Covid-19

A Lyon, les services du "15" dans l'oeil du cyclone

  • Publié le 20 mars 2020 à 16:57
  • Actualisé le 20 mars 2020 à 17:03

Aux services du "15" de l'Hôpital Edouard Herriot de Lyon, une première flambée d'appels due au nouveau coronavirus a enfin été digérée, mais en dépit de la solidarité et des efforts déployés, ses responsables redoutent l'inéluctable tempête à venir.

Dans les sous-sols du bâtiment R, le centre d'appel du SAMU-Centre 15 de Lyon baigne dans une forme d'effervescence contenue. Pas d'éclat de voix, pas de sonneries stridentes, mais les agents masqués, rivés à leurs écrans, ne relâchent pas leur attention appel après appel.

"C'est en quelque sorte le calme avant la tempête. Dans le Rhône, on n'a pas encore connu la montée en gravité, comme à Mulhouse ou Colmar, mais on s'y attend. C'est trop tard pour arrêter l'épidémie; on espère juste que le pic sera progressif pour nous permettre de prendre en charge tout le monde", constate le Pr Pierre-Yves Gueugniaud, directeur du centre.

Au début de la crise du coronavirus il y a une quinzaine de jours, le centre du "15" hébergé dans le deuxième CHU de France a croulé sous une hausse brutale de l'activité et des temps d'attente, conduisant le service à parer au plus pressé en appelant des renforts parmi les internes, externes et médecins d'Edouard-Herriot et des Hospices civils de Lyon.

L'apparition du virus en France "a généré un nombre d'appels auxquels on n'était pas habitué et on a eu du mal à faire face. Mais on est monté petit à petit en puissance. Là, on arrive à décrocher sans temps d'attente trop long", explique Nacer Mehiaoui, l'un des assistants de régulation médicale (ARM) qui orientent les appels vers les médecins ou les secours.

"Habituellement, on peut dire qu'on pilote un destroyer, mais on est désormais passé au porte-avions", compare le Pr Gueugniaud. Car là où 15 à 18 postes sont habituellement actifs, "ce sont désormais une cinquantaine de sièges opérationnels, occupés quasiment en continu, pour digérer cette énorme activité, avec aujourd'hui moins d'une minute d'attente en moyenne".

- Des nuits "très courtes" -

A Lyon comme ailleurs, des consultations, hospitalisations et opérations chirurgicales non urgentes ont été reportées, permettant l'afflux de médecins et chirurgiens volontaires au "15".

"Soixante médecins de diverses spécialités sont déjà venus nous renforcer et on en a encore environ 200 en réserve", se félicite le Pr Gueugniaud. Un total de 120 lignes téléphoniques ont également été ajoutées aux serveurs du "15", en plus des 60 préexistantes, pour répondre à une demande qui commence à se stabiliser après un dernier pic de 4.000 appels pour la seule journée du 13 mars, soit quatre fois l'activité habituelle d'un vendredi.

Mercredi, 2.400 appels ont été comptabilisés, un rythme toujours bien supérieur à la normale mais qui est pris en charge sans difficulté. Il semble notamment que les exhortations du gouvernement à n'appeler le "15" que pour les urgences ait été entendu. Selon le Pr Gueugniaud, les demandes de renseignements et sollicitations fantaisistes ne représentent maintenant que 15 à 20% des appels. Il note aussi "une prise en main plus importante de la médecine de ville".

A l'extérieur du bâtiment, des ambulanciers protégés de la tête aux pieds s'affairent à désinfecter leur véhicule, après avoir transporté un "cas suspect" de nouveau coronavirus. Chaque jour dans le Rhône, environ 70 ambulances du Samu-Smur ou privées interviennent pour des malades suspects ou confirmés et doivent passer par l'hôpital pour désinfection.

Une opération "chronophage mais nécessaire", confie à l'AFP l'un d'entre eux en retirant ses gants, prêt à repartir. C'est François Montrocher, enseignant de 50 ans au Centre d'enseignement des soins d'urgence (Cesu) de Lyon, qui vient avec des étudiants préparer des kits de protection pour les infirmiers. "Toutes les bonnes volontés sont bienvenues", rigole-t-il en empaquetant une blouse.

Mais malgré l'ambiance en apparence détendue, la fatigue commence à pointer. "Depuis 15 jours, chacun a une activité largement augmentée: on double les heures facilement", souligne le Pr Gueugniaud.

"Les nuits sont très courtes. On oublie ce qu'est une vraie nuit ou un vrai week-end, mais globalement on tient le coup grâce à la vraie collaboration médicale et aux soutiens extérieurs", poursuit-il, avant de mentionner, amusé, les livraisons inopinées et répétées de pizzas gratuites au "15"...

AFP

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