Covid-19

A Paris, derniers "p'tits bonheurs" avant un "confinement inéluctable"

  • Publié le 28 février 2021 à 23:32
  • Actualisé le 1 mars 2021 à 06:53

Tambours, trompettes, tubas : sur un air de fanfare ensoleillé, le printemps semble avoir conquis en avance les quais de Seine bondés. Quand le meneur casse l'enthousiasme des Parisiens : "Pour un éventuel reconfinement, n'oubliez pas de vous procurer notre super CD !" L'interlude en dit long sur l'état d'esprit des milliers de flâneurs qui ont envahi les bords de Seine dimanche à Paris.

Beaucoup appliquent le même mot d'ordre : "profiter une dernière fois", avant le nouveau tour de vis sanitaire qu'ils croient inévitable. "On a le soleil, un peu de musique, c'est le combo gagnant avant d'être reconfinés le week-end prochain", savoure Faustine Odin, qui se trémousse joyeusement au côté de son compagnon. "On n'a pas fait une telle bamboche depuis un an", ironise-t-elle, désabusée. Pour eux, après Nice et Dunkerque mises sous cloche ce week-end, Paris semble la prochaine ville sur la liste.

D'autant que les signes avant-coureurs se multiplient. Le Covid-19 et ses variants gagnent inexorablement du terrain en France, si bien que le Premier ministre Jean Castex a demandé aux 20 départements où l'épidémie menace de flamber de renforcer les contrôles, voire d'envisager d'autres mesures.

D'éventuelles nouvelles restrictions à Paris et en Ile-de-France seront au coeur de réunions prévues lundi. La Mairie de la capitale avait semé le trouble, vendredi, en réclamant un confinement de trois semaines. "Qu'ils nous confinent pendant trois mois et qu'ils nous vaccinent tous, pour qu'on en parle plus", souffle le compagnon de Faustine, Xavier Jean-Pierre, lassé de "vivoter pour travailler et consommer".

Face aux innombrables badauds, les forces de l'ordre ont tenté de réguler l'afflux massif sur les quais. Dès 15H00, policiers et gendarmes ont bloqué certains accès : "trop de monde", ont-ils expliqué gentiment.

La préfecture de police a déployé 3.600 policiers et gendarmes dans la métropole pour faire respecter port du masque et couvre-feu. Entre les bières entre amis, la chicha partagée sur un air de rap, la pizza dévorée en surveillant son marmot en trottinette, les patrouilles ont donc passé leurs temps à rappeler à chacun que toutes les excuses ne sont pas bonnes pour faire bronzer son menton au sortir de l'hiver. Un conseil amical, sans contravention pour la plupart.

- "Jusqu'au bout" -

Avec son Monaco dans un verre plastique, "Babou", 76 ans, observe ce petit manège. "Bien sûr qu'il faut être prudent", concède cette retraitée qui ne souhaite pas donner son identité. "Mais est-ce que les gens se mettent vraiment en danger? Chaque petit groupe reste entre amis, plutôt assis à bonne distance."

Malgré son âge, cette ancienne gardienne d'immeuble - qui n'a pas encore réussi à se faire vacciner -n'a pas pu résister à l'appel des quais. "J'ai entendu qu'ils avaient fermé les bords de la Garonne à Toulouse et je suis venue en me disant que c'est le dernier week-end où on peut en profiter."

Depuis un an, elle a dû faire une croix sur les activités organisées par la mairie qui lui permettaient de maintenir une vie sociale. "Voir du monde bouger comme ça, c'est mon p'tit bonheur, ça me donne l'impression d'avoir quelques amis", lâche-t-elle pudiquement.

Dès 17H10, la police forme des cordons pour l'évacuation et sort les mégaphones : la foule doit "quitter les quais". "On ne fait rien de mal, donc on va quand même en profiter jusqu'au bout", dit une jeune fille, cocktail à la main, rabrouant ainsi deux agents en rollers avec son plus beau sourire.

Samedi, sur l'ensemble de la France, 58.000 contrôles et 4.300 verbalisations ont été dressés pour non-respect des mesures sanitaires, a indiqué à l'AFP le ministère de l'Intérieur.

Après un pique-nique avec ses amis, Manuel Ausloos observe les bords de Seine se vider docilement : trente minutes plus tard, l'endroit est désert. "Le reconfinement me paraît inéluctable, donc le mieux qu'on puisse faire, c'est d'en profiter jusqu'à ce que ça nous tombe dessus", estime le jeune homme de 27 ans.

Déprimé par l'impression de "vivre en sursis depuis des semaines", il réclame lui aussi un confinement total, au-delà des simples week-ends. "Avec toutes ces demi-mesures, on ne comprend plus rien et on n'arrive plus du tout à se projeter."

AFP

guest
0 Commentaires