
Mesure trop douce ou trop forte, les avis divergent. Car si les cas de Covid-19 continuent d'augmenter, ce sont plusieurs secteurs qui sont directement touchés par cette annonce de couvre-feu. Les professionnels de la restauration et de l'hôtellerie relativisent, parlant de la "moins mauvaise nouvelle" qu'ils pouvaient recevoir, mais la crainte de l'abaissement du couvre-feu à 20h se fait sentir.
"Pour l'instant, une fermeture à 22h est encore gérable, principalement parce que notre clientèle est surtout composée de familles le soir, et qu'elles viennent donc assez tôt pour dîner" estime Christel, gérante du restaurant Fin Gourmet. "Par contre, si le couvre-feu doit passer à 20h, ou qu'on devait être reconfinés, ça va devenir beaucoup plus compliqué. On s'adapte à chaque fois, et on comprend qu'il faille participer à l'effort collectif, mais je ne suis pas persuadée que les restaurants soient un lieu de haute contamination" continue-t-elle.
Un avis partagé par Geraldo Coppola, directeur du restaurant Méditerranéo. "A 22h, on doit supprimer un service, mais on peut toujours accueillir du monde. A 20h, il faudra se contenter de la livraison, ce qui va porter un gros coup à notre économie. A mes yeux, on aurait même dû confiner une bonne fois pour toutes, pendant 15 jours, le temps que les choses se tassent et que nous puissions reprendre le travail plus sereinement" estime le restaurateur.
Un point de vue que Patrick Serveaux, président de l'Union des métiers de l'industrie de l'hôtellerie, "comprend mais ne partage pas" : "en Métropole, les restaurants ont dû fermer 'temporairement'. Résultat, ils n'ont pas rouvert depuis le 30 octobre" rappelle-t-il. "22h, c'est un moindre mal pour notre industrie. Cela aurait des conséquences forcément, mais il faut aussi participer à l'effort collectif, alors que le préfet fait tout pour nous éviter un reconfinement qui serait fatal pour beaucoup" continue-t-il.
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- Un gros coup dur pour les bars -
Du côté des bars, l'annonce passe un peu plus mal. "On a beau être ouverts toute la journée, le plus gros de notre clientèle fréquente le carré cathédral le soir, ça va créer un vrai manquement" regrette Yann Queffelec, directeur de plusieurs établissements de ce quartier de Saint-Denis.
Fermant généralement à minuit, les établissements s'adaptent donc à un nouveau rythme : les derniers clients seront accueillis avant 21h. Les personnes déjà sur place devront partir à 21h30, pour donner le temps aux employés de nettoyer le bar. Employés dont les attestations professionnelles de déplacement ont déjà été préparées pour leur permettre de rentrer chez eux après 22h.
"De mon point de vue, on va finir confinés de toute façon. Les restrictions sont prises graduellement, pour nous habituer, mais ça ne m'étonnerait pas qu'on soit en couvre-feu à 20h dès ce week-end, et reconfinés dans quelques semaines" prévoit le directeur d'établissement. "C'est inévitable, et ça va créer un véritable coup dur pour notre secteur" termine-t-il, résigné.
- Une mesure pédagogique pour la communauté médicale -
Pour certains soignants, décider d'un couvre-feu à 22h a surtout une portée pédagogique. "Concernant la circulation du virus, un couvre-feu n'aura aucun effet : la plupart des contaminations se font en intra-familial désormais" explique la docteure Christine Kowalczyk, président de l'Union des médecins libéraux de La Réunion. Cette dernière estime que l'unique réponse à avoir face à l'épidémie est un respect strict de l'isolement.
"Aujourd'hui, beaucoup ne comprennent pas qu'il faut rester isolé quand on a été en contact avec une personne contaminée, même lorsque l'on ne présente aucun symptôme. La période d'incubation est longue, et l'isolement est donc mal respecté" souligne-t-elle. "Ce qu'il faudrait, c'est pouvoir regrouper les malades au même endroit pour éviter les contaminations dans les familles, mais bien sûr ce n'est pas réalisable". Le Conseil constitutionnel avait en effet jugée illégale le placement obligatoire en quatorzaine des voyageurs, dans des hôtels ou des centres dédiés.
Christine Kowalczyk s'insurge par ailleurs d'un manque de civisme de certains à La Réunion. "Il n'y a qu'à voir les chiffres des dépistages des voyageurs : 20% d'entre eux font un test quelques jours après leur arrivée, malgré les recommandations de l'ARS. Le respect de la septaine est limité aussi. Dans ce cas-là, difficile de contrôler l'épidémie" regrette-t-elle. Face aux derniers chiffres du Covid-19, la soignante table elle aussi sur un abaissement du couvre-feu à 20h.
- Des élus qui appellent à des mesures plus fortes -
Pour les élus, la mesure semble par contre bien faible face à la multiplication du nombre de cas de Covid-19. Dès mardi soir, après l'annonce d'un couvre-feu pour 22h, le maire du Port Olivier Hoarau a indiqué qu'il trouvait la mesure trop timide. "Un couvre-feu à 22h à La Réunion n'a pas de sens, et on a vu qu'il n'était pas efficace dans les communes en couvre-feu depuis deux semaines maintenant. Lors de notre réunion, j'ai d'ailleurs demandé au préfet un confinement pur et simple" avait-t-il indiqué.
Plusieurs édiles demandaient aussi une anticipation sur la dégradation de la situation sanitaire, considérant que 22h était un horaire trop tardif. "Certains maires souhaitaient imposer un couvre-feu à 20h dès maintenant, d'autres voulaient même reconfiner. Mais finalement, le préfet a suivi le plan qu'il avait énoncé le 3 février dernier, c'est-à-dire un couvre-feu à 22h une fois la barre des 100 cas pour 100.000 habitants passée" note Serge Hoareau, président de l'Association des maires et maire de Petite-Île.
"Il n'est en tout cas pas exclu que le couvre-feu passe à 20h dès ce week-end, dépendant des chiffres Covid-19 de ces derniers jours. La décision a été prise basée sur les chiffres du 19 février, mais entre-temps, de nouvelles contaminations ont été enregistrées" précise-t-il, ajoutant faire confiance au préfet quant aux décisons à prendre.
Jacques Billant a en tout cas affirmé tout faire "pour éviter un confinenement". Mais il n'hésitera pas à le prononcer si cela devait devenir nécessaire, a-t-il rappelé.
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