Kirghizstan

Législatives sur fond de craintes d'achats de voix

  • Publié le 4 octobre 2020 à 17:51
  • Actualisé le 4 octobre 2020 à 17:55

Le Kirghizstan élit dimanche un nouveau parlement sur fonds de craintes d'achats de voix et d'irrégularités, dans un pays fragilisé par l'épidémie de Covid-19. Les bureaux de vote, qui ont ouvert à 02H00 GMT, fermeront à 14H00 GMT, les premiers résultats de ces élections pluralistes, rares en Asie centrale, étant attendus dans la soirée.

Sur 16 partis en compétition, deux sont certains d'obtenir des sièges au parlement, qui comprend au total 120 députés. Le parti Birimdik est considéré comme loyal au président Sooronbaï Jeenbekov et compte parmi ses candidats le frère du président, l'ex-chef du parlement Asylbek Jeenbekov.

Son principal rival, Mekenim Kirghizstan (Ma Patrie le Kirghizstan), est allié à la puissante famille Matraïmov, dont le chef de file Rayimbek Matraïmov, un ancien responsable des douanes, a été la cible de manifestations contre la corruption l'an passé.

Dans un environnement de régimes autoritaires, ce pays montagneux reste un îlot de pluralisme en Asie centrale ex-soviétique. Mais avec l'épidémie de coronavirus qui a aggravé la pauvreté de la population, beaucoup mettent en garde contre le risque d'une corruption massive du vote par les partis les plus riches.

Un journaliste de l'AFP a pu observer plusieurs minibus garés derrière un bureau de vote dans le village de Besh-Kunguey, où la queue pour voter comprenait des dizaines de soldats mais aussi des civils habillés très différemment des habitants du village, tandis que des hommes baraqués en survêtement surveillaient la queue.

Un formulaire permettant aux citoyens de changer de lieu de vote a suscité les critiques de certains, qui craignent qu'il permette aux partis de coordonner leurs campagnes d'achat de voix.

"Cela (permet) la corruption. Cela aide (les partis) à acheter des gens. Nous devons nous débarrasser de cela", estime Oleg Kenzheev, un électeur de 59 ans sans emploi. "Les élus du Kirghizstan ne vivent que pour eux-mêmes", se plaint-il.

La commission électorale centrale a reconnu que près de 500.000 électeurs (sur un total de 3,5 millions) avaient modifié leur lieu de vote avant l'élection.

- Electeurs venus d'ailleurs -

Le procureur de la République a annoncé avoir ouvert une enquête sur des accusations selon lesquelles un parti aurait acheté des votes contre des sacs de charbon.

"Suis-je la seule à voter selon ma conscience?", lâche devant un bureau de vote de Bichkek Svetlana Lavrova, 55 ans, racontant à l'AFP comment elle a vu, elle aussi, des dizaines de personnes arriver par minibus et être accueillies par des hommes leur donnant des papiers avant qu'elles n'entrent dans le bureau de vote.

Une chaîne de télévision privée, TMG, a diffusé des images de bulletins dans un bureau de vote d'Osh (sud) qui, selon les journalistes de la chaîne, étaient pré-cochés en faveur du parti Birimdik. Les journalistes ont ensuite été empêchés de filmer dans le bureau de vote par les responsables électoraux. Un avocat de Birimdik a affirmé à l'AFP que ce parti "ne s'engageait pas dans l'achat de voix" ni n'exerçait de "pression" sur les électeurs.

- Proximité avec la Russie -

Selon les analystes, ces élections ne devraient pas remettre en cause la proximité du Kirghizstan avec la Russie, les deux principaux partis s'étant exprimés en faveur d'une poursuite de l'intégration à l'Union économique eurasiatique menée par Moscou. Depuis que le Kirghizstan l'a rejointe en 2015, elle a amélioré le statut des centaines de milliers de migrants kirghizes travaillant en Russie.

Signe des effets de la pandémie de Covid-19 sur l'économie kirghize, la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD) prévoit une chute de 9,5% du PIB du pays en 2020, alors que le commerce avec la Chine voisine a chuté de moitié depuis le début de l'année.

Deux révolutions, en 2005 et 2010, ont forcé au départ deux présidents autoritaires et ont conduit à la rédaction d'une nouvelle Constitution en 2010 pour équilibrer les pouvoirs et contenir la confrontation politique.

La loi électorale impose qu'aucun parti ne puisse obtenir plus de 65 sièges sur les 120 que compte le parlement, et limite l'exercice du pouvoir à un mandat présidentiel de six ans.

Sooronbaï Jeenbekov pourrait espérer un parlement loyal pour assurer son avenir après la fin de son mandat en 2023, sachant que son prédécesseur Almazbek Atambaïev est aujourd'hui en prison. Il a été condamné en juin à 11 ans de détention pour avoir fait relâcher un des chefs du crime organisé.

AFP

guest
0 Commentaires