Deux ans après l'échec d'une initiative similaire

Argentine: bataille parlementaire pour la légalisation de l'avortement

  • Publié le 11 décembre 2020 à 15:29
  • Actualisé le 11 décembre 2020 à 15:36

Un texte de loi sur la légalisation de l?avortement en Argentine, débattu jeudi à l'Assemblée nationale, devrait être approuvé par les députés vendredi, avant de passer au Sénat, deux ans après l'échec d'une initiative similaire.

En 2018, les députés avaient voté la loi autorisant l'IVG avant que le Sénat ne la rejette quelques jours plus tard. Le président de la Chambre des députés, Sergio Massa, a estimé que le texte, qui a soulevé des débats passionnés, serait soumis au vote des députés vendredi à 06H00 (09H00 GMT).

Dans ce pays de 45 millions d'habitants majoritairement catholiques - terre natale du pape François - l'avortement n'est légal qu'en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère, selon une loi en vigueur depuis les années 1920.

Débattu depuis dix jours en commission et amendé, le projet de loi à l'initiative du président de centre-gauche Alberto Fernandez autorise l'interruption volontaire de grossesse (IVG) jusqu'à la 14e semaine.

Pour qu'il soit adopté, une majorité de 129 voix est nécessaire sur les 257 sièges de l'Assemblée. Le parti au pouvoir et ses alliés semblent réunir assez de forces en faveur du texte, mais c'est devant la chambre haute, où une alliance de centre-gauche et de droite péroniste dispose pourtant d'une large majorité, que sera tranchée avant la fin de l'année cette question qui divise fortement la société argentine.

Massées devant le parlement, des manifestantes pro-IVG, portant un foulard vert, symbole de leur lutte, arboraient des pancartes sur lesquelles on pouvait notamment lire: "L'avortement légal, maintenant, gratuit et à l'hôpital!". De l'autre côté des barrières, des adversaires de la loi exhibaient des poupées représentant des bébés en sang. Une de leurs banderoles clamait: "toute vie vaut la peine".

Pendant les dix premières heures de débat, 86 législateurs sur les 164 orateurs inscrits sont intervenus. La députée du parti gouvernemental Ana Carolina Gaillard a estimé que "le débat n'est pas pour ou contre l'avortement mais pour un avortement avec ou sans conditions sanitaires de sécurité", évoquant les 3.000 femmes décédées depuis 1983 des suites d'avortements clandestins, chiffre rendu public par le président Fernandez.

Lors de l'annonce du dépôt de sa proposition de loi mi-novembre, le président péroniste avait déclaré que "la criminalisation de l'avortement n'a servi à rien. Chaque année quelque 38.000 femmes sont hospitalisées pour complications lors d'avortements clandestins".

Le député d'opposition Martin Maquieyra (droite) a lui appelé à "choisir la voie difficile de l'éducation sexuelle et de la contraception". "Nous avons besoin d'un Etat qui accompagne mais ne rejette pas. A quoi ressemblerait l'Argentine si nous devions choisir qui devait naître ou pas?", a-t-il dit.

- "Question de santé publique" -

Selon le gouvernement, entre 370.000 et 520.000 avortements clandestins sont pratiqués chaque année dans le pays. "C'est une question de santé publique, de justice sociale et de droits de l'homme", a déclaré à l'AFP Valeria Bonetto, médecin de 48 ans, au milieu des manifestants réunis devant l'Assemblée pour réclamer un "avortement légal maintenant, gratuit et à l'hôpital".

En 2018, sous le mandat de l'ex-président de centre-droit Mauricio Macri (2015-2019), le vote historique à l'Assemblée avait rassemblé 129 députés pour la légalisation de l'IVG, contre 125 et une abstention. A la chambre haute, 38 sénateurs s'étaient ensuite opposés au texte, contre 31 pour et deux abstentions.

C'est la neuvième fois qu'un projet de loi sur l'IVG est déposé devant le parlement, mais c'est la première fois que l'initiative provient de l'exécutif. Il autorise l'avortement "jusqu'à la 14e semaine de grossesse" et prévoit une "objection de conscience" pour des professionnels de santé refusant de le pratiquer, mais les oblige à "orienter le patient vers des soins" appropriés.

Parallèlement, un "Plan des mille jours" entend également "renforcer l'accès aux soins pendant la grossesse et lors des premières années de vie d'un enfant" pour les familles en situation de vulnérabilité financière.

Pionnière pour la promulgation de lois sur le mariage homosexuel et l'identité de genre en Amérique latine, l'Argentine pourrait, si le texte est adopté par le parlement, rejoindre Cuba, l'Uruguay, le Guyana et la province de Mexico, les seuls à autoriser l'IVG sans conditions dans la région.

AFP

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