Avec un sabre et un talwie-walkie

Inde : les guerriers du Nihang, chevalerie sikh, veillent sur la fronde des agriculteurs

  • Publié le 5 mars 2021 à 13:07
  • Actualisé le 5 mars 2021 à 16:47

Vêtu d'une longue tunique bleu électrique, coiffé d'un turban de couleur assortie haut de 30 cm, un vieux sabre dans une main, un talkie-walkie dans l'autre, Amar Singh patrouille dans le dédale de tentes et de tracteurs qui bloque l'autoroute aux portes de New Delhi depuis 100 jours.

Amar Singh appartient à l'ordre chevaleresque sikh "Nihang" (sans peur, en sanskrit), première ligne de défense des agriculteurs dans le bras-de-fer qui les oppose au gouvernement du Premier ministre Narendra Modi.

Le guerrier de 32 ans est chargé de superviser la sûreté et la sécurité du campement de Singhu. Des dizaines de milliers de fermiers, des Sikhs pour la plupart venus comme lui de l'Etat du Pendjab, campent sur trois sites à la périphérie de la capitale depuis le 26 novembre quand l'accès à Delhi leur avait été barré, à la suite d'affrontements avec les forces de l'ordre.

Amar Singh et les agriculteurs qu'il défend n'ont pas l'intention de bouger tant que les réformes qui libéralisent les marchés agricoles et menacent, selon eux, leur activité, n'auront pas été révoquées. "Nous sommes ici pour défendre nos frères et prêts à périr ou tuer. C'est une lutte pour la paix, la justice et la dignité et nous ne transigerons jamais sur ces principes", affirme-t-il, flanqué de deux hommes armés de lances, à l'AFP.

- Scènes surréalistes -

Il est major de l'ordre militaire religieux des Khalsa (les Purs) - fondé par Guru Gobind Singh en 1699 - qui désigne parmi les Nihang ceux qui ont reçu le sacrement initiatique de l'Amrit (l'immortalité en sanskrit). "Ce combat est une juste cause et quiconque tente de nuire aux manifestants aura d'abord affaire à nous", menace-t-il.

Comme lorsqu'ils ont surgi à cheval, sabres au poing au coeur de Delhi pour aider les agriculteurs à l'assaut du Fort Rouge, haut lieu de l'indépendance indienne, pour hisser des drapeaux sikhs, offrant des scènes surréalistes en ce 26 janvier.

Après ce tour violent pris par leur manifestation autorisée dans Delhi avec leurs tracteurs pour le jour de l'Indépendance, les autorités ont érigé "un mur" fait d'énormes blocs de ciment, d'acier et de barbelés autour du campement de Singhu sur lequel veillent Amar Singh et les siens.

D'un côté se trouvent des milliers de policiers et paramilitaires, de l'autre des dizaines de Nihang, pieds nus, portant des armes que leurs ancêtres maniaient déjà au XVIIe siècle, sabres, glaives, épées, lances, poignards, couteaux, lames en tout genre.

La plupart des Sikhs portent turbans, barbes et poignards comme symboles religieux, mais les milliers d'hommes que compte l'ordre Nihang se distinguent par la couleur bleue de leur tenue, dont une longue tunique, des bracelets d'acier et de hauts turbans cerclés de chakrams, anneaux plats aux bords tranchants en plus de leurs armes.

Au camp, certains s'occupent des chevaux à dos desquels ils ont parcouru des centaines de kilomètres pour gagner Delhi depuis leur Pendjab natal, d'autres pratiquent le "Gatka", art martial sikh ou préparent le "bhang", boisson rituelle à base de cannabis.

- Piété et bravoure -

Les Nihang sont vénérés pour leur piété et leur bravoure par les Sikhs ordinaires. L'ordre a joué un rôle important au Pendjab pendant plus d'un siècle, notamment en repoussant les Moghols et les rois afghans.

L'Empire britannique a dissous celui des Sikhs au milieu du XIXe siècle et réduit les guerriers Nihang à des rôles cérémoniels. L'ordre Nihang a été critiqué pour avoir usé de ses armes autorisées par la constitution dans le seul cadre religieux. Mais les guerriers eux disent répondre à leur devoir.

"Chaque fois qu'il y aura de l'oppression, l'armée du Khalsa se montrera inflexible avec les oppresseurs", prévient le chef des guerriers Nihang, Raja Raj Singh, interrogé par l'AFP. "Le gouvernement de Modi s'est retourné contre nos agriculteurs et nos ouvriers", ajoute-t-il. "Si l'on tente de nous attaquer, nous nous défendrons".

AFP

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