Coronavirus

"Un coup de main à la nation": des couturiers sans-papiers fabriquent des masques

  • Publié le 6 avril 2020 à 22:26
  • Actualisé le 6 avril 2020 à 22:46

Dans la salle, les chants chrétiens émanant d'un smartphone couvrent le bruit du fer à repasser et des ciseaux. Pour "sauver des vies" du coronavirus et "renvoyer l'ascenseur" à leur centre d'hébergement parisien, des couturiers sans-papiers confectionnent des masques par centaines.

"Je me suis demandé ce que je pouvais faire pour aider, car j'ai vu que le coronavirus tue beaucoup. Comme je suis couturier de base, j'ai pensé que j'allais faire des masques et apporter de quoi sauver des vies", explique à l'AFP Jonson, un Ivoirien de 32 ans à l'origine de l'initiative, dans un centre d'hébergement d'urgence de la Fondation Armée du Salut.

Depuis mardi dernier, avec d'autres étrangers en situation irrégulière, le petit atelier improvisé au sous-sol produit 500 masques en tissu par jour, distribués aux bénévoles de l'association qui s'en servent lors des distributions alimentaires à destination des plus démunis. Une aubaine, en ces temps de pénurie.

Ce lundi matin, l'équipe de trois personnes a démarré à 10h00, et des dizaines de masques, stérilisés, ont déjà été placés dans des sacs de congélation, prêts à l'emploi. "On veut porter secours aux autres, comme le font les médecins. On donne un coup de main à la nation. Le président (Macron) a dit +on est en guerre+. Alors voilà, c'est notre pierre à l'édifice", abonde Florence, Camerounaise de 39 ans à travers un épais masque blanc.

"Ca permet aussi de vous évader, pendant le confinement", poursuit-elle, boubou vert et foulard assorti noué autour de la tête, en découpant un à un les fils qui dépassent du tissu.

- Du bénévolat à l'emploi ? -

L'étoffe, blanche à lignes roses, a été récupérée par l'Armée du Salut en banlieue lyonnaise. Avec une large bande, les trois volontaires du jour pourront confectionner un demi-millier de protections.

Les nouvelles recommandations du gouvernement, qui préconise désormais à la population de porter des masques en tissu, "tombe bien", se félicite Marie-France Beretti, directrice du centre. "Il est difficile de se fournir, le secteur social n'est pas prioritaire", rappelle-t-elle. "Comme tout le monde nous manquons de masques pour nos personnels, nos bénévoles et pour les personnes fragiles que nous accueillons ou que nous sommes amenés à rencontrer", précise-t-on à l'Armée du Salut.

La table à repasser et la machine à coudre remplaceront donc les téléphones et le rétroprojecteur de la salle de réunion "tant que ces personnes seront volontaires", ajoute Mme Beretti. "L'Armée du Salut, c'est mon meilleur hôtel, alors si je peux les aider, je les aide. Je leur renvoie l'ascenseur", souligne Nayana, jeune femme originaire du Sri Lanka, dans un mélange de français et d'anglais.

Du temps où elle était en situation régulière, Nayana officiait comme couturière "pour Chanel et Dior" dans un atelier parisien où elle "travaillai(t) à la main les broderies, les boutons". Aujourd'hui, elle veut "faire les meilleurs masques" possibles.

Reprendre du service, cela donne aussi "des idées, comme travailler", reprend Jonson, "toujours pas régularisé" après deux ans en France. "J'espère que l'Etat pourra faire quelque chose pour nous, qu'il nous fera cette grâce-là", dit-il en cessant sa découpe. "Ca nous donnerait la force de faire d'autres bons actes."

AFP

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