Violences post-électorales

Kirghizstan: le président se dit en contrôle du pays après une nuit d'émeutes

  • Publié le 6 octobre 2020 à 11:15
  • Actualisé le 6 octobre 2020 à 13:28

Le président kirghiz a affirmé mardi contrôler le pays, après une nuit de violences post-électorales qui ont vu les manifestants d'opposition envahir le siège du gouvernement et libérer le grand rival du chef de l'Etat de prison.

Sooronbaï Jeenbekov "contrôle la situation et a exprimé sa confiance que les forces politiques vont placer l'intérêt du pays au-dessus des leurs", a indiqué la présidence, avant de laisser entendre que les résultats des législatives, à l'origine des heurts, pourraient être revus.

Le dirigeant a assuré ensuite dans un communiqué n'avoir sciemment pas donné l'ordre d'ouvrir le feu sur les manifestants qui dans la nuit de lundi à mardi ont pris d'assaut une série de bâtiments officiels, dont le siège du gouvernent, surnommé la Maison Blanche, où les bureaux ont été partiellement saccagés.

"J'ai ordonné aux forces de l'ordre de ne pas ouvrir le feu et de ne pas faire couler le sang", a déclaré Sooronbaï Jeenbekov, en assurant que "toutes les mesures ont été prises pour empêcher une aggravation de la situation".

Il a également affirmé avoir demandé à la Commission électorale centrale d'"examiner soigneusement toutes les violations et, si nécessaire, d'annuler les résultats des élections" législatives remportées par des partis pro-présidentiels.

Ces déclarations interviennent aussi après que les manifestants ont libéré de prison Almazbek Atambaïev, l'ex-président et ancien allié devenu rival de M. Jeenbekov.

- La rue réplique -

Il était détenu dans la prison des services de sécurité, après une condamnation à onze ans de réclusion, et était dans l'attente d'un nouveau procès pour organisation de troubles massifs et meurtre, des accusations liées à son interpellation dans la violence en 2019 qui avait déjà menacé de déstabiliser le pays.

Plusieurs autres figures politiques détenues ont été libérées par les manifestants dans la nuit de lundi à mardi.

Ces émeutes rappellent celles de 2005 et 2010 qui s'étaient muées en révolution, émaillées de pillages, chassant du pouvoir les autorités en place, accusées de corruption et de dérive autoritaire.

Les législatives de dimanche et leurs résultats controversés ont fait descendre des milliers de détracteurs du pouvoir dans les rues de la capitale lundi.

Puis dans la nuit, des affrontements avec la police ont éclaté après que les forces anti-émeutes ont voulu disperser les protestataires à l'aide de grenades assourdissantes, de gaz lacrymogènes et canons à eau.

La rue a alors répliqué avec des pavés et d'autres projectiles, se protégeant de policiers avec notamment des poubelles en feu. Au moins 120 personnes ont été hospitalisées à la suite de ces heurts, mais aucun mort n'est à déplorer, selon le ministère de la Santé.

- Achat de voix -

Adil Tourdoukov, un allié de M. Atambaïev, a dit que la libération de l'ex-président s'est elle faite "sans violences", et que les forces présentes n'avaient pas opposé de résistance.

Les manifestants réclament la démission de Sooronbaï Jeenbekov et la tenue de nouvelles élections après que celles de dimanche ont vu deux partis favorables au chef de l'Etat dominer le scrutin.

La manifestation, qui s'était déroulée dans le calme à l'origine, avait été organisée lundi à l'appel de cinq partis politiques qui avaient échoué à atteindre le seuil de 7% nécessaire pour entrer au Parlement.

Or avant même le vote, des soupçons d'achats considérables de voix pesaient sur ces élections. Le chef de la mission de l'OSCE venue observer les élections, Thomas Boserup, avait jugé que ces "allégations crédibles" suscitaient "une inquiétude sérieuse".

Mardi matin, les partisans de Sadyr Japarov, un homme politique nationaliste libéré de prison dans la nuit, réclamait sa nomination comme Premier ministre.

Des médias locaux annonçaient pour leur part que deux opposants, dont les partis ont échoué à entrer au Parlement, disaient avoir le contrôle des forces de sécurité et du parquet général.

Les autorités du Kirghizstan, pays pauvre de l'Asie centrale ex-soviétique, ont été minées par une série de scandales politico-financiers ces derniers mois. Le pays a aussi été le théâtre en 2010 d'affrontements ethniques meurtriers visant communauté ouzbèke dans le sud kirghize.

AFP

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