Etats-Unis

Les associations d'entraide fleurissent face aux défaillances du pouvoir américain

  • Publié le 9 avril 2020 à 09:48
  • Actualisé le 9 avril 2020 à 10:16

Masque sur le visage et mains gantées, Anthony Lorenzo Green arpente les rues du nord-est de Washington dans une Cadillac couleur argent pour livrer des courses aux plus nécessiteux.

M. Green sait où se rendre grâce aux efforts d'un réseau d'entraide mis en place au Capitole et dont les volontaires se coordonnent pour subvenir aux besoins des personnes en situation de précarité, qu'il s'agisse de nourriture, d'accessoires de toilette ou simplement d'un coup de téléphone pour savoir comment ils vont.

"Il y a des gens qui se lèvent chaque matin avec le sentiment que tout le monde les a oubliés. Mais dans cette période, on leur rappelle que ce n'est pas le cas", avance le consultant, qui exerce également des fonctions politiques locales. Avec la pandémie, son activité professionnelle a considérablement diminué.

Le virus a fait plus de 14.000 morts aux Etats-Unis et mis au chômage au moins 10 millions d'Américains. Le personnel sanitaire fait lui face à un manque criant de ressources pour lutter contre la maladie.

Pour pallier les carences des pouvoirs locaux et fédéraux, des groupes d'entraide se mobilisent, cherchant à répondre aux besoins des communautés les plus exposées, comme les personnes les plus démunies, les seniors, les populations immigrées ou de nombreux Afro-Américains.

"Des gens appellent nos services d'assistance téléphonique car ils n'ont pas d'argent et ne peuvent pas nourrir leur famille", raconte Makia Green, qui gère l'un des groupes d'entraide dans la capitale américaine.

- Donner des masques -

Ces associations d'entraide sont une tradition de longue date de la gauche américaine. Selon Dean Spade, professeur à la Seattle University School of Law et spécialiste de ces groupes, "le terme d'entraide est généralement utilisé pour indiquer le soutien à ceux qui ont des besoins de base avec l'idée partagée que le gouvernement et les grandes entreprises ne vont pas les aider et vont peut-être même faire empirer les choses".

De nombreux groupes mis sur pied ces dernières semaines visent à répondre aux inégalités que le virus a mis au jour, ainsi qu'à l'incurie politique.

C'est notamment le cas de l'association Mask Crusaders, qui dispose de 20 antennes à travers le pays et dont l'objectif est de donner des masques aux employés exposés au virus.

Le Congrès américain a approuvé fin mars un plan de relance de 2.200 milliards de dollars, qui prévoit notamment l'envoi d'un chèque à de nombreux Américains et un renforcement des aides au chômage.

Mais les responsables des groupes d'entraide craignent que les communautés les plus à l'écart continuent à être négligées. "Lors d'une grande crise sanitaire comme le coronavirus, les populations les plus à risque sont les Afro-Américains pauvres" et les autres groupes marginalisés, explique Alexis McKenney, qui coordonne l'entraide pour deux des quartiers les plus défavorisés de Washington.

Certaines agences municipales ont même redirigé des habitants vers le réseau d'entraide de M. McKenney, qui dit crouler sous les demandes.

- Se politiser -

Malgré l'absence de statistiques nationales, les données recueillies localement montrent clairement que la Covid-19 tue de façon disproportionnée les Noirs américains.

Les associations d'entraide souhaitent investir le champ politique pour interroger l'origine de telles disparités face au virus. "Si on fait les choses bien, une fois que tout sera fini, plus rien ne sera comme avant", veut croire Aja Taylor, qui a diffusé sur les réseaux sociaux un questionnaire sur les demandes à adresser aux autorités municipales.

"L'entraide est une opportunité de se politiser grâce à des actions concrètes", soutient Mme Taylor. Pour M. Green, le principal obstacle dans la distribution des produits est de savoir comment les remettre tout en restant à une distance suffisante pour éviter les risques de contagion.

Patricia Smith observe un sac en papier qu'a déposé M. Green et qui contient de la confiture, du papier toilette et une miche de pain. Malgré un dos douloureux, la sexagénaire refuse de se faire aider par peur que quelqu'un s'approche trop près d'elle.

Avec la réduction du nombre de bus et de métros, "c'est difficile d'obtenir de la nourriture", assure Mme Smith. "Mais au moins, j'ai pu récupérer le pain", glisse-t-elle.

 AFP

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