Droits TV

Le piratage, l'autre menace qui pèse sur le foot français

  • Publié le 10 novembre 2020 à 19:59
  • Actualisé le 10 novembre 2020 à 20:23

Avec le redémarrage de la L1 et de la Ligue des champions, le piratage a repris du poil de la bête en France avec près de trois millions d'adeptes par mois, un fléau difficile à endiguer qui gangrène l'économie des droits TV du football.

Le sujet a été remis sur la table il y a quelques jours par le patron de Canal+ Maxime Saada dans une interview au quotidien Les Echos: "On observe une véritable explosion du piratage depuis le lancement de Téléfoot", la chaîne de Mediapro, nouveau diffuseur majeur de la Ligue 1, a lancé le dirigeant.

Une attaque en règle visant le groupe sino-espagnol, qui a refusé d'honorer sa traite d'octobre auprès de la Ligue de football professionnel (LFP) et a engagé un bras de fer pour renégocier à la baisse le montant du contrat (800 millions d'euros par an).
Sur le constat, le patron de Canal+ n'a pas tort. "Actuellement, on estime à près de 3 millions les personnes qui consomment des programmes sportifs illégalement. Ça a considérablement augmenté ces dernières semaines", confirme Pauline Blassel, la secrétaire générale de l'Hadopi, l'organe de protection des droits d'auteur. En revanche, rien ne vient corroborer que cette inflation soit due à l'arrivée de Téléfoot.

- "Illégal mais pratique" -

Cette hausse serait a priori à mettre en lien "avec la reprise des compétitions" en Europe au sortir du premier confinement, assure Pauline Blassel. "Dès que les compétitions reprennent, le piratage reprend", corrobore la directrice juridique de BeIn sports Caroline Guenneteau.
"C'est plutôt le fait que Maxime Saada n'ait pas décidé de distribuer Téléfoot auprès de ses 8,6 millions d'abonnés qui fait que ses abonnés ont peut-être décidé d'accéder à Téléfoot avec des moyens alternatifs", rétorque-t-on chez Mediapro.

Le problème n'est de toute façon pas nouveau. Des sites de streaming qui diffusent sur internet des matches de Ligue des champions ou de la L1 sans autorisation pullulent depuis des années. Il y a aussi les boîtiers IPTV qui permettent pour une poignée d'euros d'obtenir illégalement l'accès à toutes les chaînes qui retransmettent du football (Canal+, BeIn sports, RMC Sport, Téléfoot...).

Le morcellement de l'offre audiovisuelle depuis des années, les changements de diffuseurs tous les quatre ans, et pour certains le coût jugé trop cher des abonnements... Autant de raisons qui peuvent expliquer le choix des amateurs de foot de se tourner vers le piratage.
"C'est devenu compliqué de suivre. Du coup, avec un boîtier, tu as tout pour 30 euros par mois. Je sais que c'est illégal mais c'est pratique", explique un amateur de foot sous couvert d'anonymat qui a décidé cette saison de s'offrir un boîtier IPTV.

Et la facture de ce petit jeu avec la légalité se révèle salée. BeIn Sports, dès 2015, avait estimé les pertes pour l'ensemble des diffuseurs à l'époque "à 500 millions d'euros par an", assure Caroline Guenneteau. Pour l'Hadopi, les pertes pour les diffuseurs se situent plutôt autour de la centaine de millions d'euros.

"Cela a évidemment des répercussions sur les abonnements qui ne sont pas pris", reconnait-t-on chez Mediapro, dont le patron Jaume Roures a revendiqué autour de 600.000 abonnés à Téléfoot, encore bien loin des 3,5 millions recherchés pour rentabiliser son lourd investissement. Et ce problème menace à terme l'économie même des droits TV.

- Texte mis en sommeil -

"Non seulement il y a une entorse à l'exclusivité mais avec le manque à gagner, est-ce qu'on va continuer à payer des droits TV aussi chers ?", s'interroge Caroline Guenneteau. Les diffuseurs, réunis au seins de l'APPS (Association de protection des programmes sportifs) depuis 3 ans, tentent de lutter contre ce fléau, et n'étaient pas loin de voir leurs efforts aboutir. Le projet de loi sur la réforme de l'audiovisuel comporte en effet une mesure qui permettrait de saisir la justice pour faire stopper la diffusion en temps réel.

Mais le texte a été mis en sommeil depuis le confinement. "Incompréhensible", selon Caroline Guenneteau. "Le gouvernement n'a pas identifié que c'est une priorité pour le secteur. C'est un vrai problème", regrette-t-on aussi chez Mediapro.
Cette mesure ne pourrait toutefois pas être mise en ?uvre si facilement. "Ce n'est pas loin d'être insoluble: dans le domaine du sport il faut agir dans l'heure, ce qui semble incompatible avec le fonctionnement de la justice qui est très lent", nuance une source proche du dossier.

AFP

guest
0 Commentaires