Guerre et paix

Accord sur le Karabakh: des opposants arméniens arrêtés après des violences

  • Publié le 12 novembre 2020 à 20:16
  • Actualisé le 12 novembre 2020 à 20:40

Dix figures de l'opposition arménienne ont été arrêtées jeudi pour leur rôle présumé dans des manifestations violentes dénonçant la signature par le Premier ministre de l'accord consacrant une victoire azerbaïdjanaise dans le conflit au Nagorny Karabakh.

Aux termes de ce texte, après six semaines d'affrontements meurtriers, l'Azerbaïdjan a reconquis de larges territoires qui étaient sous contrôle arménien depuis le début des années 1990. Une "trahison", selon les opposants au chef du gouvernement Nikol Pachinian.

Près de 2.000 soldats de maintien de la paix russes vont être déployés pour garantir le respect de l'accord, mais aussi la survie de la république autoproclamée arménienne du Nagorny Karabakh, amoindrie et affaiblie. Parmi les opposants arrêtés jeudi figurent le chef d'Arménie prospère, Gaguik Tsaroukian, et des représentants de Dachnaktsoutioun, du parti Républicain ainsi que du parti de la Patrie.

Selon le Service d'enquête du parquet, ils sont soupçonnés de "désordres de masse violents", crime passible de 10 ans de prison. Dans la nuit de lundi à mardi, le siège du gouvernement et le Parlement avaient été envahis et partiellement saccagés par des centaines de manifestants.

- Des réfugiés "désespérés" -

Jeudi, environ 3.000 protestataires ont convergé à Erevan vers le siège des services de sécurité, entouré de policiers, alors que les rassemblements restent interdits depuis la loi martiale entrée en vigueur fin septembre. "Pachinian a vendu notre terre natale et essaye maintenant de rester au pouvoir", a lancé à la foule Naïra Zoghrabian, députée d'Arménie prospère.

Une manifestante, Siranouch Sarkissian, 39 ans, a dit à l'AFP avoir fui le Nagorny Karabakh à cause des combats : "Nous avons perdu nos maisons. Qui va être responsable de ça ? Nous sommes désespérés.""Nous ne retournerons pas au Karabakh. Nous n'avons aucune garantie que les Turcs ne nous tueront pas tous là-bas", ajoute Slavik Essaïan, 58 ans, un autre réfugié. Une deuxième manifestation, plus petite, a été dispersée par la police près de l'Opéra d'Erevan.

Diverses formations d'opposition avaient donné jusqu'à jeudi minuit (20H00 GMT mercredi) à Nikol Pachinian pour démissionner, un ultimatum rejeté par le pouvoir qui défend sa décision d'accepter sa défaite et une cessation des hostilités au Nagorny Karabakh.
Selon Nikol Pachinian, cet accord "douloureux", signé à la demande de l'armée et des responsables séparatistes, permet à une grande partie du Nagorny Karabakh de subsister, malgré les pertes de territoires.

Autrement, l'Azerbaïdjan, plus riche, mieux armé et soutenu par l'ennemi ancestral qu'est la Turquie, aurait fini par reconquérir la totalité de la province, faisant des milliers de morts supplémentaires. Il a accusé aussi la contestation d'être pilotée par une oligarchie corrompue issue de l'ancien régime, renversé en 2018 par la révolution populaire qui a porté M. Pachinian au pouvoir.
Avant le récent conflit et la pandémie de coronavirus, Nikol Pachinian était crédité d'avoir réussi à relancer l'économie arménienne par des réformes et son action anti-corruption.

- Russie et Turquie -

Sur le plan régional, l'accord de cessation des hostilités signé sous l'égide de Vladimir Poutine permet à la Russie de conforter sa position dans le Caucase du Sud, renforçant la dépendance de l'Arménie à son égard et déployant pour la première fois des troupes en territoire azerbaïdjanais.

La Turquie, grand soutien de Bakou, a aussi gagné en influence et devra jouer un rôle dans l'observation de l'application du cessez-le-feu, même si les contours de son action restent à définir. Une délégation russe est attendue vendredi en Turquie pour discuter de ce contrôle conjoint.

L'accord signé en début de semaine ne prévoit cependant aucun mécanisme de règlement durable du conflit du Nagorny Karabakh, qui empoisonne la région depuis la chute de l'URSS. Le texte prévoit la rétrocession à Bakou de sept districts azerbaïdjanais, sorte de glacis de sécurité entourant le Nagorny Karabakh. L'Azerbaïdjan garde aussi des territoires conquis militairement dans le nord et le sud de la république sécessionniste, notamment la ville stratégique et symbolique de Choucha.

Les terres restant sous contrôle arménien seront reliées à l'Arménie par un corridor dont la sécurité sera garantie par la Russie. C'est là que les premiers soldats de la paix russes ont été postés mercredi. Au total, 1.960 militaires russes seront déployés entre Arméniens et Azerbaïdjanais.

AFP

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