en 2001 un défaut de paiement historique de 100 milliards de dollars, lutte pour éloigner le spectre du défaut. Mardi, le gouvernement a annoncé le report au 30 septembre du paiement d'une double obligation émise en 2018 et qui arrivait à échéance jeudi, après l'échec d'un échange avec d'autres titres et celui d'un nouvel emprunt obligataire.

AFP

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