Russie

L'attente inutile des partisans de Navalny, perdus en "absurdie"

  • Publié le 18 janvier 2021 à 01:26
  • Actualisé le 18 janvier 2021 à 06:48

Le principal opposant russe Alexeï Navalny n'a jamais atterri à l'aéroport Vnoukovo de Moscou, où l'attendaien en vain plusieurs centaines de sympathisants piégés dans une atmosphère étrange, parfois oppressante, souvent absurde.

Dans les deux jours précédant l'arrivée, l'aéroport de Vnoukovo avait déployé une inhabituelle activité sur les réseaux sociaux pour prévenir qu'aucun "évènement public" ne serait autorisé, puis qu'un billet d'avion serait nécessaire pour entrer dans l'aéroport. Celui-ci, justement, a rapidement été cadenassé. Le hall des arrivées internationales, celui par où Alexeï Navalny aurait dû sortir après l'atterrissage de son avion prévu à 19H20, était inaccessible dès la mi-journée.

La réponse des autorités russes au retour du principal opposant du pays ne s'est pas arrêtée à Moscou. "J'ai remarqué que j'étais suivi" depuis samedi, raconte à l'AFP Denis Lougovski, député municipal d'opposition venu de Saint-Pétersbourg (nord-est). "Et ce matin en me levant, je vois sur les réseaux sociaux que des gens qui prévoyaient de venir en train, en avion, commençaient à être arrêtés", poursuit-il, expliquant qu'il a finalement pu prendre un train avec quelques amis, en changeant son billet au dernier moment.

Beaucoup ont toutefois pu venir sans peine. C'est le cas de Tania Chtchoukina. Dans la matinée, cette sympathisante de 22 ans a pris un avion de Saint-Pétersbourg, la deuxième ville de Russie, où elle compte repartir dans la soirée. "Enfin, s'ils ne m'arrêtent pas pour avoir crié +Navalny+ dans l'aéroport", s'amuse la jeune femme au bonnet jaune immanquable. "C'était important pour moi, comme citoyenne russe, de soutenir un homme, son courage", ajoute-t-elle. "Ils ont inventé un crime (pour l'empêcher de rentrer), il fallait le soutenir, lui montrer qu'il n'est pas seul".

- Joutes verbales -

Artiste de stand-up, la jeune femme est habituée aux joutes verbales. Il le faut quand elle est prise à partie par un homme d'une dizaine d'années plus âgé, musclé, la tenue classique du supporter de football russe. "Est-ce qu'il y a des preuves" qu'Alexeï Navalny a été empoisonné, demande-t-il abruptement, appuyé par quelques amis dans une atmosphère soudain plus tendue. Des deux côtés, des dizaines de téléphones immortalisent la scène.

L'homme musclé affirme être un fan d'Olga Bouzova, une chanteuse pop russe qui a annoncé dans la matinée qu'elle aussi atterrirait à l'aéroport Vnoukovo. Alors soudain, des dizaines de "fans" de la chanteuse ont fait leur apparition à l'aéroport Vnoukovo pour l'accueillir.

L'avion d'Alexeï Navalny doit atterrir dans moins d'une heure et l'absurdité semble régner dans le hall des arrivées. Des policiers se déploient pour disperser, sans force, les partisans de l'opposant. Quelques dizaines de jeunes hommes, vêtus de noir pour la plupart, peuvent déplier leurs pancartes colorées disant leur amour d'Olga Bouzova.

Quelques-uns ont d'énormes bouquets de fleurs à la main. La scène ulcère les partisans d'Alexeï Navalny, qui assurent que tous ces "fans" ont été payés. Au milieu, d'authentiques voyageurs, déboussolés, se demandent où ils sont tombés.

L'une de ses plus proches alliées, Lioubov Sobol, et plusieurs autres proches, attablés à un café à quelques dizaines de mètres, sont de leur côté interpellés par des policiers. Ils seront libérés dans la soirée, sans qu'aucune accusation ne soit retenue contre eux.

Selon l'ONG spécialisée OVD-Info, 65 personnes au total ont été interpellées dimanche à Moscou et Saint-Pétersbourg en lien avec le retour de M. Navalny, la plupart à l'aéroport. L'avion d'Alexeï Navalny, lui, n'atterrira jamais à Vnoukovo. Alors qu'il s'approchait de Moscou, il a été dérouté à la dernière minute à Cheremetievo, le plus grand des quatre aéroports internationaux de la capitale russe. Où l'opposant sera arrêté avant même de franchir la frontière, sous les yeux des caméras de télévision mais loin de ses sympathisants.

AFP

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