Bolivie

L'opposition dans la rue contre contre la détention de l'ex-présidente

  • Publié le 16 mars 2021 à 08:14
  • Actualisé le 16 mars 2021 à 09:28

Des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue lundi dans les principales villes de Bolivie pour protester contre la détention de l'ancienne présidente par intérim Jeanine Añez, accusée d'avoir mené un coup d'Etat contre son prédécesseur Evo Morales.

Des rassemblements ont eu lieu dans la capitale La Paz, à Cochabamba, à Sucre, à Trinidad et à Santa Cruz, capitale économique de la Bolivie et fief de l'opposition au Mouvement vers le socialisme (MAS) d'Evo Morales et de l'actuel président bolivien Luis Arce.

A Santa Cruz, la grande ville du sud-est, environ 40.000 personnes se sont réunies sur la place Cristo Redentor, lieu traditionnel des manifestations de la droite bolivienne, selon les estimations des autorités locales. L'opposition de droite et du centre nie qu'un coup d'Etat ait eu lieu en novembre 2019, comme l'affirme le camp d'Evo Morales. Les manifestants ont protesté contre l'arrestation et le placement en détention provisoire de Jeanine Añez, devenue présidente par intérim de la Bolivie après la démission d'Evo Morales. Deux anciens ministres de Mme Añez ont eux aussi été arrêtés.

Au pouvoir de novembre 2019 à novembre 2020, Mme Añez a été placée par une juge en détention provisoire pour quatre mois et incarcérée dans une prison pour femmes de La Paz. Elle avait été arrêtée samedi à Trinidad, son lieu de résidence, à 600 kilomètres au nord-est de La Paz, comme deux de ses anciens ministres.

- "Prisonniers politiques" -

En novembre 2019, alors deuxième vice-présidente conservatrice du Sénat, Jeanine Añez avait prêté serment comme présidente par intérim deux jours après la démission d'Evo Morales.
Son arrestation est intervenue dans le cadre d'un mandat d'arrêt consécutif à une plainte pour "sédition", "terrorisme" et "conspiration" déposée par une ancienne députée du MAS.

Le mandat concerne aussi cinq anciens ministres de son gouvernement, dont les deux qui ont été arrêtés. Sur les trois autres, deux ont quitté la Bolivie en novembre. Il vise également deux anciens commandants militaires et l'ex-chef de la police.

La mobilisation contre les arrestations a été décrétée par le Comité civique de Santa Cruz, un puissant mouvement régionaliste de chefs d'entreprise et d'organisations sociales de droite hostiles au MAS. C'est de Santa Cruz qu'était parti en 2019 le soulèvement qui avait poussé à la démission Evo Morales, proclamé vainqueur de l'élection présidentielle où il briguait un quatrième mandat mais accusé de fraude par l'opposition.

Après une campagne de manifestations pendant laquelle au moins 35 personnes avaient été tuées, M. Morales, lâché par la police et par l'armée, avait démissionné et s'était réfugié au Mexique puis en Argentine. Il est rentré en Bolivie après l'élection à la présidence de son dauphin Luis Arce en octobre 2020.

Luis Fernando Camacho, ancien président du Comité civique de Santa Cruz qui vient d'être élu gouverneur, avait joué en 2019 un rôle clef dans les manifestations contre Evo Morales.
M. Camacho a qualifié Mme Añez et ses collaborateurs arrêtés de "prisonniers politiques". "Nous n'allons pas les laisser seuls", a-t-il dit.

Comme Jeanine Añez et d'autres anciens responsables, M. Camacho est visé par la plainte déposée par l'ancienne députée du MAS Lidia Patty. Mais il n'est pas visé par un mandat d'arrêt. Ses soutiens se sont organisés pour monter la garde devant sa résidence à Santa Cruz. Evo Morales, qui a qualifié de "dictature" le pouvoir intérimaire de Mme Añez, réclame que les responsables du "coup d'Etat" de novembre 2019 soient "sanctionnés".

- Réactions internationales -

L'arrestation de Mme Añez, qui se déclare victime d'une "persécution politique", suscite depuis samedi de nombreuses réactions en Bolivie et à l'étranger. La dernière en date est celle de Washington. "Les Etats-Unis suivent avec préoccupation les événements liés à la récente arrestation d'anciens fonctionnaires par le gouvernement bolivien", a déclaré lundi Jalina Porter, porte-parole adjointe du département d'Etat. Elle a a appelé au respect "des garanties de procédure régulière".

Le secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA), Luis Almagro, a réclamé pour sa part la libération des personnes arrêtées. "Le système judiciaire bolivien n'est pas en état de fournir les garanties minimales d'un jugement équitable", a-t-il estimé.

Le ministre bolivien de la Justice Ivan Lima a lancé un appel au calme, déclarant que la crise "doit être résolue par les tribunaux et non dans la rue". M. Lima s'est toutefois montré déterminé. "Ce que nous recherchons, ce n'est pas une détention de quatre mois, mais une peine de 30 ans, car il y a eu des massacres sanglants", a-t-il dit en se référant aux victimes des manifestations anti-Morales de 2019.

AFP

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