Justice

Meurtre de Sarah Halimi: l'irresponsabilité pénale de l'auteur examinée en cassation

  • Publié le 3 mars 2021 à 12:11
  • Actualisé le 3 mars 2021 à 15:41

L'homme qui a tué sa voisine juive, Sarah Halimi, en 2017 à Paris, peut-il être jugé pour ce crime commis lors d'une "bouffée délirante", possiblement liée à une consommation régulière de cannabis ? Le débat sur son irresponsabilité pénale resurgit mercredi devant la Cour de cassation.

Le 4 avril 2017, Kobili Traoré, un musulman de 27 ans avait roué de coups sa voisine juive de 65 ans, Lucie Attal - aussi appelée Sarah Halimi -, aux cris d'"Allah Akbar" avant de la précipiter dans la cour de leur immeuble d'un HLM de Belleville, dans l'est parisien.

L'affaire avait relancé une vive polémique sur l'antisémitisme qui imprégnerait certains quartiers populaires, faisant réagir jusqu'au président Emmanuel Macron et au chef du gouvernement israélien.
Mercredi, la chambre criminelle, dont la décision sera rendue à une date ultérieure, doit examiner le recours formé par les parties civiles contre un arrêt très décrié rendu le 19 décembre 2019 par la cour d'appel de Paris.

Ce jour-là, trois magistrats avaient tranché entre les expertises psychiatriques contradictoires du dossier et conclu à "l'abolition du discernement" de Kobili Traoré au moment des faits.
Cette décision, synonyme de l'abandon des poursuites judiciaires, avait été critiquée par des politiques de tous bords, dont la maire de Paris Anne Hidalgo, et par plusieurs personnalités, notamment de la communauté juive.

Les trois expertises concordaient sur le diagnostic d'une "bouffée délirante" inédite chez le jeune homme, possiblement provoquée par une forte consommation habituelle de cannabis. Mais les experts divergeaient sur les conclusions à en tirer: abolition du discernement ou simple altération, ouvrant la voie à un procès ?

- Altération ou abolition du discernement ? -

Seul le premier expert, Daniel Zagury retenait l'altération du discernement, invoquant une "intoxication chronique volontaire" dont le consommateur ne pouvait ignorer les dangers. A l'image de l'ivresse alcoolique, une circonstance aggravante en matière pénale.

A l'inverse, deux collèges de trois experts-médecins avaient ensuite appuyé la thèse que cette "bouffée délirante" ne pouvait s'apparenter à une ivresse cannabique, prévisible pour le fumeur.
"L'expertise du docteur Zagury est la meilleure: elle porte en elle sa propre contradiction", commente auprès de l'AFP l'avocat de Kobili Traoré, Me Thomas Bidnic, pour qui le célèbre expert judiciaire "a altéré son propre raisonnement psychiatrique par un raisonnement juridique erroné".

Me Caroline Toby, l'avocate des enfants de la victime jointe par l'AFP, dit "attendre de la Cour de cassation qu'il y ait un procès et que la famille puisse connaître l'entière vérité sur ce qui s'est passé concernant la séquestration et la mort de Sarah Halimi".

Selon une source proche du dossier, l'avocat général va se prononcer en faveur de la confirmation de l'irresponsabilité pénale de l'auteur du meurtre. "Ce que j'ai commis, c'est horrible. Je regrette ce que j'ai fait et je présente mes excuses", avait conclu Kobili Traoré lors de sa comparution devant la cour d'appel en novembre 2019. Auparavant, il avait relaté les heures précédant les faits, durant lesquelles il s'était senti "pourchassé par des démons", avait vu un "exorciste" sur les conseils d'un ami et fumé.

La cour, tout en retenant que les charges étaient suffisantes pour ordonner des poursuites pour meurtre avec la circonstance aggravante de l'antisémitisme, l'avait déclaré "irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement".

Les magistrats avaient donc mis fin à sa détention tout en ordonnant son hospitalisation complète, mesure administrative sous la responsabilité du préfet. Ils lui avaient aussi imposé 20 ans de mesures de sûreté, comprenant l'interdiction d'entrer en contact avec les proches de la victime et de retourner sur les lieux.

AFP

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